Par Nancy Roc
Soumis à AlterPresse le 26 septembre 2007
« La relation entre la Rép.Dom. et Haïti peut être une étreinte mortelle si nous ne sommes pas capables d’avoir un rapport à la vérité », déclare Danièle Magloire de Droits et Démocratie.
À l’occasion de la troisième édition du Festival International du Film Haïtien de Montréal (FIFHM), le comité organisateur souhaitait faire de cet événement annuel une plateforme d’activités suscitant de nouveaux débats sociaux d’envergure internationale. En ce sens, Montréal, carrefour de l’Amérique francophone, favorise le dialogue dans les domaines culturel et social, voire socio-économique. C’est donc dans un esprit de sensibilisation que le FIFHM a accueilli l’exposition internationale « Esclaves au Paradis », de la photographe franco-péruvienne, Céline Anaya Gautier et organisé un colloque international intitulé « Sang, Sucre et Sueur ».
L’Événement « Esclaves au Paradis » à Montréal visait à sensibiliser le grand public sur le trafic d’êtres humains et le maintien en esclavage des coupeurs de cannes à sucre dans les plantations dominicaines.
- Vue partielle du public a Radio Canada
Dans le cadre de cet événement, le colloque international « Sang, Sucre et Sueur » initié par le consortium Fondation Fabienne Colas / Réseau Liberté s’est tenu le 19 septembre dernier à Radio Canada, sous le Haut Patronage de Droits et Démocratie. Ce colloque, coordonné et modéré par la journaliste indépendante Nancy Roc, avec le concours de Marie Lachance de Réseau Liberté, a rassemblé des spécialistes québécois, haïtiens, dominicains, américains et belges autour des thèmes suivants :
– L’esclavage contemporain des braceros : quelles perspectives pour une solidarité internationale ?
– L’historique de l’interdépendance et de l’antagonisme des peuples haïtiens et dominicains.
– la situation des immigrants et des descendants Haïtiens en République Dominicaine.
La vérité sur les bateys : un sujet difficile, délicat et controversé
Pendant toute la campagne de presse de l’Événement « Esclaves au Paradis » à Montréal, les organisateurs du colloque ont pris la peine d’insister systématiquement sur le fait que ce colloque visait à « sensibiliser » et non à dénoncer, à « inclure » plutôt que de diviser. En effet, rappelons que le colloque de Paris autour de la problématique sensible du sort des coupeurs de canne haïtiens dans les plantations sucrières de la République Dominicaine avait donné lieu, en mai dernier, à de vives tensions entre les organisateurs et un groupe de dominicains qui entendait faire croire, menaces publiques à l’appui, que l’Événement « Esclaves au Paradis » à Paris, avait pour but de « dénigrer la République Dominicaine et du même coup s’attaquer à son peuple ».
L’événement avait provoqué « toute une polémique en République Dominicaine, notamment de la part du secteur politique. Le Parlement dominicain a même voté une résolution condamnant ces activités et a porté plainte par-devant l’ambassade de France à Santo Domingo. » [1]
- Le groupe des Dominicains venu assister au colloque
Dès le début du colloque de Montréal, plusieurs dominicains se sont présentés sans inscription alors que les réservations étaient obligatoires. Toutefois, les organisateurs les ont laissés entrer après avoir donné la priorité à toutes les personnes (plus de 200) inscrites au colloque « Sang, Sucre et Sueur » de Montréal. D’entrée de jeu, la coordonatrice du colloque a répété les objectifs de ce dernier et remercié les dominicains de leur présence. Elle les a conviés à se lever pour être applaudis par l’assistance. Nancy Roc a aussi fait état des déclarations de l’ex-Premier ministre haïtien, Gérard Latortue qui, le matin même, avait confié à l’agence EFE qu’il « était contre cette activité » car elle visait « à diviser les Haïtiens et les Dominicains » ; ceci avant de se rétracter dans la soirée en expliquant que « la presse dominicaine avait mal interprété ses propos. » [2] Elle a déploré que ce dernier n’ait pas daigné contacter le comité organisateur pour mieux s’informer des objectifs du colloque.
