P-au-P, 31 juil. 07 [AlterPresse] --- La pratique d’exhibition des personnes arrêtées devant les caméras de télévision constitue une violation grave des droits de ces prévenus, estime Thierry Fagart, chef de la section des droits humains à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).
« Je pense qu’on ne devrait pas présenter les personnes arrêtées à la presse et on ne devrait surtout pas autoriser la presse à leur poser des questions », dénonce Thierry Fagart dans une interview exclusive à l’agence en ligne AlterPresse.
De nombreux individus, appréhendés par les forces de l’ordre pour acte de banditisme, trafic de stupéfiants, contrebande et/ou falsification, sont pour la plupart utilisés dans des spots publicitaires radio et télédiffusés.
Dénoncée récemment par la Commission nationale épiscopale Justice et Paix (Jilap) de l’église catholique romaine, cette pratique attire aussi l’attention du chef de la section des droits humains à la Minustah.
Fagart demande aux autorités concernées de respecter les trois principes ayant trait à l’incarcération d’un prévenu en attente de justice.
Le premier principe, selon le fonctionnaire de l’Organisation des Nations Unies (Onu), c’est la présomption d’innocence.
Le deuxième principe, rappelle Fagart, consiste en la preuve qui, en matière pénale, pourrait être apportée par tous moyens.
« Quand une personne suspectée, poursuivie, s’exprime à travers la presse, cela doit servir de preuve contre lui dans le procès pénal, cela revient à toute une espèce d’interrogatoire », pense-t-il.
Pour Fagart, la façon de mener ces genres d’interrogatoire impliquant les journalistes est totalement contradictoire.
« Vous avez droit à un avocat. C’est également choquant sur ce plan-là », désapprouve-t-il.
Le troisième principe, évoqué par le chef de la section des droits humains à la Minustah, réside dans le côté secret de l’enquête judiciaire.
« Si l’enquête est secrète, ce n’est pas seulement pour protéger la présomption d’innocence. Si on commence par publier les résultats, on risque de chapeauter l’enquête », explique Thierry Fagart.
Dans un rapport publié en juillet 2007, la commission nationale Justice et Paix de l’église catholique romaine en Haïti affirme ne pas comprendre « pourquoi un présumé bandit devrait être exhibé devant les caméras [de télévision] pour être soumis à un interrogatoire par des journalistes ».
L’organisme estime que chaque personne arrêtée est censée innocente. N’étant pas un juge d’instruction, un journaliste ne saurait être autorisé à interroger les prévenus.
« Dans le cas où la personne est innocente, cette pratique nuit gravement à sa réputation de citoyen honnête », affirme Justice et Paix.
Le responsable de la section des droits humains à la Minustah se déclare favorable à la position de cet organisme religieux de promotion des droits humains, estimant que le fait d’impliquer la presse dans l’interrogation des personnes arrêtées met en péril l’enquête judiciaire.
« Nous ne pouvons pas la décourager autrement » que de « faire des recommandations au gouvernement. Nous en avons fait, peut-être qu’elles n’étaient pas assez précises. Nous n’avons pas le mandat nous permettant de l’interdire », soutient Thierry Fagart dans cette interview à AlterPresse.
Le responsable de la section des droits humains à la mission onusienne invite les travailleurs de la presse à s’auto-discipliner autour de cette question. Car, dit-il, « on ne peut pas continuer à aller interroger des suspects ».
Pour sa part, dans sa prise de position rendue publique en juillet 2007, Justice et Paix invite au respect scrupuleux de la loi lors des arrestations.
« L’Etat doit respecter les droits, même des personnes sur lesquelles pèsent de graves suspicions ou accusées par la clameur publique. C’est la seule garantie pour qu’il y ait un procès équitable avec des sanctions correctes », considère la commission nationale épiscopale Justice et Paix. [do rc apr 31/07/2007 10 :30]