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Haiti-Rép. Dominicaine : La gestion haïtienne d’une politique contradictoire dominicaine

Leonel Fernandez, entre l’image de l´intellectuel qui célèbre Jacques Roumain et celle du politicien-Chef d´État qui permet de flagrantes contradictions dans la politique dominicaine vis-à-vis d’Haïti ?

Par Edwin Paraison [1]

Soumis à AlterPresse le 29 août 2007

Rhadames Batista, Ambassadeur assigné à la Secrétairerie d´Etat des Relations Extérieures de la République Dominicaine, a demandé ce lundi (27 août) à la Commission Nationale des Spectacles publics et de la Radiophonie, organisme régulateur des programmes diffusés et des publications faites par les mass médias dominicains, d´intervenir afin d´empêcher l´usage du créole et du drapeau Haïtien à la télévision dominicaine.

En sa qualité de Président du Conseil National des Frontières (CNF), Batista a qualifié de “provocation intolérable”, l´apparition sur le petit ecran du drapeau Haïtien, placé au fond du plateau d´enregistrement du programme “L´Ile sans Frontière”, dont l´animation est assuree en Creole et en Espagnol par Frantz Dugué.

“Nos lois sont claires, le seul drapeau pouvant flotter sur le territoire national est le notre” a déclaré, d´un ton offusqué, le fonctionnaire et cadre influent du parti minoritaire Force Nationale Progressiste (FNP). De même, il affirme que le programme de télévision en question, est un outil de la campagne d´un secteur de la communauté internationale qui “cherche à résoudre les problèmes d´Haïti en République Dominicaine”.

La FNP, qui avait été à l´origine en mars passé de la demande d´annulation de l´acte de naissance de l´activiste dominicaine d´origine haitienne Sonia Pierre, est un allié important du Parti de la Libération Dominicaine (PLD), ayant contribué énormément avec son discours viscéralement anti-haïtien, à la victoire du président dominicain notamment en 1996 lors de sa première élection, et en 2004.

A 9 mois du prochain scrutin, le dernier sondage de la firme Gallup révèle une réduction de l´écart qui sépare les deux principaux candidats. En d´autres termes, une certaine baisse de la popularité du président Leonel Fernandez qui brigue un 3ème mandat (43%), parallèlement à la progression de son principal challenger, le candidat du Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD) Miguel Vargas Maldonado (35%).

Emanant d´un fonctionnaire d´un gouvernement ami, cette prise de position inacceptable, devrait faire l´objet d´un suivi spécial de la part de nos dirigeants, afin d´attirer, au moment opportun, et dans le respect des normes diplomatiques, l´attention de leurs homologues dominicains, sur l´incompatibilité qui existe entre une victoire électorale basée sur la prédication de la haine contre les haïtiens et les rapports harmonieux entre les deux pays.

Les conséquences sont prouvées. Il est important de rappeler qu´entre mai 2005 et février 2006, plusieurs cas d´agressions physiques ont été perpétrés contre des ressortissants haïtiens. Les auteurs de ces actes barbares, armés de machettes, de bâtons et de pierres, dont les images ont été captées par la télévision dominicaine, sont des jeunes de moins de 25 ans, qui étaient des adolescents en 1996.

Encore une fois, le modèle anti-démocratique et d´intolérance que la jeunesse dominicaine reçoit du pouvoir en place, affecte, d´un côté, l´une des deux langues officielles d´Haiti, ainsi que le drapeau national identifiant la communauté haïtienne, qui pourraient être interdits d´usage public dans un pays où règne l´Etat de droit.

D´un autre côté, les réactions de lecteurs de la presse digitale dominicaine, sur l´appel lancé par Batista, véhiculées sans aucun respect pour la loi sur les télécommunications sont déjà hautement préoccupantes.

Edouardo Guillermo de la Floride, dont les commentaires sont publies par le journal El Nuevo Diario, fait un appel ouvert a la violence contre les haïtiens « La guerre approche, cette fois nous devons éliminer tous les Haitiens. Unissons-nous, les fils de Duarte ».

Lady, utilise le site du journal Diario Libre pour faire passer ce message : “Eliminez ces atrocités qui nous envahissent. Les centres de maternité sont remplis de femmes haïtiennes qui accouchent comme des animaux. Les bus de transport publics sont bondés d´Haïtiens porteurs de toutes sortes de maladies… Faites quelque chose”.

En partie, ces lecteurs reprennent l´essentiel du discours de la FNP et de l´Ambassadeur Batista, qui considèrent la proximité d´Haïti comme pays en faillite (positions assumées en diverses occasions par les principales autorités) une menace pour la stabilité socioéconomique dominicaine. Les éléments culturels et religieux haïtiens étant décrits comme un danger pour la dominicanité.

Comment dissocier la FNP du PLD et du gouvernement dominicain ?

Quelle image les Haïtiens doivent-ils avoir du président-candidat du pays voisin ? Celle de l´intellectuel qui célèbre pompeusement le centenaire de Jacques Roumain ou celle du politicien-Chef d´Etat qui permet d´aussi flagrantes contradictions dans la politique dominicaine face à Haïti ? Laquelle est plus importante pour nous ?

Et les autres partis politiques dominicains avec leurs candidats, que pensent-ils des relations haitiano-dominicaines ? Qui sont nos vrais amis dans la classe politique dominicaine ?

La Direction des Affaires Politiques du Ministère des Affaires Etrangères d´Haïti, le Cabinet particulier du Président de la République, la Primature, le Ministère des Haïtiens Vivant a l´Etranger, sont-ils en mesure de répondre à ces questions ?

Et les Haïtiens vivant en République Dominicaine dans tout cela ? Selon les estimations de l´Organisation Internationale des Migrations (OIM), dans un rapport publié en septembre de l´année dernière à Port-au Prince, la diaspora haïtienne en République Dominicaine est estimée à 750,000 personnes. Une présence qui remonte à près d´un siècle.

Considèree comme la doyenne des communautés de la diaspora, la plus proche de la mère patrie, la deuxième en importance numérique après celle des Etats-Unis, la communauté haïtienne installée en terre voisine, est, d´une part, sans aucun poids social et politique, d´autre part, abandonnée à son sort.

Confrontée constamment à des cas de violations de droits humains, de rapatriements massifs, de violences de type xénophobe et de discrimination raciale -qui mériteraient des interventions fermes de nos représentants diplomatiques et consulaires- malgré sa grande contribution à l´économie bi-nationale, la communauté haïtienne en République Dominicaine, constitue, c´est le cas de le dire, un problème dans la gestion des relations haitiano-dominicaines.

Maintenir de bonnes relations avec le gouvernement dominicain, co-habitant avec des secteurs anti-haïtiens, équivaudrait à sacrifier la communauté haïtienne en République Dominicaine. Pour le moins c´est la perception collective de l´attitude officielle haïtienne face à la diaspora locale.

Il n´est donc pas étonnant qu´aucune réaction n´ait été enregistrée, jusqu’à présent, des deux côtés de la frontière, pour condamner énergiquement cette démarche et menace officielle qui constitue déjà une grave violation aux droits culturels et civiques des ressortissants haïtiens et des dominicains d’origine haïtienne vivant en République Dominicaine.


[1Ancien Consul d’Haiti en République Dominicaine, Fondateur de Fondation Zile