Madame Danièle Magloire, coordonatrice de Droits et Démocratie en Haïti, a officiellement ouvert les débats en faisant la remarque suivante concernant les propos de Gérard Latortue : « il faut parfois savoir faire silence sur les propos de certaines personnes surtout lorsque la personne a été en situation de pouvoir se prononcer sur ces dossiers. Pendant la période de transition nous avons connu une période excessivement difficile avec des dizaines de morts et des gens rapatriées dans des conditions absolument abominables. À ma connaissance (…) Monsieur Latortue n’avait pas daigné se prononcer sur la question à cette époque donc, exit Monsieur Latortue ! » a lancé Mme Magloire qui a fait partie du Conseil des Sages sous le gouvernement de transition.
- Intervention de Mme Magloire en ouverture du colloque
Dans ses propos de circonstances, Mme Danièle Magloire a fait une mise en contexte de la problématique des bateys et de l’esclavage contemporain en République Dominicaine. Elle a d’abord souligné que le nom de Kiskeya est l’appellation originelle et indienne de l’île partagée par Haïti et la République Dominicaine et non Hispaniola ou St Domingue (qui évoquent un passé colonial) comme on le voit sur tous les guides touristiques. « Tout cela (…) pour occulter le fait que la République Dominicaine est absolument et irrémédiablement liée à Haïti. Or comme Haïti a une mauvaise réputation, il est important (pour certains) de ne pas le montrer ». Elle a aussi donné en exemple l’île de Labadie au Cap Haïtien ou des centaines de touristes débarquent chaque semaine sans savoir qu’ils sont en Haïti.
Danièle Magloire, qui est également sociologue, a insisté sur tous les faits qui lient les deux pays : historiques, économiques, sociaux et culturels ; des faits parfois douloureux et tumultueux mais aussi des « solidarités qui ont su se construire au-delà de l’ensemble des dissensions et de tout ce qui nous sépare », a-t-elle déclaré en saluant tous les militants de la République Dominicaine et d’Haïti qui, « malgré des questions souvent délicates et qui naturellement pourraient nous diviser, font l’effort de transcender cela pour essayer de dialoguer et réfléchir ensemble sur une construction viable afin de ne plus nous retrouver à faire des colloques pour souligner des situations d’injustice. »
Cette relation entre Haïti et la République Dominicaine est, selon la coordonatrice de droits et Démocratie en Haïti, « une étreinte terrible et elle peut être mortelle pour les deux pays si, de part et d’autre, nous ne sommes pas capables d’avoir un rapport à la vérité pour poser les problèmes et d’essayer de les solutionner pour que les générations futures de manière autonome, certes, mais dans des relations quand même plus harmonieuses. »
Danièle Magloire a ensuite exposé la problématique des travailleurs saisonniers en République Dominicaine
qui « a toujours constitué un nœud gordien depuis le XIXème siècle ». « Les dirigeants, qu’il s’agisse des Chefs d’État, de gouvernement ou de partis politiques dans les deux sociétés, ont été, à date, incapables de poser de manière sérieuse et rationnelle cette question et surtout en prenant en compte les personnes qui sont au cœur de cette préoccupation, c’est-à-dire les travailleurs et travailleuses saisonnières » a-t-elle fait remarquer.
Selon Mme Magloire, la question des travailleurs dans les bateys n’est jamais évoquée par les deux gouvernements comme une question à résoudre : du côté haïtien, les autorités haïtiennes essayent de gérer les refoulements systématiques et du côté dominicain, les autorités calculent le moment d’exécuter ces refoulements. « Cela s’arrête à ce chaos là donc, ce sont les travailleurs et le secteur associatif qui se retrouvent porteurs de cette question difficile. » Ainsi, pour Mme Magloire, la problématique des bateys « est une course de fond et non de cent mètres » et, « l’indignation, une fois soulevée, qu’est-ce qu’on va faire pour que cela puisse vraiment s’arrêter ? » a-t-elle questionné.
