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Haiti : Quelle redéfinition pour la MINUSTAH ?

Par Pierre-Richard Cajuste [1]

Soumis à AlterPresse le 9 juillet 2007

Le 15 octobre 2007, le Conseil de Sécurité décidera, comme a l’accoutumée, aux termes de la résolution 1743 (2007), de proroger ou de redéfinir le mandat de la Minustah [2]. Les différentes prorogations de la mission Onusienne en Haïti, semblent indiquer la nécessité de maintenir, au minimum, la stabilité dans le paysage institutionnel haïtien.

La question haïtienne, pour la communauté internationale, s’inscrit dans le cadre d’une dimension hautement socio-économique. Le Conseil de Sécurité, dans toutes ses résolutions : 1542 (2004) du 30 Avril 2004, établissant la MINUSTAH [3] n’a pas cessé de mettre l’accent sur le développement économique et social comme la clef de voute de la stabilité en Haïti.

Les différents rapports du Secrétaire général sur Haïti ont presque tous abondé dans le sens de la création d’un climat sûr et stable en Haïti et la mobilisation des Etats autour d’un consensus pour aider à la reconstruction du pays et à la consolidation des institutions et des acquis démocratiques.

Bien que la résolution 1529 (2004) du 29 février 2004, qui a présidé à l’envoi de la Force Multinationale, soit conforme au Chapitre 7 de la Charte de l’ONU, il n’en reste pas moins que ladite résolution, dans son deuxième paragraphe, alinéa d, incluait dans le mandat de la force « la création de conditions permettant aux organisations internationales et régionales d’apporter une assistance au peuple haïtien ».

Le paragraphe 10 de la même résolution est allé plus loin pour « demande[r] à la communauté internationale, en particulier à l’organisation des Nations Unies, à l’organisation des Etats américains (OEA) et à la Communauté des Etats de la Caraïbe (CARICOM), de coopérer avec le peuple haïtien dans le cadre d’un effort à long terme visant à promouvoir la reconstruction des institutions démocratiques et de participer à l’élaboration d’une stratégie propre pour favoriser le développement social et économique et à combattre la pauvreté ».

Pour y arriver, il s’agit non seulement de rétablir la paix et la sécurité mais encore d’initier un processus constitutionnel et politique, grâce à l’organisation d’élections à tous les niveaux, la recherche de la normalité constitutionnelle, l’établissement d’un état de droit, l’amélioration des services sociaux de base, la réforme de l’administration publique, l’appui à la reconstruction et au développement économique.

En dépit du fait que les négociations n’aient pas encore eu lieu, différentes voix importantes de la communauté internationale, comme celle du représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour
Haïti, Edmond Mulet, ont réclamé, le jeudi 28 juin 2007 à Buenos Aires, le renouvellement pour douze mois supplémentaires du mandat de la Mission de stabilisation de l’ONU, qui devrait assurer la sécurité des présidentielles de 2010.

Luiz Carlos da Costa, Représentant spécial adjoint principal pour la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a de son cote déclaré qu’Il faudra au moins 4 ans de plus à la Mission des Nations Unies pour contribuer à stabiliser ce pays. [4] La porte parole du secrétaire général de l’ONU, Michèle Montas, estime que le mandat de la Mission des Nations Unies sera peut être prorogé pour une période de 6 mois. [5].

La présence de la force internationale semble être liée aux progrès réalisés sur le terrain. Jusqu’à présent, le gouvernement a gagné le pari de la stabilité politique et de la sécurité. Il y a eu l’établissement du parlement, la réforme de la police, l’appui à la stabilisation macro-économique. La volonté y est, mais des faiblesses se manifestent au niveau de la vision stratégique et de l’administration globale du pays.

Un an après, il reste beaucoup à faire. On est encore loin de la réforme de la justice et du système carcéral, des rapports cohérents entre les institutions de l’Etat, la création du Conseil Electoral Permanent, la création immédiate d’emplois à haute intensité de main-d’œuvre, la stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), l’amélioration des services sociaux de base, santé, éducation, électricité, eau etc. dans le cadre des objectifs du millénaire (OMD).

