Par Wooldy Edson Louidor
Pedernales (R. Dominicaine), 24 sept. 07 [AlterPresse] --- Florida a enfin accouché au Centre de santé d’Anse-à-Pitre (sud-est d’Haïti), après avoir été en travail pendant quatre jours.
Le jour suivant, visiblement fatiguée, elle se trouve déjà à Pedernales, ville dominicaine frontalière d’Anse-à-Pitre, accompagnée de son mari, Pierre Jackson, qui tient entre ses bras le nouveau-né, et soutenue par deux proches parents. Les cinq attendent une voiture qui doit les conduire à Boucan Guillaume, en passant par l’intérieur de la ville de Pedernales, afin d’éviter les mauvaises routes de Anse-à-Pitre.
Florida a présenté des complications dans son accouchement. Elle a été conduite par son mari à l’Hôpital de Pedernales où les médecins dominicains ont refusé de lui donner des soins médicaux parce qu’ « elle n’a pas de documents migratoires légaux », rapporte Jackson à AlterPresse.
Le jeune époux, âgé de 23 ans, s’est vu obligé de revenir avec elle au Centre de santé de Anse-à-Pitre, qui ne dispose ni de personnel adéquat ni d’infrastructures spécialisées pour faire face à ces complications dans l’accouchement. Avec l’aide des infirmières (puisqu’il n’y a pas eu, comme à l’accoutumée, de médecins sur place), Florida a eu enfin son bébé après quatre jours de douleur, de désespoir et de détresse.
L’histoire de Florida, originaire de Boucan Guillaume (localité d’Anse-à-Pitre), est semblable à celle de beaucoup de femmes enceintes haïtiennes vivant dans les zones frontalières. N’ayant pas accès à des soins de santé et vivant dans la précarité, plusieurs d’entre elles fréquentent des hôpitaux dominicains frontaliers quand elles sont sur le point d’accoucher. À ce stade, leurs situations de santé sont déjà très critiques, avec des « niveaux d’anémie très élevés », « des problèmes de tension artérielle, hémorragie et malnutrition » et d’autres complications, selon les témoignages recueillis par AlterPresse.
Cependant, dans le cas de Pedernales « près de 75% des Haitiennes enceintes (qui arrivent en situation critique) ne sont pas reçues à l’Hôpital de cette ville dominicaine parce qu’on leur exige de présenter des documents (un passeport muni de visa ou une carte de résidence dominicaine) qu’ils ne possèdent pas », a révélé à AlterPresse, Julio César Brito, membre de la Croix Rouge Dominicaine de Pedernales ayant travaillé pendant 23 ans dans cette organisation humanitaire.
Originaire de Pedernales, Brito a souligné que, dans beaucoup d’autres cas, les docteurs refusent d’ausculter les patientes haïtiennes en pleine ceinture parce que le problème de santé que celles-ci présentent dépasse les compétences de l’Hôpital de Pedernales.
La Croix Rouge Dominicaine aide généralement ces femmes en difficulté à se rendre à d’autres hôpitaux mieux équipés à Barahona, à Azua et à Santo Domingo, afin de recevoir les soins appropriés, s’est-il félicité.
Selon les résultats d’une enquête qui a été réalisée à Barahona en décembre 2005, « 35 bébés qui sont nés chaque mois à l’Hôpital régional Jaime Mota (situé dans cette ville dominicaine) sont haïtiens ».
Les autorités dominicaines avaient annoncé qu’elles allaient prendre des mesures pour faire diminuer ce chiffre trop élevé qui représente une part importante dans les dépenses publiques de ce pays.
Au contraire, à l’instar de Julio César Brito, des citoyens dominicains et dominicaines appartenant au Réseau Frontalier Jeannot Succès (autrefois, Réseau Binational Jeannot Succès) plaident pour que le personnel des Hôpitaux publics de leur pays offre des soins médicaux aux citoyens haïtiens et haïtiennes, principalement les femmes enceintes en situation critique et ce, en vertu du droit à la vie qui est un droit fondamental de tout être humain.
Par ailleurs, des citoyens et citoyennes d’Anse-à-Pitre, qui ont été interrogés par AlterPresse, demandent aux autorités locales et centrales de leur pays de mieux équiper le centre de santé de cette ville et d’y envoyer des médecins afin d’assurer des services de santé à la population. [wel gp apr 25/09/2007 21:00]