P-au-P, 23 juillet 03 [AlterPresse]---23 juillet 1987 - 23 juillet 2003, 16 ans après le massacre des paysans de Jean Rabel (au nord-ouest d’Haiti), les plus de 139
morts demeurent sans justice, sans réparation.
Pour souligner cet anniversaire l’organisation paysanne « Tèt Kole » (Têtes Jointes) a mis en place une série de manifestations socio-culturelles, de protestation et de réflexion à Jean Rabel. Les paysans ont reçu le soutien de la Coalition Haitienne pour la Jusitice, basée à New-York, qui a décrété une journée de deuil en mémoire des paysans tombés.
Selon « Kontak Popilè » (Contact Populaire) revue issue des milieux de l’éducation populaire et distribué parmi les organisations de base, ce massacre a été perpétré avec la complicité de l’église catholique, l’Etat haïtien et appuyé par l’administration américaine et des grands propriétaires terriens. Les groupements de paysans ont été ciblés pour avoir été perçus comme une menace pour la politique néolibérale et l’impérialisme américain.
La revue indique que le massacre était déjà annoncé un mois d’avance, alors que les autorités gouvernementales d’alors n’avaient pas pris des mesures pour éviter
le drame. Le 9 mai 1986, Rémy Lucas, un grand propriétaire terrien de Jean Rabel, escorté d’un groupe d’individus, avait incendié plus d’une quinzaine de
maisonnettes des paysans de Gwo Sab (Gros Sable), localité de Jean Rabel, rappelle « Kontak Popilè ».
Les persécutions contre les paysans de Jean Rabel s’étaient intensifiées au début du deuxième semestre de 1987. Pendant toute la première moitié de juillet des attaques avaient été dirigées contre les missionnaires catholiques qui travaillaient avec les
groupements des paysans de la commune. De grands propriétaires terriens avaient, en autre, distribué des machettes à des paysans.
Les groupements de paysans appelés "Tèt ansanm" (Têtes ensembles) se trouvaient également dans la ligne de mire d’un organisme d’aide alimentaire américain oeuvrant dans la région, soutient la revue. Les paysans de Jean Rabel, déterminés de vivre dans la
dignité, refusaient l’aide alimentaire de cette ONG.
« Kontak Popilè » estime que les revendications des paysans de Jean Rabel remettaient en question le fondement de l’Etat haïtien. Elles allaient dans le sens d’une lutte
contre les taxes injustifiées, la politique néolibérale, en faveur du droit des petits paysans à la propriété et, en général de la justice sociale.
Sous la présidence de René Préval, le grand propriétaire terrien Nicol Poitevien a
été arrêté en relation avec ce massacre. Au lendemain du massacre, il l’avait revendiqué en se vantant d’avoir assassiné « 1042 communistes ». Nicol Poitevient a été libéré et la justice haïtienne tarde encore à faire lumière sur ce massacre. [rv gp apr 23/07/2003 10:30]