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Haïti : Améliorer les méthodes de production paysanne par des moyens alternatifs

Par Menno Ernst

Traduit en Français par Pierre Ernst

Gressier (Haïti), 13 juin 07 [AlterPresse] --- Sur un terrain vallonné d’une étendue de plus de 8 ha, est établie, depuis la fin des années 1970, à Ti Boukan, localité de Gressier (à une trentaine de kilomètres au sud de Port-au-Prince), une ferme-pilote sous les auspices de l’organisation non gouvernementale dénommée Institut de technologie et d’animation (Iteca) (1), relève l’agence en ligne AlterPresse au cours d’une visite sur les lieux.

L’objectif de la production à la ferme-pilote de Ti Boukan n’est pas, en première instance, de maximiser la production ou le bénéfice. Il s’agit, au contraire, d’explorer les possibilités pour les petits paysans d’améliorer leurs méthodes de production de manière écologique et par l’utilisation de moyens alternatifs.

“L’institut espère ainsi stimuler la production nationale et réduire les importations de produits, dont dépend le pays actuellement”, confie un cadre à AlterPresse.

Aujourd’hui (mai 2007), quelques 600 poules pondeuses fournissent quotidiennement des oeufs à partir de l’aménagement de deux grandes volières adaptées.

“Trois fois par jour, nous faisons la tournée pour ramasser les oeufs pondus. Entre-temps, nous essayons de trouver les conditions optimales pour obtenir le rendement le plus élevé. L’important, c’est de n’utiliser que des moyens et des techniques, qui soient également accessibles au paysan commun, par exemple, et qui ne nécessitent ni l’électricité ni des aliments trop coûteux”, précise à AlterPresse le cadre interrogé.

Jusqu’à présent, le rendement, d’un pourcentage de 85%, est très satisfaisant, puisque la ponte journalière moyenne par poule est d’un peu moins d’un oeuf.

Les oeufs sont vendus à la ferme-pilote de Ti Boukan, même à des prix plus ou moins équivalents à ceux du marché, ce qui correspond avec la philosophie de la ferme désireuse, dans la mesure du possible, de satisfaire à ses propres besoins, sans dépendre de l’aide externe.

Recherche de solutions alternatives

Bien que le projet donne pour le moment de bons résultats, des problèmes restent encore à résoudre.

Le stockage des oeufs présente des difficultés, puisqu’il n’est pas évident de prévoir des chambres froides. De plus, le prix des aliments pour volailles est encore trop élevé, pour que la production des oeufs soit rentable.

Il y a donc lieu de trouver d’autres solutions. Cultiver soi-même du maïs pour nourrir les volailles serait peut-être une issue.

Opportunités de la ferme de Ti Boukan pour les paysans

En dehors des poules pondeuses, la ferme-pilote de Ti Boukan possède des porcs d’élevage. Les porcelets sont offerts en vente aux paysans des environs à des prix démocratiques.

Sur le site de la ferme de l’ITECA, au Ti Boukan, on trouve également un centre de formation équipé de bureaux, d’un studio d’enregistrement audio, d’une bibliothèque et de locaux pouvant héberger une bonne centaine de personnes. (2)

En dehors de demandes spécifiques de location d’autres organisations, l’Iteca y organise également des sessions de formation soit tout seul, soit en collaboration avec d’autres organismes.

L’accent est mis explicitement sur les formations concrètes et à la portée de toutes et tous, insistant sur la collaboration avec les paysans sur le terrain et axées sur la technologie et l’animation. Pendant que le secteur de l’animation cherche à stimuler une nouvelle dynamique chez les groupements paysans, celui de la technologie promeut la diffusion de nouvelles techniques agricoles adaptées développant de la sorte des stratégies locales de survie.

Conditions d’éligibilité aux sessions de formation

Face aux difficultés d’offrir une formation à tous les paysans directement, l’Iteca réalise des prospections par région en sélectionnant des personnes jugées capables et intéressées à participer. Les formations sont gratuites, logement et repas à la ferme compris.

La participation est toutefois soumise à des conditions strictes : d’une part, pour des raisons pratiques, il faut savoir lire et écrire, et, d’autre part, il faut être motivé et s’engager à transmettre les connaissances acquises aux autres. De la sorte, l’institut espère élargir la portée des formations.

Lors des émissions des radios locales, celles et ceux qui ont suivi une session sont parfois invités à venir raconter leurs expériences et communiquer leurs connaissances nouvellement acquises, ce qui permet d’atteindre un public plus large.