L’ambassadeur de l’Union européenne, Francesco Gosetti, pour justifier la mission d’experts dans le pays au cours du mois de Juillet, a déclaré : « ce programme répond à un besoin important de fluidité et de savoir-faire en matière de planification dans l’administration publique. Les objectifs de cette mission d’experts tels qu’établis dans les termes de référence sont :

- Aider les ministères à mettre sur pied des programmes de travail pour l’exercice budgétaire 2007/2008 ;

- Renforcer la capacité de mise en œuvre des projets financés par des bailleurs de fonds internationaux ;

- Aider à définir les besoins en assistance technique ;

- Suggérer les éventuelles adaptations en terme d’organisation administrative. » Il poursuit en affirmant : « L’action gouvernementale me paraît porter le poids d’une absence d’habitude en Haïti ». [6]

Ces déclarations, démontrent, la nécessité aigue pour Haiti d´avoir un plan global de développement en lieu et place de la gestion quotidienne de l’urgence.

Le conseil de sécurité, dans la résolution 1743/2007, considère « que la situation en Haïti continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région malgré les progrès accomplis à ce jour ». Le langage de cette résolution, tout en étant la justification du chapitre 7, se démarque de la résolution 1702 qui stipulait : « la situation en Haïti continue d’être une menace contre la paix et la sécurité internationale. »

Autant dire qu’un certain progrès a été réalisé. Pour continuer sur cette lancée, une meilleure articulation du cadre de coopération post- électorale paraît essentielle, à savoir une mise en cohérence de l’agenda du gouvernement et des objectifs visés par la communauté internationale. Dans ce sens, pour répondre à l’une des questions de Claude Moise dans le Matin du 6 juillet 2007, « Alors combien faudra-t-il d’années pour régler la question haïtienne ? », la réponse se situe sous l’angle des progrès réalisés au niveau de la gouvernance démocratique, de la réforme de l’administration publique, la création de l’État de droit, la modernisation de la base de production. En d’autres termes la mise en œuvre d’un agenda national consensuel pour une meilleure prise en charge du pays.

La responsabilité est énorme, la réalité est nuancée et complexe. Si, pour aujourd’hui, l’objectif c’est de construire le pays en passant par l’investissement privé, les initiatives à entreprendre doivent passer par la construction d’un état de droit et le regain de la souveraineté.

Le premier ministre Jacques Edouard Alexis a beau demander aux officiels américains d’enlever Haïti sur la liste des pays à risques mais qu’en est- il du chapitre 7 du Conseil de Sécurité de l’ONU ? Le club du chapitre 7 n’est pas le meilleur des clubs pour attirer le capital étranger qui apparaît maintenant d’avantage comme une nécessite pratique.
Face à cette complexité, l’approche internationale devrait concilier sécurité et développement en réalisant un lien institutionnel et systématique entre le maintien de la paix et le réseau international d’assistance et de mobilisation des donateurs, en d’autres termes une « Mission intégrée ». N’est ce pas ce que voulait la Chine populaire lors des négociations qui ont vu naître la résolution 1743 ?

Le renouvellement du mandat de la Minustah devrait offrir à Haïti l’opportunité de mieux penser cette coopération en fonction d’un agenda national basé sur le renforcement de la gouvernabilité et aussi le développement des programmes économiques et sociaux dont a besoin la nation haïtienne.

Sous une forme ou une autre, la présence internationale dépendra des progrès réalisés à partir des objectifs fixés. L’objectif primordial serait de forger un partenariat mondial en vue de la mobilisation des ressources pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens.

Contact : Cajuste2000@yahoo.com


[1Ancien délégué d’Haïti à l’ONU

[2Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti

[31576 (2004) du 29 novembre 2004, 1601(2005) du 31 mai 2005, 1608(2005) du 22 juin 2005, 1658(2006) du 14 février 2006 pour la prorogation du mandat de la MINUSTAH

[4Source AlterPresse, 7/7/7

[5Source, Radio Métropole

[6Réf. Le Nouvelliste, 29 juin 2007