« Ces assassinats et exils forcés constituent une menace à la sécurité et à l’existence même de la République d’Haïti ».
Par J. Marcel- SaintLouis DeMertine
Soumis à AlterPresse le 4 juin 2007
La disparition de François Latour me renvoie à Aix-en-Provence ou j’étais le 6 Juin 1994, au moment de la commémoration du cinquantième anniversaire du débarquement des alliés en Normandie, quand j’ai appris à la radio que Toto Bissainthe s’était éteinte. Puisque je l’avais rencontrée brièvement au festival de Cannes au moment de la présentation en compétition de « l ’homme sur les quais » de Raoul Peck, j’étais très touché par sa disparition. Lors, j’ai ressenti le mistral qui soufflait à Aix jusqu’à mes os tropicaux. J’ai pensé qu’elle n’a pas pu revoir notre pays dans l’état prospère qu’elle, sûrement, le souhaitait.
J’étais envahi d’émotions liées aux problèmes du pays et de nos concitoyens « exilés », exilés pour des raisons économiques et politiques, exilés à cause d’un coup d’état permanent qui date de plus de 200 ans, à cause d’une instabilité chronique et d’une déstabilisation permanente.
Aujourd’hui, la nouvelle de l’assassinat de François Latour me fait sentir ce mistral jusqu’aux os, encore une fois malgré la chaleur de Mai.
J’avais découvert ses grands talents de comédien sur le grand écran à Cannes. Je me demande, encore une fois, comment nous allons pouvoir reproduire ce grand citoyen et d’autres disparus, porteurs d’une certaine mémoire de notre pays, de notre société ; une mémoire indispensable à la formation et à la conscientisation de nos jeunes pour le changement, le progrès, et l’existence du pays dans le sens républicain.
Cette perte tragique pour la famille Latour est d’autant plus pénible pour Haïti.
En hommage à François Latour et à ceux disparus récemment, avalés par des requins en pleine mer, je n’hésite pas à rappeler qu’Haïti est en train de perdre son identité, d’être diluée de sa substance, à cause de la disparition de sa population, de ses élites comprises. Certaines disparues à une date prématurée, à cause des assassinats pour toutes sortes de raisons, à cause d’une émigration obligée, à cause de la fuite de ses cerveaux.
Ces assassinats et exils forcés constituent une menace à la sécurité et à l’existence même de la République d’Haïti.
Il faut que partir ne soit plus le premier choix de « carrière » de notre population.
Il est de notre devoir de remettre les filles et fils du pays, au sol national et à l’étranger, au travail pour la sauvegarde de notre chère Haïti, pour notre République, pour une nouvelle République.
Notre sol est riche, nos eaux territoriales sont riches, nos concitoyens sont intelligents.
En fin de compte, Haïti n’est pas un pauvre pays.
J. Marcel- SaintLouis DeMertine
servimedhaiti@aol.com