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Reportage-photo

Haiti : La zone franche à Ouanaminthe

La richesse générée n’est au profit ni des ouvriers, ni du développement d’Haiti

Par Angelica Lopez et Pieter Van Eecke

Ouanaminthe (Haiti), 13 sept. 2007 [AlterPresse] --- Les zones franches, telles que la Compagnie de développement industriel (Codevi), à Ounaminthe (Nord-Est), sont inventées pour attirer les investisseurs dans les pays pauvres, afin de créer des emplois. Ainsi, sonne l’histoire officielle et elle n’est pas fausse. Mais elle cache une vérité plus pertinente. Car ce serait plus honnête de dire que les zones franches sont créées afin d’offrir une main d’œuvre bon marché aux besoins des grandes entreprises internationales qui sont sans cesse à la recherche du maximum de profit.

D’ailleurs, ces entreprises multinationales négocient seulement les contrats et la gestion des usines, tandis que la responsabilité des livraisons est assurée par d’autres entreprises plus petites. On parle de « sous-traitance », ce qui veut dire que ces grandes marques, comme par exemple Levi’s, Walt Disney ou Adidas, n’ont aucun lien juridique avec les gens qui fabriquent leurs produits.

Une zone franche est généralement définie comme une zone géographique, qui ne tombe pas sous les lois du territoire national, où elle a été installée. Elle bénéficie de plusieurs avantages, dont l’exonération de charges fiscales. Mais, les lois sociales s’arrêtent à sa clôture. En Asie, en Amérique Centrale et dans les Caraïbes, les investisseurs viennent seulement, à condition qu’ils puissent faire de grands profits, sans être gênés par des salaires trop élevés ou par des travailleuses et travailleurs qui se plaignent trop de conditions de travail.

Alors, les travailleurs et les travailleuses n’ont souvent pas le droit de s’unir dans des organisations syndicales et souffrent d’une pression considérable. S’ils ne peuvent pas finir leur quota journalier obligatoire, ils doivent travailler des heures supplémentaires souvent non-rémunérées. Leur salaire est en général très bas.

En Haïti, l’exemple par excellence de ce néolibéralisme dévorant se trouve dans le département du Nord-est, à la frontière avec la République Dominicaine. Profitant d’une main d’œuvre très bon marché en Haïti, la zone franche de la Compagnie de développement industriel (Codevi), une branche du groupe dominicain Grupo M, spécialisé dans la gestion de zones franches, travaille ici en sous-traitance pour les grandes multinationales Lévi-Strauss (jeans) et Hanes (T-shirts).

L’infrastructure routière, du coté dominicain, permet d’importer et d’exporter facilement les matières premières et les produits assemblés. Et comme il n’y a pas d’électricité à Ouanaminthe, celle-ci vient également de la République Dominicaine pour faire tourner les machines.

Ces jeans qui sont vendus aux États-Unis ou en Europe pour un minimum de 50 dollars, sont assemblés ici pour moins de 5 dollars et en très grande quantité. Mais, les travailleurs et travailleuses haïtiennes gagnent seulement autour de 50 dollars par mois. Les profits ne sont pas pour eux et, évidemment, ils se n’imaginent souvent même pas que la vente d’un seul de ces jeans pourrait solutionner beaucoup de leurs problèmes économiques quotidiens qui ne peuvent pas être résolus par leurs petits salaires. Et pourtant ils produisent des milliers de jeans par mois.

Souvent les gens ne gardent pas leur emploi toute leur vie. Loin de ca. Le travail est trop dur et la rémunération trop peu. Il y a un va-et-vient constant de travailleurs et de travailleuses. Alors, Codevi dispose d’une école d’entrainement pour les nouveaux et nouvelles employées. Ceux-ci/Celles-ci passent, après quelques mois d’apprentissage, aux usines pour compléter les lignes de production, en commençant par les taches les moins compliquées.

Grace à la main d’œuvre haïtienne bon marché, Codevi est capable de garder sa position concurrentielle avec les pays d’Asie et est en ce moment en train de construire une troisième usine, où on projette la préparation des matières premières pour l’assemblage et la production de chaussures.

Actuellement, les ouvriers travaillent seulement pendant la journée, mais dans un futur proche il est prévu d’installer 2 ou 3 équipes afin de travailler 24 heures sur 24. Il y aura surement beaucoup de nouveaux emplois, mais la richesse générée par ce travail ne sera ni pour les ouvriers/ouvrières, ni pour le développement d’Haïti.

[pve al gp apr 13/09/2007 12:50]