D’autre part, elle a souligné qu’en termes politiques et stratégiques, lorsque l’on évoque les usines et compagnies sucrières, on adresse « un mode économique parfaitement capitaliste et la réponse ne peut pas être de réclamer une abolition de l’esclavage comme par le passé mais bien un ensemble de luttes sociales et politiques qui sont de nature à contrecarrer ce type de système économique et à faire en sorte que les droits des personnes soient respectés. »
- Quelques participants devant Radio Canada
De gauche à droite : Père Ruquoy, Lisane André, Sonia Pierre, Liliane P.Paul, Ariel F. Mota, N.Roc, Céline A. Gautier et Gérardo Ducos d’Amnistie Londres
Enfin, Mme Magloire, militante féministe convaincue et reconnue, a convié l’assistance à ne pas oublier le sort des braceras (les femmes qui travaillent dans les champs de canne à sucre), car, selon la coordonatrice de Droits et Démocratie, « si nous avons une communauté de descendants haïtiens en République Dominicaine c’est parce qu’il y a eu une masse critique de femmes qui n’ont pas le même poids dans le travail de la canne à sucre mais qui interviennent et permettent la reproduction de cette force de travail d’où le fait qu’on les laisse traverser la frontière car c’est un élément important. » Selon elle, le système des bateys est un mode de production parfaitement systématisé et qui sait sur quel levier intervenir pour le reproduire. De même que lorsqu’il ne convient plus, on pratique des expulsions. « Ces femmes sont aussi victimes, juste parce qu’elles sont des femmes, de violence et d’exploitation sexuelle de la part des hommes dominicains et des haïtiens. Cette question mérite d’être adressée aussi car la femme constitue toujours le dernier des derniers échelons. »
Pour conclure, Mme Magloire a reconnu que ces questions étaient douloureuses et difficiles et que du côté d’Haïti aussi, il y a des responsabilités à prendre et ces dernières incombent aux dirigeants étatiques. « Je suis obligée de dire que les photos que Céline Anaya Gautier nous donne à voir aujourd’hui, auraient pu être prises en Haïti malheureusement. Nous ne pouvons pas être uniquement choqués lorsque l’on maltraite nos compatriotes à l’extérieur alors que, le premier endroit où ils le sont, reste et demeure Haïti. » Pour la coordonatrice de Droits et Démocratie en Haïti, « peut-être que le fait d’être si mal traités chez nous laisse croire à d’autres qu’ils sont autorisés à le faire (avec nos coupeurs de canne) car les gouvernements haïtiens ont démontré qu’ils sont incapables de prendre soin de leurs ressortissants. »
- Sonia Pierre
Rappelons que Pédro Ruquoy et Sonia Pierre étaient les invités d’honneur du colloque « Sang, Sucre et Sueur » à Montréal. Le premier a donné un témoignage de sa douloureuse expérience en République Dominicaine qui l’a conduit à l’expulsion en 2005 suite aux menaces de mort des grandes familles sucrières et des secteurs ultranationalistes dominicains contre lui. Sa présentation intitulée « Vivre au pied de la Croix » a bouleversé l’assistance.
- Pere Ruquoy montrant la robe d’une enfant de 3 ans tuée par les trafiquants
Le Père Pierre (Pedro) Ruquoy y démontre, documents, photos et témoignages à l’appui, tout le système d’exploitation des sucreries dominicaines. Le moment le plus dramatique de sa présentation fut lorsqu’il s’arrêta un moment pour montrer la photo de la robe d’une petite fille de 3 ans, Milady, tuée par les trafiquants, les buscones, et dont on a retrouvé uniquement la tête.
Nous reviendrons sur cette présentation dans un autre article mais notons qu’il a dédié celle-ci et demandé au public d’observer une minute de silence au nom du héros de la lutte contre l’esclavage, le zambien Sébastien Lemba [3], Toussaint Louverture et tous ces héros d’Afrique qui ont donné leur vie pour la liberté en République Dominicaine et Haïti.
Monsieur Gérardo Ducos, auteur du rapport d’Amnistie Internationale, Londres, sur les bateys, a présenté les grandes lignes de ce rapport et proposé 8 recommandations consultables sur le site www.amnesty.org.
- Thor Halvorssen, president de Human Rights Foundation
Thor Halvorssen, président de Human Rights Foundation [4] à New York a raconté toutes les péripéties endurées par Amy Serrano, réalisatrice du documentaire les « Enfants du Sucre » ainsi que les menaces de mort et attaques en tout genre provenant de la richissime famille Fanjul d’origine cubaine, comme la réalisatrice, et qui est l’une des familles les plus riches aujourd’hui en République Dominicaine avec accès à la Maison Blanche à Washington. Ismène Zarifis, chargée du dossier d’Haïti à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme a fait état des progrès enregistrés devant la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) depuis la condamnation prononcée l’année dernière contre l’État dominicain.
