Español English French Kwéyol

Haiti : Professeurs et étudiants sur les traces de Jacques Roumain

Compte-rendu

Par James Darbouze

Soumis à AlterPresse le 15 juin 2007

L’année 2007 est officiellement consacrée Année Jacques Roumain. S’il était encore vivant, Jacques (Roumain de son nom) aurait eu cette année cent ans. Le siècle. Bel âge pour un homme qui, au fait, n’aurait vécu que trente sept. L’événement était de taille. Sans trompette ni tambour*, les festivités de lancement de l’Année ont été réalisées le vendredi 9 février 2007 au Ministère de la Culture et de la Communication dans la matinée et à la Faculté d’Ethnologie dans l’après-midi. Les deux entités (MCC et UEH) ont été à l’avant-garde de l’initiative. Par suite, tant à l’Université d’État d’Haïti qu’ailleurs dans le public et dans le privé, un programme a été élaboré en la circonstance. Toujours dans le cadre de ces activités, le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) a organisé le samedi 26 mai dernier une sortie archéo-anthropologique à l’habitation Carradeux et au Parc historique de la Canne à sucre intitulé « Sur les traces de Jacques Roumain ». Cette sortie archéo-anthropologique avait pour bu de permettre aux étudiantEs de continuer à chercher leurs origines en suivant les traces de Jacques Roumain.

De 8h am à 15h pm, quarante étudiantEs venuEs des différentes entités de l’UEH ont, en effet, sous la supervision de six encadreurEs : Mme Bayyinah Bello (Professeure à l’UEH), M. Antji Daniel Ouachée (Responsable de la Fondation Ecosophique), M. Alex Duquella (Professeur à l’UEH et à l’UNIQ), MM. Wilons Dorlus, James Darbouze (RUEH) et la nièce de Jacques Roumain, Mme Marie Josée Nadal (Peintre et Responsable de la Fondation Françoise Canez-Auguste), visité tour à tour les vestiges de l’habitation Carradeux, le Parc historique de la Canne à sucre, l’exposition permanente de pièces amérindiennes du Musée de la Canne à sucre et la petite exposition sur Jacques Roumain, sa vie et son œuvre à la salle de conférence du Parc. Les ÉtudiantEs ainsi que les encandreurEs ont, ensuite, participé à un débat critique sur les différents aspects de la vie, la pratique, l’expérience de Jacques Roumain. Pour chacune des stations de la sortie, unE encadreurE a servi de guide aux participantEs.

La visite a commencé avec un tour du Musée de la Canne à sucre, l’architecte Alex Duquella, le principal instigateur et concepteur de ce projet, a expliqué aux étudiantEs l’idée qui avait donné naissance à ce projet. Pour chaque pièce présentée, il a reconstitué pour les participantEs son rôle et son utilisation dans la production de la canne à sucre. Par la suite, toujours dans la matinée, après avoir présenté le colon Carradeux, personnage historique à la cruauté légendaire, la professeure Bayyinah Bello, qui s’est interrogée sur le sens profond du fait que différentes zones du pays continuent à porter le nom de ce personnage, a fait une présentation des rapports sociaux qui sous-tendaient la productivité de la canne à sucre à l’epoque coloniale.

Un peu plus tard dans la journée, ce fut au tour de Mme Marie Josée Nadal et de M. Antji Daniel Ouache de présenter aux étudiantEs les pièces de l’exposition permanente Taïno du Musée du Parc. Le programme de la journée – à la fois riche et diversifié – n’a pas manqué de tenir en haleine des étudiants et étudiantes vraiment désireux d’apprendre. À deux exceptions près (les Facultés de Droit et de Médecine), l’ensemble des entités de l’UEH était représenté. Les étudiants-étudiantes qui ont accordé un satisfecit au programme initié – convaincus qu’il témoignait d’une volonté de rupture, d’un nouvel esprit et du souci d’apporter du sang neuf dans ce qui se fait dans les milieux universitaires haïtiens – ont pris l’engagement de relayer cette approche dans leurs entités respectives.

De l’avis de ceux qui y ont pris part, cette activité a été une réussite. De l’avis de tous (étudiants et encadreurs), il était grand temps que le Rectorat en tant qu’administration centrale de l’UEH prenne ces genres d’inititaive afin de donner une tonalité d’ensemble à ce qui se fait dans les différentes entités. Malgré les résistances, les grognes et la mauvaise foi généralement caractéristiques des dirigeants qui aspirent toujours à ce que rien ne change, il est intéressant de constater que le Rectorat de l’UEH veut s’inscrire en porte à faux a cette logique. Cette dynamique traduit le désir d’installer l’UEH dans une logique de rupture avec l’esprit de clan, de chapelle et de famille qui, jusqu’à date, domine dans les différentes entités.

« Si l’université veut servir de modèle à la société, a lancé entendre une étudiante, il est clair qu’elle ne saurait fonctionner selon les mêmes pratiques retrogrades et traditionnelles de celle-ci. » L’université d’État d’Haïti doit être plus agressive. Elle doit rompre avec cette démarche tiède qui la caractérise généralement. Elle doit servir d’avant-garde. Et dans une telle dynamique, les jeunes qui incarnent sans aucun doute le nouvel esprit et le sang neuf représentent la jeune garde de cette université consciente de son rôle, de sa tâche et de ses responsabilités. En écoutant cette étudiante, on n’a pas pu s’empêcher de penser que le sens d’une partie de la leçon de Jacques Roumain était sur le point d’être saisi.

Par la voix de MM. Wilson Dorlus et James Darbouze, qui représentaient le RUEH à cette sortie, il a été rappelé aux étudiants- étudiantes que le Rectorat ne saurait rester à ce coup d’essai qui, même s’il s’est révélé en définitive un coup de maître, ne saurait à lui seul servir de preuves concluantes.