Par Nancy Roc
Soumis à AlterPresse le 14 juillet 2007
Le vendredi 13 juillet, pour la première fois depuis sa création, le Théâtre de Verdure du Parc Lafontaine à Montréal, a accueilli Haïti dans un spectacle haut en danses, couleurs et chaleur : Haïti en Folie, organisé par la Fondation Fabienne Colas.
La première édition d’Haïti en Folie a remporté un vif succès avec la présence de près de 2.000 personnes venues découvrir la culture haïtienne à travers un spectacle de qualité variant le hip hop du groupe haïtien Black Diamond, le folklore de la Troupe Ekspresyon, le talent reconnu de la chanteuse Québécoise d’origine haïtienne, Sara Rénélik, artiste principale de ce spectacle et le cinéma haïtien, avec un hommage rendu à l’acteur et publiciste de renom, François Latour, assassiné le 22 mai dernier, et la projection du film de Raoul Peck, l’Homme sur les Quais.
La soirée ciné-spectacle en plein air Haïti en Folie est une activité pré-festival, qui s’inscrit dans le cadre du Festival International du Film Haïtien de Montréal (FIFHM) dont la 3ème édition aura lieu du 19 au 23 septembre prochain. Selon la présidente de la Fondation Fabienne Colas, Haïti en Folie est destinée à faire connaître Haïti dans toute sa diversité, sa splendeur et sa richesse culturelles en mettant en vedette le cinéma, la danse, la musique, l’art et la gastronomie de notre pays. C’est d’ailleurs le premier et seul événement en plein air qui mélange tous les genres culturels d’Haïti à Montréal. « L’objectif principal de cette nouvelle initiative est d’attirer un public de toutes origines, afin d’être une occasion de rencontre, de découverte, de partage, de métissage et de divertissement », a déclaré Fabienne Colas à notre micro. « L’année dernière, nous avions organisé une soirée Pic-Nic cinéma dans Montréal Nord mais nous avons réalisé que la communauté ne répondait pas vraiment à cette initiative. De plus, nous souhaitions faire connaître tous les aspects de la richesse de notre culture à un public plus large et faire passer une image plus positive d’Haïti auprès du public québécois. C’est pour cela que nous avons choisi de tenir Haïti en Folie au cœur du centre ville de Montréal, au Théâtre de Verdure qui accueille les plus grands spectacles comme les Grands Ballets canadiens par exemple », a-t-elle précisé.
Un cocktail savoureux
Cinéma, danses folkloriques, musique hip hop, art et gastronomie étaient donc au rendez-vous de cette soirée gratuite et entièrement dédiée à la culture haïtienne. Soirée riche en saveurs et en couleurs créoles. Des hôtesses accueillaient le public à l’entrée avec la chaleur du sourire antillais et des robes typiquement haïtiennes. Une touche spéciale que l’on ne retrouve plus dans les spectacles haïtiens à l’étranger où la dictature du compas s’est imposée. La coordination de l’accueil logistique était assurée par la Québécoise d’origine camerounaise, Lydie Yabeko, qui a fait un travail remarquable.
Le spectacle, entièrement conçu par Sara Rénélik, a débuté avec des mots de bienvenue de Fabienne Colas, présidente de la Fondation Fabienne Colas et de Francine Grimaldi, animatrice vedette de Radio Canada et Porte-parole de la 3ème édition du FIFHM.
Le groupe hip hop d’origine haïtienne, Black Diamond, a assuré l’ouverture de spectacle et a vite conquit le cœur des jeunes filles présentes et du public en général avec leurs mouvements synchronisés, leurs muscles saillants et leurs sourires pétillants. Formé en mars 2003, Black Diamond est un groupe de danse hip-hop composé de 5 jeunes hommes : Ricardo, Carl, Gracia et Geto âgés de 22 et 30 ans, dirigé par leur manager Dominick. Durant ces dernières années, on a pu les voir performer dans des évènements culturels tels que la Marche pour la non-violence (2005-2006), des festivals comme la première édition du Reggae Fest, le Compas Fest, le Festival de Jazz de Montréal en 2005, la soirée d’ouverture du 2e Festival International du Film Haïtien de Montréal (FIFHM), les Francofolies en 2006 et le Grand Rire Bleu à Québec. Ils ont côtoyé et travaillé avec plusieurs artistes de la scène locale et internationale tel que Coyote, Rachid Badouri, François Massicotte, et d’autres. Leur source d’inspiration sont : James Brown, Michael Jackson, Usher pour ne nommer que ceux la. Ils sont reconnus pour leurs originalités, leurs synchronismes et leurs prestances sur scène.