Cette condamnation, initiée par la militante Sonia Pierre, a été imposée à la République Dominicaine suite à son refus d’accorder la nationalité dominicaine à Dilcia Jean et Violetta Bosicot, deux petites filles nées de parents haïtiens en République Dominicaine. Sonia Pierre a, quant à elle, exposé toute la situation des immigrants et des descendants Haïtiens en République Dominicaine. Ariel Francisco Mota, réalisateur Dominicain engagé, a fait un rappel de l’antagonisme entre haïtiens et dominicains et expliqué comment la xénophobie est enseignée dans le curriculum de l’éducation dominicaine.
L’haïtienne Lisane André du Groupe d’appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), a brossé un tableau saisissant et pertinent des réalités et défis de la solidarité autour de la migration haïtienne en République Dominicaine.
Enfin, Sally Fernandez, une québécoise d’origine dominicaine, responsable de communication du Plan Nagua [5], a décrit les programmes binationaux concrets effectués par cet organisme international pour qui la lutte contre la pauvreté et l’analphabétisme constituent des priorités sur les deux îles.
Notons que Paul Breton de Réseau Liberté [6] a été le rapporteur de ce colloque.
Réaction dominicaine : entre provocation et diplomatie
- Tentative d’intimidation d’un Dominicain sur Mme Nancy Roc, coordonatrice du colloque
Le colloque international « Sang, Sucre et Sueur » à Montréal avait élaboré son programme de panélistes différemment de celui de Paris mais sensibilisant le public québécois et son importante communauté haïtienne autour de la même problématique : révéler la vérité des bateys en République Dominicaine à travers les photos de Céline Anaya Gautier et la projection de documentaires. Toutefois, informés et forts de leur connaissance et liens avec les organisateurs parisiens, ceux du colloque à Montréal visaient davantage à sensibiliser et à trouver des pistes de solutions concrètes des deux côtés de la frontière plutôt qu’à dénoncer une situation comme à Paris.
Aussi, la situation de forte tension qui a précédé le colloque « Sang, Sucre et Sueur » à Montréal a pu être contrecarrée par les organisateurs au profit de la délicatesse du thème abordé. À cet égard, nous tenons à informer nos lecteurs et internautes, que les deux invités d’honneur du colloque, Pedro Ruquoy et Sonia Pierre ont été victimes de harcèlement de la part des groupes ultranationalistes dominicains à la solde de riches familles sucrières et/ou du gouvernement dominicain. En effet, le Père Pedro Ruquoy nous a avoué que la vie de l’un de « ses » enfants [7], a été menacée pour que le Père Ruquoy n’assiste pas au colloque de Montréal. De son Côté, la militante de droits humains, Sonia Pierre a été victime d’un accident de voiture le jour de son départ pour Montréal, sur la route de l’aéroport à Saint Domingue. [8] Un accident qui, selon elle, n’en était pas un et « aurait pu être planifié par la famille Vicini. »
Notons que cette richissime famille de l’industrie sucrière avait fait venir, des bateyes jusqu’à Paris, deux Haïtiens pour apporter un contre-témoignage contre le Père Christopher Hartley, notamment autour du dossier d’un cimetière clandestin découvert dans les bateyes de San Jose de Los Llanos. Finalement, ces Haïtiens ont dû admettre que le cimetière en question avait bel et bien existé, mais qu’il était aujourd’hui désaffecté [9].
La tension qui régnait dès le début du colloque est montée d’un cran suite à la projection du documentaire « Sucre Noir » du réalisateur québécois Michel Régnier et a été essentiellement due à l’agressivité corporelle et verbale des dominicains qui, pour la plupart, étaient venus accompagner la Consule Générale de la République Dominicaine à Montréal, Mme Raguel Jacobo. Deux autres dominicains étaient venus spécialement de Miami pour l’occasion parmi lesquels le Consul de la République Dominicaine à Miami, Manuel Almànzar qui s’est montré particulièrement agressif et vociférait pendant la pause déjeuner. Rappelons que le documentaire « Sugar Babies » (« Les Enfants du sucre ») réalisé par l’Américaine d’origine cubaine, Amy Serrano, a été projeté il y a deux mois à l’Université Florida International University (FIU) à Miami.