A noter que la sélection des candidates et candidats aux sessions de formation se fait en grande partie par les organisations paysannes partenaires. A date, il reste très difficile de mobiliser des gens qui ne sont pas membres de ces organisations.

Perspectives d’agrandissement de la ferme-pilote de Ti Boukan

D’importants travaux d’agrandissement de la ferme sont en cours en juin 2007, dont la construction d’une boulangerie, d’un reservoir pour l’épuration des eaux, d’un atelier pour la fabrication de réchauds au kérosène, cette dernière initiative devant offrir une alternative écologique au bois comme source d’énergie pour la préparation des repas.

Malgré des efforts pour se procurer des revenus propres de différentes manières, l’Iteca continue à dépendre de l’aide des donateurs, en majorité de l’Europe.

Broederlijk Delen a mis un coopérant belge à la disposition de l’institut, en l’occurrence un ingénieur agronome, Dirk Wils, qui gère la ferme, en étant présent sur place quelques jours par semaine pour apporter des conseils techniques et assister à l’exécution des tâches journalières. Cependant, l’Iteca souhaite, à terme, trouver un ingénieur-agronome haïtien, qui résiderait en permanence à la ferme et s’occuperait de la gestion journalière.

Le personnel de la ferme-pilote de Ti Boukan à Gressier est constitué de gardiens, de cuisinières et de personnes préposées aux soins journaliers des animaux.

La ferme génère de l’emploi dans les environs en engageant régulièrement des ouvriers journaliers pour de petits boulots sur le site et aux alentours, ce pour un salaire de 150 gourdes par jour, soit 3 euros.

Partenariat institutionnel local

En dehors de l’aide des donateurs, l’Iteca peut compter avec la collaboration de quelques organisations haïtiennes actives dans plus ou moins les mêmes domaines.

L’Iteca, la Sosyete animasyon kominikasyon sosyal (Saks), l’Institut culturel Karl Lévêque (Ickl) et la Plate-forme de développement intégré (PDI) forment ensemble une coupole, les “Quatre Instituts”, qui coopèrent dans la mise en œuvre de certaines activités.

De l’extérieur, il n’est pas évident de trouver des informations sur le fonctionnement de l’Iteca, puisque l’organisation ne dispose pas d’un propre site Internet. Son groupe cible – les paysans haïtiens – n’utilise quasiment pas ce média, d’où le besoin de créer un site n’est pas ressenti comme une priorité.

Pour la diffusion des informations parmi les paysans, l’institut fait souvent appel au réseau d’information informel, élaboré au fil des années. La distribution de courriers, notamment pour l’annonce des sessions de formation, passe généralement par l’intermédiaire de personnes de contact, qui vont les remettre personnellement aux destinataires.

Chaque année, l’Iteca publie un agenda, reprenant les dates d’importance pour les organisations paysannes ainsi que les dates auxquelles l’Iteca prévoit des activités spéciales.

Ces calendriers, au nombre de 6000, sont distribués gratuitement parmi les paysans et ont un succès certain, surtout qu’ils figurent parmi les rares calendriers à être publiés en kreyòl ayisyen. [me rc apr 13/06/2007 8:00]

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(1) Créé en 1978 par des religieux et des professionnels haïtiens, l’Institut de technologie et d’animation (Iteca) a évolué au point de devenir, en 2007, une organisation indépendante se consacrant à l’amélioration des conditions de vie et des possibilités de production des paysans haïtiens.

D’une part, l’Iteca s’est specialisé dans le perfectionnement de la technologie et des techniques agricoles. D’autre part, l’institut entend renforcer sa structure organisationnelle par l’animation et la formation.

Sur le plan de la technologie, l’intérêt est porté principalement sur les ressources naturelles et l’environnement, l’agriculture et la production animale, ainsi que le stockage et la transformation des produits agricoles.

Le volet animation et formation vise les capacités organisationnelles et le renforcement structurel des groupements de paysans et les techniques d’animation.

L’Iteca est actif dans 16 zones à travers le pays, où il collabore avec les groupements de paysans locaux. Le but poursuivi consiste à collaborer au renforcement et au développement socio-économique des organisations paysannes, en tenant compte particulièrement de la réalité de leurs communautés.

(2) Peu après la fondation, à la fin des années 1970, l’administration centrale de l’ITECA avait son siège à Ti Boukan, mais, en raison notamment de la croissance explosive de Port-au-Prince et des problèmes de circulation qui en résultent, le gros du travail administratif se fait actuellement au siège social au centre ville.