La prestation de Black Diamond, fort applaudie, a été suivie par l’entrée en scène de la troupe folklorique Ekspresyon qui a médusé le public québécois avec ses rythmes Ibo et Petro. Cette troupe puise son essence dans la richesse de la danse folklorique haïtienne, creuset d’un imposant éventail de rythmes et de styles, aux harmonies cadencées de symbolisme et de passion. À la fois expressive, exubérante, se parant de souplesse et racée d’élégance, la danse folklorique haïtienne a accaparé, en un tour de charme, les spectateurs émus, tombés sous le coup de l’enchantement. Ces danseuses d’expérience qui marient de façon originale tradition et éléments de danse moderne et jazz, cet alliage artistique, transposé sur scène en une prestation dynamique, a assuré à Haïti en Folie, une qualité essentielle et stratégique avant l’entrée de la chanteuse Sara Rénélik.
Sara Rénélik a d’abord rendu hommage à Toto Bissainthe, qui est de ses grandes sources d’inspiration en appelant les danseuses de la Troupe Ekspresyon à se joindre à elle sur scène pendant que la voix de Toto Bissainthe (qui a également joué dans L’Homme sur les Quais de Raoul Peck) résonnait dans l’enceinte du Théâtre de Verdure du Parc Lafontaine. Sara Rénélik a été, une fois de plus, égale à elle-même, en alliant expertise, assurance, charme, spiritualité et simplicité gracieuse sur scène. Sara est une artiste reconnue pour son authenticité et sa diversité, son originalité et sa profondeur. Passionnée par la danse depuis son enfance, elle pratique cet art avec ardeur depuis son adolescence. Elle fût d’ailleurs danseuse et chorégraphe pour des productions du Cirque du Soleil, Céline Dion, Julie Masse, Yaya Diallo, Luck Mervil, Emeline Michel, Eval Manigat & Tchaka, Harold Faustin, Lorraine Klaasen, Paulo Ramos, pour n’en nommer que quelques uns. On retrouve dans sa musique, les influences rythmiques des Antilles Françaises ainsi que celles de l’Amérique dont le rythme blues, le folk haïtien, le rara-rock et le soul. Son répertoire est chaleureux et toujours envoûtant. Le public le lui a bien rendu d’ailleurs en l’applaudissant, à son tour, chaleureusement.
Notons que parmi les spectateurs figurait le Député d’origine haïtienne, Emmanuel Dubourg, toujours présent pour soutenir les activités de sa communauté et qui est définitivement, le politicien le plus « gentleman » que nous connaissions à Montréal.
Avant la projection du film de Raoul Peck, l’homme sur les Quais, la présidente de la Fondation Fabienne Colas, nous a fait l’honneur de nous inviter à lire un extrait du texte que Raoul Peck a écrit suite à l’assassinat de François Latour le 22 mai dernier. Hommage et respect ont donc été rendus à ce publiciste et acteur de renom dont le quatrième et dernier présumé assassin a été arrêté le vendredi 13 juillet lors d’une opération menée conjointement par la Police Nationale et la Mission de stabilisation de l’ONU (MINUSTAH). Le porte-parole de la PNH, Frantz Lerebours, dans une interview à Radio Kiskeya, a annoncé qu’Hamilton Fernando alias "Ti Junior" a été appréhendé à l’aube en compagnie de trois autres présumés bandits dans le voisinage immédiat de l’hôpital Isaïe Jeanty, à Chancerelles (nord de Port-au-Prince). Les autres individus épinglés répondent aux noms de Fanfan Piersaint, Béviaire Philius et Pierre-Louis ainsi connus. Considéré comme le cerveau de l’enlèvement suivi de l’exécution de Latour, le 22 mai dernier, "Ti Junior" faisait l’objet, depuis plusieurs semaines, d’un avis de recherche.
Ce 13 juillet aura-t-il porté chance ? Peut-être que oui car, en plus de la nouvelle de cette arrestation, Dame Nature a été très clémente envers les organisateurs d’Haïti en Folie malgré un ciel menaçant qui annonçait la pluie plus tôt dans la journée. Haïti en Folie passe donc son premier test avec éclat grâce à la coordination générale d’Emile Castonguay, la coordination artistique de Sara Rénélik, la coordination technique de la Française Émilie Paris venue spécialement de Paris (France) pour la 3ème édition du FIFHM et de la Québécoise, Stéphanie Blanchet et la coordination de l’accueil logistique de Lydie Yabeko. Fabienne Colas a donc le mérite, une fois de plus, de s’être entourée d’une équipe remarquable et gagnante pour porter le drapeau haïtien fièrement et dignement. Seule imperfection dans le rouage presque parfait de cette machine artistique : le kiosque de nourriture haïtienne a été submergé par la foule hétéroclite et n’avait pas assez de nourriture. Le traiteur, qui n’avait rien à voir avec l’organisation du spectacle, était vraiment mal organisé, ce qui a malheureusement engendré des mécontentements dûment justifiés après une file d’attente aussi longue. Toutefois, il est aussi clair que la saveur des mets haïtiens est toujours aussi appréciée…et est peut-être aussi victime de son succès.
Nancy Roc, Montréal, le 14 juillet 2007