Par Wooldy Edson Louidor
Santo Domingo, 6 août 07 [AlterPresse] --- Des organisations de migrants haïtiens en République Dominicaine manifestent de plus en plus leurs préoccupations par rapport aux difficultés, aux abus et aux risques, auxquels sont confrontés les ouvriers haïtiens qui travaillent dans des chantiers de construction dans le pays voisin, observe l’agence en ligne AlterPresse.
- Responsables de Cescudha
"Quand les Dominicains nécessitent la main d’œuvre haïtienne pour bâtir des édifices, ils acceptent indistinctement tous les ouvriers haïtiens, légaux ou sans papiers, qui se présentent sur les chantiers de construction. Mais, pour les payer, ils leur demandent de présenter leurs papiers", s’indigne Jean Benito Beauséjour, membre d’une organisation de migrants haïtiens à Santo Domingo, dénommée "Centre social et culturel de développement dominico-haïtien" (Cescudha), dans une interview accordée à l’agence en ligne AlterPresse.
Tandis qu’ils exposent quotidiennement leur vie et sont surexploités, les ouvriers haïtiens en République Dominicaine n’ont droit à aucun type d’assurance (de vie, de travail, de maladie, etc.). Ils commencent à travailler dès 6:00 ou 8:00 am (l’horaire de travail dépend totalement de l’ingénieur ou du contremaître responsable du chantier) et terminent jusqu’à 5:00 pm, avec une pause d’une heure de temps à midi pour se nourrir et se reposer.
"Les Haïtiens qui travaillent dans la construction des grands édifices sont parfois victimes d’accidents mortels. Par exemple, certains arrivent même à tomber du haut de ces édifices", selon les témoignages des ouvriers, rencontrés par AlterPresse sur un chantier.
Les aide-maçons, connus sous le nom de "ayudante", reçoivent entre 200 et 250 pesos dominicains par jour (entre 6 et 8 dollars américains environ), les maçons entre 300 et 400 pesos par jour (entre 9 et 13 dollars américains) et les contremaîtres (ceux qui sont responsables d’exécuter le plan tracé par les ingénieurs) entre 450 et 600 pesos (entre 14 et 19 dollars américains), expliquent-ils.
- Un ouvrier dans une cuisine improvisée
Ce salaire leur permet juste de prendre un repas chaud à midi et d’économiser un peu d’argent à rapporter à leur famille en Haïti. Beaucoup d’entre eux sont obligés de dormir et de vivre de façon très précaire dans les édifices qu’ils construisent.
"Parfois des ingénieurs et des contremaîtres dominicains refusent de payer les ouvriers haitiens. Ils utilisent ce truc : la veille du jour qui a été fixé pour payer ces ouvriers, ils appellent le Bureau de Migration ou la Police nationale de la République Dominicaine et font débarquer des agents de ces deux institutions étatiques sur les chantiers de construction afin qu’ils arrêtent les Haïtiens et les déportent vers Haïti", révèle, pour sa part, le président fondateur de Cescudha, Roland Laroche.
En outre, presque tous les travailleurs vivent dans la crainte de se voir, un jour, victimes de rafles et d’opérations de déportation que les agents de la migration et de la police dominicaines réalisent souvent dans la zone de Los Mameyes.
Face aux abus, aux angoisses et aux risques vécus par les ouvriers haïtiens dans plusieurs zones de la capitale dominicaine, Cescudha a élaboré un programme de formation, destiné aux travailleurs de la construction, pour que ceux-ci apprennent à connaître et à faire respecter leurs droits et leurs devoirs, font savoir à AlterPresse des responsables de cette organisation.
Ce programme contient des informations sur des concepts et des aspects liés au droit du travail, ainsi que sur des thèmes, comme : le contrat de travail, une journée de travail ordinaire, les heures extra, le salaire, la gratification, le repos hebdomadaire, la protection de la maternité, le droit de former des syndicats et d’y participer, etc.
Composée majoritairement d’étudiants, de pasteurs, de travailleurs, de professeurs et de défenseurs des droits des migrants haïtiens en République Dominicaine, cette organisation vient de proposer, aux travailleurs haïtiens de la construction, un modèle de contrat de travail indiquant les conditions, les droits et les devoirs des deux parties signataires (le travailleur et l’employeur).
Une fois signé le contrat, le département légal de Cescudha se convertira en représentant du travailleur et sera habilité à le défendre devant les instances compétentes.
Interrogés sur cette proposition, certains ouvriers n’ont pas caché leur joie de se sentir enfin accompagnés par leurs compatriotes (de Cescudha) qui se sont engagés à mettre, de manière gratuite, leurs connaissances et leur compétence au service des victimes et des plus vulnérables.
Fondée en février 2001 en République Dominicaine, l’organisation dénommée « Centre social et culturel de développement dominico-haïtien » est légalement enregistrée en République dominicaine depuis le 16 décembre 2004 à travers le décret présidentiel numéro 1593-04. Elle dispose de bureaux à Los Mameyes, La Romana, San Pedro, Seibo (à l’est de Santo Domingo) et Monte Plata (au nord de la capitale dominicaine). [wel rc apr 06/08/2007 11 :00]