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Le dossier de la dette extérieure d’Haiti, examiné au parlement britannique

Londres, 24 juil. 07 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations britanniques, dont Christian Aid et la Coalition Anglaise pour l’Annulation de la Dette, ont sollicité et obtenu une audience publique au Parlement britannique, le lundi 23 juillet 2007, autour du fardeau de la dette haïtienne et de celle de la République Démocratique du Congo (RDC – Zaire).

Colette Lespinasse qui intervenait pour Haïti a rappelé dans quelles conditions son pays s’est endetté et les conséquences qu’un tel mécanisme a eus sur le développement du pays, notamment sur les paysans haïtiens.

« La dette est l’un des instruments les plus pervers inventés par les puissances économiques pour appauvrir des pays comme Haiti », a-t-elle déclaré. Elle a expliqué comment dès les premières années de son indépendance, Haïti s’est endettée pour payer à la France, son ancienne métropole, une indemnité de 90 millions de francs Or, dont la valeur actualisée représente aujourd’hui plus de 21 milliards de dollars américains, en échange de la reconnaissance de son indépendance, pourtant acquise suite à de hautes et héroïques luttes menées par les esclaves.

En ce qui concerne la dette actuelle d’Haïti dont l’annulation a été décidée récemment par les pays du G8, une bonne partie avait été contractée sous les dictatures des Duvalier, lesquels « se servaient du trésor public comme de leurs propres biens en pillant et en empochant les emprunts effectués au nom du pays pour s’enrichir », a-t-elle fait remarquer.

« Les sommes empruntées n’ont pas été véritablement investies dans le pays, mais sont retournées très souvent dans les banques étrangères ou ont servi à acheter des villas luxueux, des bijoux précieux ou à payer toutes sorte de fantaisies pour la famille des Duvalier et leurs complices », a dit Colette Lespinasse. Elle a évoqué des rapports préparés par la Banque de la République D’Haiti (BRH) après la chute de cette dictature en 1986 pour montrer comment Jean Claude Duvalier, sa femme Michèle Bennet et ses ministres, ont systématiquement puisé dans les caisses de l’Etat pour alimenter leurs comptes à l’étranger.

« Il est injuste, immoral et même criminel d’exiger de la population haïtienne qui croupit dans la misère, le remboursement de prêts effectués dans des conditions aussi odieuses et qui n’ont jamais servi le pays. Les organisations multilatérales et les pays qui ont accordé ces prêts savaient pertinemment ce qui se passait sous cette dictature féroce qui ne permettait aucune contestation, ni organisation, et qui exécutait ou envoyait en exil tous ceux et celles qui osaient les critiquer. Ils doivent reconnaître leurs torts, endosser leurs responsabilités en annulant immédiatement et sans conditions cette dette », a martelé Lespinasse, devant les parlementaires présents et une assistance composée de militants en faveur de l’annulation de la dette, des représentants d’ONGs britanniques, des citoyens et amis de plusieurs pays africains très endettés.

Colette Lespinasse, la parlementaire Ann et 2 autres intervenants

Chiffres à l’appui, Colette Lespinasse a expliqué la situation actuelle d’Haïti considéré comme le pays le plus pauvre de l’Amérique avec un taux de mortalité maternelle en nette augmentation, un accès très limité de la majorité de la population aux services sociaux de base notamment l’éducation, la santé, l’eau potable. Pourtant ce pays a dû verser aux bailleurs en 2005, plus de 20% de son budget (soit 133 millions de dollars américains) au titre de service de la dette.

Colette Lespinasse en a profité pour exprimer ses inquiétudes par rapport à l’initiative PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) qui exige d’Haïti la réalisation d’un ensemble de conditions préalables, telles que « les privatisations des entreprises publiques et l’augmentation des recettes fiscales avant de pouvoir bénéficier d’un allègement et ensuite d’une annulation dans deux ans de ses vieilles dettes estimées à 716 millions de dollars, à l’exception de celles contractées après 2004 ».

« Pour pouvoir bénéficier de l’initiative PPTE, l’actuel exécutif dirigé par le président René Garcia Préval, est en train d’effectuer avec rapidité et sans considérations aucune, des licenciements sauvages dans les entreprises d’Etat pour satisfaire les exigences du FMI et de la Banque Mondiale, alors qu’en contrepartie, le gouvernement n’a encore créé aucun nouvel emploi dans le pays », a souligné Lespinasse.

Parallèlement, a-t-elle poursuivi, « les prix des produits de première nécessité sont en nette augmentation et déjà des grèves et protestations sont enregistrées dans plusieurs secteurs ».

« Cette politique économique met en péril tous les efforts qui sont en train d’être faits pour stabiliser Haiti et risque de créer un climat de tension, non favorable à la reprise économique », prévient Lespinasse qui a demandé au Parlement britannique son appui pour faciliter une annulation immédiate et sans condition de la dette haitienne.

De son côté, Trisha Rogers (à droite sur la photo logo), de la Coalition anglaise pour l’annulation de la dette a fourni des informations chiffrées sur les procédés employés par les pays riches qui avaient besoin d’investir des capitaux importants accumulés dans le pétrole, pour octroyer, dans les années 70-80, plus de 520 milliards de dollars à des dictateurs tels que Jean Claude Duvalier en Haiti, Mobutu au Zaire, et Marcos aux Philippines.

En échange, ces créanciers reçoivent des intérêts rentiers estimés à plus de 100 millions de dollars par jour, lesquels sont prélevés sur des pays pauvres qui ne peuvent même pas satisfaire les besoins les plus élémentaires de leur population, a ajouté Trisha Rogers.

Elle a cité plusieurs exemples historiques où des pays comme les Etats-Unis, Cuba, la Grande Bretagne ont obtenu l’annulation de prêts illégitimes qui ont été effectués dans des contextes ou conditions douteux. Elle a appelé le Parlement britannique a joué son rôle pour que cette situation n’existe plus et que désormais les prêts au nom des pays soient effectués dans la transparence et en toute légitimité.

Etaient présents à cette audience autour de la dette d’Haiti cinq parlementaires dont trois du Parti Travailliste et deux du parti Libéral. La séance a été modérée par Ann Mckechin (à gauche sur la photo logo), présidente du Groupe Parlementaire sur la Dette, l’Aide Internationale et le Commerce.

Ce groupe qui comprend des parlementaires de tous les partis politiques britanniques s’est donné comme objectif de promouvoir l’allègement et/ou l’annulation des dettes des pays en voie de développement, une aide internationale efficiente et un système commercial équitable avec ces pays.

La Grande Bretagne n’a pas pour l’instant de programmes de coopération directe avec Haiti, mais soutient le pays a travers les interventions de l’Union Européenne. Cependant, son influence au sein du G8 ou se discutent les question d’allégement et ou d’annulation de la dette des pays pauvres est très importante. [apr 24/07/2007 10:00]