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Haïtiens et Dominicains : locataires d’une même île en esclaves et maîtres

Soumis à AlterPresse le 10 juillet 2007

Par Charles Joseph Charles

Extrait de : À la fois Prince et Mendiant

Publié chez ÉducaVision, 2007

Par Charles Joseph Charles

J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie !
 [1]

Les Haïtiens et les Dominicains - locataires d’une même île - offrent un spectacle horrifiant dans la quotidienneté de leurs relations.
Un spectacle rebutant, qui peint le visage haïtien dans la plus grande honte qui soit.
Nos voisins de l’île infligent à nos frères et sœurs un traitement proche de l’esclavage ;
une situation d’esclavage moderne
sur une île, politiquement souveraine et indépendante.

L’esclavage n’est pas totalement aboli
sur l’île d’Haïti avec la proclamation de l’indépendance en 1804,
en passant par la révolte contre l’occupation américaine des années 35
pour aboutir à la colère du peuple instrumentalisé jusque vers les années 57- 85.

Avec les événements de février 1986
n’a pas pris fin le système d’oppression.
Avec les événements de février 1991
n’a pas pris fin le système d’exploitation.
Avec les événements de février 2004
n’a pas pris fin le système de chosification.
Avec les événements de février 2006
n’a pas pris fin le système de marchandisation de l’Haïtien.

En 2007, nos sœurs et nos frères sont encore vendus en République dominicaine,
comme du bétail à profit.
Nos enfants, jeunes et adolescents, sont sacrifiés et tranchés
tel un chien.
On ne vend pas nos enfants, plutôt leurs organes.
Le commerce de leurs organes est rentable.

Ils sont comme des bêtes parquées…

Ils sont nombreux, en République dominicaine,
les petits enfants haïtiens qui sont vendus, sacrifiés et tranchés.
Pourtant, ils sont les enfants du Bon Dieu.
Criminels notoires, crimes odieux.
Tout est d’un cynisme sans borne.

Ils sont nombreux, en République dominicaine,
nos frères et sœurs pourchassés par la misère.

Ils sont traités généralement comme des bêtes parquées aux champs,
qui doivent payer de leur misère et de leur dépersonnalisation
l’insouciance et l’irresponsabilité de nos dirigeants politiques.
Nos pauvres sœurs et frères sont en fuite continuelle.
Ils sont tenaillés par la faim et se voient contraints d’accepter
tout ce que nos voisins insulaires leur imposent.
Nos compatriotes blessés, en territoire dominicain, sont soumis inexorablement à une servitude de fait,
proche d’un affreux esclavage
Ils travaillent comme des Nègres sans joie.
Si on leur donne quelque chose en rémunération,
c’est uniquement pour maintenir
la main-d’œuvre bon marché.

Pour un travail éreintant, ils ne reçoivent qu’une pauvre pitance.

Sur la frontière haïtiano-dominicaine, du côté de Ouanaminthe,
dans le Nord du pays,
je vois quotidiennement des compatriotes haïtiens,
de tout âge, provenant de tous les recoins du pays,
partir là-bas,
en République dominicaine, comme dans une sorte de fuite
à la recherche de la vie.

Quelle vie alors ?

N’est-ce pas une vie de révolte et de protestation ?
N’est-ce pas inhumain tout simplement ?
N’est-ce pas tout simplement déshumanisant ?

Qui ose prendre la défense de ces damnés ?
Ceux-là qui sont en domesticité là-bas.
Ceux-là qui n’ont aucune occasion de revendiquer leurs droits.
Ceux-là qui n’ont pas le droit de faire la fête.
Ceux-là qui doivent, toute leur vie, demeurer méconnus de tous.
Ceux-là qui doivent, toute leur vie, mendier pour subsister.

Que font les autorités haïtiennes ?

Qu’entreprennent-elles auprès des autorités dominicaines qui humilient _ nos frères et sœurs là-bas ?

Faut-il qu’ils meurent dans cette marginalisation insupportable ?

N’ont-ils pas lutté corps et âme pour avoir un pays et une terre où vivre libres ?

Ne sont-ils pas des esclaves en fin de compte ?

Charles Joseph Charles

charlesjosephc@yahoo.fr


[1Alfred de Musset