- Celine Anaya Gautier et Amy Serrano
Lors de cette projection, Almànzar avait essayé d’interrompre la projection en proférant des menaces. Il avait également distribué des enveloppes contenant entre $ 300 et $ 400 pour encourager les journalistes à boycotter le film d’Amy Serrano. Cette attitude avait fait la une du journal « Dominicanos Hoy » [10]. Durant cette pause, un Dominicain a tenté d’intimider la coordonatrice du colloque en lui reprochant d’avoir reporté le 1er débat après la pause déjeuner. De son côté, Céline Anaya Gautier a été prise à partie par 5 Dominicains. « Ce sont des montages. Vous présentez des photos prises il y a plus de vingt ans et qui ne correspondent pas à la réalité d’aujourd’hui », lui ont-ils lancé dès l’annonce de la pause juste avant les débats. Mme Gauthier qui a à peine 30 ans, n’a pas semblé si inquiète face à ces attaques même si « par prudence », a-t-elle dit au Devoir, elle ne remettra plus les pieds en République Dominicaine. « S’ils disent que j’ai menti qu’ils m’attaquent en justice pour diffamation », a-t-elle lancé l’air plutôt amusé [11].
Une fin heureuse ?
- Rachel Jacobo Consule Dominicaine à Montréal
Il est regrettable que les journalistes présents n’aient pas assisté à la fin du colloque préférant rapporter la tension qui y régnait plutôt que le dialogue constructif qui s’y est installé en fin d’après-midi. En effet, lors de la pause déjeuner, la Consule Générale de la République Dominicaine à Montréal, Rachel Jacobo a déclaré à l’agence en ligne Media Mosaïques : « Nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qui se dit ici dans ces documentaires », a répliqué Rachel Jacobo qui voit dans cette activité un geste inamical envers la République Dominicaine.(…) la consule dominicaine a annoncé à l’agence qu’elle aviserait le ministère des affaires étrangères sur cette activité. « Je vais demander qu’est-ce qui va se passer dans les relations de la République Dominicaine avec Haïti », a-t-elle dit en ajoutant que « loin d’arranger les choses, ce colloque ne fait que les envenimer » [12]. Au journal Le Devoir, elle a déclaré que « les images présentées au colloque n’équivalaient pas à la réalité et a lancé un appel à la France et au Canada, deux pays ayant accueilli jusque là « Esclaves au paradis », à aider l’île Hispaniola à adresser la problématique » des bateys [13].
Pourtant, c’est la même diplomate qui a demandé en fin de journée de prendre la parole, en s’ouvrant au dialogue avec les organisateurs. Nous reproduisons ici, in extenso, les propos de la Consule générale de la République Dominicaine, Rachel Jacobo :
« Merci à tous de me céder la parole cet après-midi. Après vous avoir écouté avec beaucoup d’attention, je suis arrivée à cette conclusion : c’est vrai que nos peuples ont des problèmes mais ils sont uniques à Haïti et à la République Dominicaine. C’est en se parlant, en ce concertant en s’unissant qu’on pourra résoudre ces problèmes et je crois que nous méritons d’être intégrés dans ce colloque pour chercher, ensemble, des solutions à ces maux. En ma personne et au nom de toute ma communauté, je veux me mettre à votre disposition et faire partie de la solution à tous ces problèmes et je crois que nos autorités sont concernées par le même objectif. Il y a une donnée très importante que nous ne pouvons pas oublier : nous sommes deux peuples unis sur une même île, nous sommes frères et nous avons maintenu des relations toute notre vie. Je pense que le plus important est de maintenir ces relations car nous ne pouvons pas nous permettre d’être divisés. En mon nom et au nom de toute ma communauté, je vous remercie et je suis à votre disposition pour essayer de trouver des solutions ensemble. »
- Le consul d’Haiti, M. Pierre Richard Casimir, N.Roc, Sonia Pierre, N.Menos et Lisane Andre du GARR
La coordonnatrice a remercié la Consule Générale et l’a invitée à participer à la cérémonie d’ouverture du FIFHM, ce qu’elle a fait. Toutefois, Rachel Jacobo a décliné l’invitation à la Table Ronde du 24 septembre à Droits et Démocratie pour des « raisons familiales ». Cette table ronde avait pour but de dégager des pistes de solutions concrètes à la problématique des bateys et à obtenir une plus grande solidarité internationale pour améliorer le sort des coupeurs de canne haïtiens en République dominicaine.
