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Visite de Rama Yade en Haiti : Entorse grossière d’une agence de presse française

Par Camille Loty Malebranche

Soumis à AlterPresse le 13 septembre 2007

(Sur le vocable de perfusion contenue dans la note d’une agence de presse française à ce sujet et reproduite sans réaction par des secteurs de la presse haïtienne.)

En constatant le bruit que fait la visite projetée d’un simple secrétaire d’État français en Haïti les 14 et 15 septembre 2007, une seule idée m’est montée en tête, l’importance démesurée accordée à tout ce qui est français par un certain secteur de la société haïtienne restée tristement colonisée vis-à-vis de l’ancienne métropole dont Haïti a pourtant tellement souffert tout au long de l’histoire.

Toutefois, dans ce bref propos, je m’attacherai surtout à dénoncer la note d’une agence de presse francaise évoquant l’événement, et qui parle de perfusion internationale qui fait vivre Haïti.

Perfusion, terme médical qui réfère surtout à l’injection de sang faisant vivre un malade, dans son emploi journalistique venant d’une agence de presse française, pue le mépris grivois, grossier, l’attitude balourde d’une discrimination galéjeuse et bon enfant. Car, au regard de l’Histoire, la grande, pas cette Uchronie néocoloniale que s’écrit une certaine droite de la France contemporaine, c’est Haïti, la gueuse, la méprisée qui a nourri la France.

Qu’on le veuille ou non, la fragilité bicentenaire d’Haïti, si elle est premièrement de responsabilité haïtienne, vu la nationalité haïtienne et l’ethnie de ceux qui ont soi disant dirigé le pays après Dessalines, demeure en forte partie le résultat des manœuvres politiques directes ou indirectes, racistes et haineuses d’une ex métropole ragée d’avoir perdu la face par la fondation étatico-nationale de 1804. Une métropole si barbare au dix-neuvième siècle, qu’elle s’est fait subventionner ses propres crimes et tortures esclavagistes après la défaite militaire de l’expédition napoléonienne.

La France - dont à peu près le sixième de la population a vécu du travail des noirs de Saint-Domingue, sans oublier l’ensemble des villes françaises bâties grâce à la production surabondante et non rémunérée des esclaves de Saint-Domingue - doit aujourd’hui avoir un peu plus de respect d’elle-même, de retenue déontologique et d’abnégation face à la pauvreté d’Haïti qu’elle a sciemment et criminellement paupérisé pour empêcher son démarrage économique à son premier siècle d’existence.

Cela dit, dans un monde où une forte part des grands organes de presse mondiale sont l’arme doctrinale abjecte des riches impérialistes des pays du centre, dans un nouvel ordre idéologique ploutocratique où la colonisation est impudemment et crapuleusement élevée au rang d’acte humaniste et célébrée comme valeur humaine par les secteurs français actuellement au pouvoir - le président Sarkozy ayant lui-même souscrit à cette vision et proclamé avec légèreté que la France n’a point commis de crime contre l’humanité - il faut que la presse des pays du Sud soit plus nuancée dans la diffusion des messages venant du Nord, et dans ce cas-ci, de la France néocolonialiste par sa vénalité profitant éhontée aujourd’hui encore, à travers des compagnies délocalisées de l’esclavage moderne et multiforme d’africains.

Pour une ex métropole si bien dénoncée par François-Xavier Verschave dans son livre Françafrique, ex métropole uniquement rétrograde et tortionnaire qui n’a jamais rien laissé comme structure nulle part dans ses colonies, les plus pauvres des pays ex colonisés, la France a la gueule trop grande.

L’agence aurait mieux gagné en dignité si elle utilisait des mots plus respectueux et plus appropriés à un journalisme décent ! Jouer les maîtres en démocratie tout en étant nourri du travail forcé des peuples, semble ne pas suffire aux rejetons de certains colons, qui, de nos jours, se donnent la vocation de désinformateurs insulteurs officiels des ex colonisés, relayant les pires idéologues d’État les plus sordides du monde !