A la fin des années 1990, le Fond monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale (Bm) ont repensé les politiques nationales et internationales à mettre en œuvre pour résoudre les problèmes des pays pauvres, dont la situation économique ne s’améliorait pas et où le taux de pauvreté demeurait élevé. Force est de constater que ces mesures de sauvetage économique n´ont pas généré des résultats satisfaisants. En témoigne l´échec des politiques économiques soutenues par les bailleurs de fonds et la carence au niveau du développement humain. A la fin de 1999, le Fmi et la Bm ont émis, pour la première fois, l’idée de faire reposer l’aide concessionnelle, octroyée aux pays à faible revenu, sur les documents de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp).
Soumis à AlterPresse le 1er juillet 2007
Par Pierre Richard Cajuste
Le document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsrp) a remplacé le document cadre de politique économique, lequel, établi par le Fonds monétaire international et par la Banque mondiale, sous-tendait les programmes d’ajustement structurel adoptés par les pays moins avancés (Pma) dans les années 1990. Le Fmi a transformé sa facilité d’ajustement structurel renforcée (Fasr) en facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (Frpc). [1]
La réduction de la pauvreté est devenue l’objectif prioritaire de la communauté internationale, en général, et des institutions de Bretton Woods, en particulier, dans le cadre de la coopération internationale pour le développement. Même les crédits alloués à l’appui de la réduction de la pauvreté, qui ont été créés en 2001 pour aider les pays à faible revenu à appliquer leur stratégie de réduction de la pauvreté, sont octroyés sur la base du Dsrp.
En vigueur depuis 1999, ce document n’a pas pu être appliqué en Haïti à cause de la crise politique que connaissait le pays. Suite au renversement du régime Lavalas en février 2004 et face au déficit d’un plan de développement viable, les nouvelles autorités gouvernementales d´alors et la communauté internationale ont recouru au Cadre de coopération intérimaire (Cci).
Dans environ trois (3) mois, le Cci arrivera à terme.
Face à cette courte échéance, et comme alternative au Cci, l’Etat haïtien devra s’atteler à l’élaboration d’un plan stratégique de développement, axé principalement sur la réduction de la pauvreté.
Entre-temps, le gouvernement a déjà franchi deux étapes importantes qui sont : la finalisation du « document de Stratégie intérimaire de réduction de la Pauvreté » (Dsrp-I) et le lancement, le 12 avril 2007, de la commission nationale chargée de la préparation du Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsncrp).
Cette initiative devrait constituer une opportunité de créer un environnement pour un débat démocratique et participatif dans tout le pays autour de la stratégie de lutte contre la pauvreté et la création de la croissance, ayant à l´esprit la nécessité aiguë du pays d´avoir un plan global de développement en lieu et place de la gestion quotidienne de l’urgence.
La mise en œuvre d’un tel document, il faut le rappeler, réclame la participation des différentes composantes de la société, à savoir, les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales (Ong), les organisations de la société civile organisée, les chercheurs, les églises, le secteur privé, les collectivités territoriales, etc.
Comme résultat, dans un pays comme Haïti, cette démarche permettrait d’identifier les problèmes à résoudre à partir des diagnostics réalisés et des moyens nécessaires à leur exécution sur une base participative, inclusive et consensuelle.
Le gouvernement se doterait de projets spécifiques visant à la modernisation de la société haïtienne et appliquerait les politiques publiques contenues implicitement dans les lignes directrices des plans nationaux. Cela se traduirait par plus de cohérence entre les priorités établies sur le plan de la vision du développement et le choix budgétaire.
La réalisation de ce document faciliterait aussi le déblocage des fonds concessionnels et la qualification d’Haïti au programme d’allégement de la dette des pays pauvres très endettés (Ppte).
En incluant tous les secteurs de la société haïtienne, le document final pourrait servir de vecteur pour asseoir le consensus sur une vision de société, tant prônée par le Président René Préval, afin de consolider le consensus politique fragile obtenu après les élections du 7 février 2006. A cette fin, la vulgarisation du projet Dsncrp est plus que nécessaire.
A quelques mois de l’échéance du Cci, peu de gens savent l’objectif et l’importance d’un tel document. Peut-on affirmer que le document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsncrp) sera prêt à la fin du mois de septembre 2007 comme prévu ? Il revient à la commission de répondre à cette interrogation.
On peut toutefois constater certains séminaires réalisés par la commission, lesquels ne nous paraissent pas suffisants. Ne serait-il pas nécessaire, compte tenu de l’importance de ce dossier, de demander un moratoire ? D’autres Pma, comme Haïti, ont pris trois ans, en moyenne, pour préparer le Dsrp.
Si on le traite sérieusement, à partir d’études conduites de façon systématique suivant les critères scientifiques établis, on pourrait articuler les objectifs du millénaire et l’augmentation de croissance. Dans ce pays si pauvre qu’est le nôtre, la croissance, pour être efficace, doit être accompagnée d’une lutte contre la pauvreté.
La cause fondamentale, qui constitue le nœud gordien de la problématique haïtienne, reste et demeure la lutte contre l’extrême pauvreté, pour la croissance économique et l’établissement de l’Etat de droit, trois axes importants pour n’importe quel gouvernement soucieux de donner une réponse aux multiples problèmes auxquels est confrontée la nation.
Le déséquilibre croissant, entre les besoins de la population et les ressources disponibles, sont à l’origine de l´existence de cette masse de désœuvrés qui ne demandent qu’un emploi pour vivre honorablement. L’appauvrissement continu des masses et l’incapacité de créer la richesse au sein de la société mettent en péril les bases de la nation. On s’enchevêtre dans un ensemble de contradictions rendant chaque jour plus difficile le chemin du progrès et du développement.
Le degré de pauvreté d’Haïti est inacceptable pour la grande majorité de la population. La question est de savoir quelles mesures nationales doivent être prises face à cette descente aux enfers. Actuellement, le chômage frappe plus de soixante dix (70%) de la population, et la pauvreté affecte même les classes moyennes.
Face à cet état de fait, dans la perspective d’une croissance et d’un développement économique soutenu, il est impérieux de réclamer de la commission une approche beaucoup plus ouverte, afin que l’appropriation du projet Dsncrp soit faite, comme prévu, dans l’intérêt de la population, au lieu de devenir une source de discorde dans cette société haïtienne qui en a déjà trop.
Il faudrait d’abord soumettre, comme suit, la méthodologie et le cadre institutionnel fixé :
Sensibiliser les cadres politiques sur l’importance du Dsncrp et expliquer les principes sous-jacents ;
Familiariser les gens sur la méthodologie de réalisation du document, en cherchant le consensus nécessaire ;
Faire en sorte que le Dsncrp rentre dans le débat national ;
Créer un environnement de communication, à partir duquel les résultats du Dsncrp seront perçus par la population comme le fruit d’un commun effort.
Pour conclure, l’élaboration d’un tel document, mettant en relief les problèmes du pays et le cadre opérationnel pour y faire face, constitue un grand pas vers la résolution des grands maux du pays.
Pour sortir de ce marasme, il n’y a pas d’autres solutions qu’un effort visant à repenser les problèmes structurels et économiques d’Haïti et leur trouver une solution répondant aux intérêts de la grande masse des oubliés.
Pierre-Richard Cajuste
Cajuste2000@yahoo.com
(1) La facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (Frpc) est le guichet par lequel le Fmi accorde des prêts, assortis de faibles taux d’intérêt, aux pays à faible revenu. Les programmes appuyés par la Frpc reposent sur des stratégies globales d’allégement de la pauvreté qui sont pilotées par les pays.