Par contre, le Consul d’Haïti à Montréal, M. Pierre Richard Casimir a participé à ladite réunion et a rencontré la militante des droits humains et fondatrice du Mouvement des femmes dominico-haïtiennes (MUDHA), Mme Sonia Pierre. La Chargée d’Affaires a.i de l’Ambassade d’Haïti, Mme Nathalie Menos, est également venue saluer Mme Pierre et les organisateurs du colloque.
- Table ronde chez Droits et Démocratie le 24 septembre
Sous la houlette de Paul Breton, Chargé des affaires internationales de Réseau Liberté, les participants à cette table ronde ont planché toute la journée pour rédiger une déclaration officielle concernant les enjeux et conclusions du colloque. Cette déclaration sera publiée officiellement la semaine prochaine en 4 langues : créole, espagnol, anglais et français. Un comité de suivi a également été créé pour la mise en action des recommandations. Droits et Démocratie, le Réseau Liberté et les organisateurs du colloque espèrent pouvoir rencontrer Mme Rachel Jacobo dans un futur proche pour lui transmettre cette déclaration et poursuivre le dialogue entamé à Radio Canada le 19 septembre dernier.
Le colloque « Sang, Sucre et Sueur » à Montréal était une initiative du consortium Fondation Fabienne Colas / Réseau Liberté sous le Haut patronage de Droits et Démocratie [14] et en partenariat avec Amnistie Canada section francophone, Oxfam Québec, Plan Nagua, Radio Canada, Collectif 2004 Images, la Chaire de Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie de l’Université du Québec à Montréal, la Chambre de Commerce et d’Industrie Haïtiano-canadienne et Café Sélecto.
[1] Haïti-R.Dom. : Dialogue et civilité à la clôture du colloque “Esclaves au Paradis” à Paris- source AlterPresse le 21 mai 2007 http://www.alterpresse.org/spip.php?article6019.
[2] Nouvelle confirmée par le Père Ruquoy qui a projeté la dépêche sur grand écran à Radio Canada le 19 septembre 2007
[3] 1550, le trafic d’esclaves est fleurissant entre les continents africain et américain. Dans l’île Hispaniola, un esclave commence à organiser la lutte contre l’esclavage. Il s’appelle Sébastien Lemba. Il provient de la tribu « Bemba » située aujourd’hui dans le sud de la République du Congo et en Zambie. En 1550, Sébastien Lemba devient l’homme le plus recherché par les envahisseurs espagnols. un jour du mois de septembre, lors d’un combat aux abords de la rivière San Juan, une balle atteint Lemba en plein cœur. Ainsi tombe ce grand combattant né au cœur de l’actuelle Zambie.
Les Espagnols coupèrent la tête de son cadavre et l’exposèrent sur la place centrale de la ville de Saint-Domingue.
Ce grand héro de la lutte contre l’esclavage a sa statue devant le musée de l’homme dans la ville de Saint-Domingue.
[7] Adoptés par le Père Ruquoy pour raisons humanitaires, cf. 371me édition de Metropolis sur Radio Métropole
[8] Ibid, 371ème et 372ème édition de Metropolis sur radio Métropole, les 1er et 8 octobre 2007
[9] Haïti-R.Dom. : Dialogue et civilité à la clôture du colloque “Esclaves au Paradis” à Paris- source Alterpresse le 21 mai 2007
[10] Dominican Media Reports Bribery Scandal – June 28 www.sugarbabiesfilm.com.
[11] Jean Numa Goudou, « Les Dominicains rejettent la thèse esclavagiste », Le Devoir du 20 septembre, page A-6
[12] Horreur dans les bateys : la consule dominicaine s’inscrit en faux Média Mosaïque, 9/21/2007 Montréal
http://www.mediamosaique.com/afficherNouvelle.asp?newsId=1184&bc=ffebcd&rub=Nouvelles.
[13] Jean Numa Goudou, « Les Dominicains rejettent la thèse esclavagiste », Le Devoir du 20 septembre, page A-6