P-au-P, 6 aout. 03 [AlterPresse] --- L’usage du mot « trafic » pour désigner le transfert d’enfants d’Haiti vers la République Dominicaine via la frontière occulte les vrais problèmes, a déclaré Jean Lhérisson, Coordonnateur de Haïti Solidarité Internationale (HSI), une institution qui a conduit plusieurs travaux sur la problématique des enfants.
Le trafic désigne un commerce plus ou moins clandestin, honteux et illicite, a indiqué Jean Lhérisson dans une interview accordée à AlterPresse. « Le trafic implique échange entre acheteurs et vendeurs. Parler de trafic d’enfants supposerait que les enfants sont des biens ; les vendeurs sont les parents. Or toutes les enquêtes menées à la frontière montrent que les parents donnent de forte somme aux passeurs », a-t-il poursuivi.
Selon une un rapport d’étude réalisé pour le compte du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et de l’Organisation Internationale de la Migration (OIM) et rendu public en aout 2002, entre 2 et 3 mille enfants haïtiens sont victimes chaque année de trafic à la frontière. Selon cette étude, citée récemment encore par la Représentante de l’UNICEF en Haïti, Françoise Gruloos, les parents payeraient les passeurs pour les enfants plus grands et les passeurs payeraient les parents pour les enfants plus petits.
Jean Lhérisson, qui n’exclue pas la possibilité de trafic d’enfants dans les zones frontalières, considère que les enquêtes menées jusqu’à présent ne montrent pas clairement l’existence d’un tel trafic. Lhérisson préfère designer les activités de transfert d’enfants haïtiens via la frontière haitiano-dominicaine par « traite » ou « prévarication ».
Le protocole additionnel à la convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée désigne par traite le recrutement, le transfert, le transport, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation. L’étude de l’UNICEF fait état, entre autres, de la complicité des parents dans le « trafic d’enfants haïtiens vers la république dominicaine ».
Cependant, « le problème n’est pas le mot pour désigner la situation. Il est clair
qu’il y a une activité illégale dans les zones frontalières », a souligné Jean Lhérisson. Il incombe aux deux états de prendre des mesures nécessaires pour contrôler le passage des enfants à la frontière, a-t-il ajouté.
Jean Lhérisson propose un effort concerté des ministères de la justice, des affaires sociales et des affaires étrangères afin de poser le problème, de prévoir un plan de développement dans les régions frontalières et d’engager des discussions sérieuses
avec la république Dominicaine.
Le ministre des affaires Sociales, Eude St Preux Craan qui répondait récemment à une convocation de la commission des affaires sociales de la chambre des députés a fait allusion à différentes mesures pour encourager les parents à garder leurs enfants chez eux. Cependant aucun projet concret n’a été annoncé. [rv gp apr 06/08/2003 16:30]