P-au-P., 17 juil. 03 [AlterPresse] --- Un incendie a ravagé dans la nuit du 16 au 17 juillet des espaces de marché au bas de la capitale laissant des centaines de commerçants sans ressources, a constaté un reporter d’AlterPresse.
Les marchés touchés sont ceux du port et de la Croix des Bossales, ou des tonnes de produits manufacturés, en particulier textiles et cosmétiques, ont disparu en fumée. Aucun mort n’est cependant à déplorer.
L’évaluation des pertes n’a pu encore être effectuée, mais le niveau de désolation constaté sur le terrain laisse imaginer l’ampleur des dégâts. Partout, des pleurs et des appels au secours. Ici, des commerçants qui avaient planqué la recette de la veille dans leur « shop » (boutique) par peur de se faire dévaliser. Là , d’autres commerçants qui venaient juste d’investir des prêts obtenus a fort taux d’intérêt (appelé communément coup de poignard). « Aujourd’hui même je devais payer au bureau », a dit une femme à AlterPresse, exhibant ses documents de crédit.
Femmes et hommes levent les bras vers le ciel, laissant couler de grosses larmes et égrenant aux journalistes leurs lourdes responsabilités familiales qui reposent uniquement sur leurs activités commerciales. Un père de famille s’effondre sous le poids de l’émotion et est tenu à bout de bras par sa compagne.
Malgré le développement de nouveaux centres commerciaux à travers la zone métropolitaine de Port-au-Prince, en matière d’échanges, le bas de la ville demeure une zone stratégique avec des transactions s’élevant, suivant les estimations, à plusieurs centaines de milliers de Gourdes par jour.
Une observatrice avertie n’a pas hésité à comparer l’incendie de la nuit dernière à la catastrophe des fonds pyramidaux, appelés « coopératives », qui a fait perdre l’année dernière plus de 250 millions de Dollars à des milliers de sociétaires.
La thèse d’un acte criminel est privilégiée par la police. Le Directeur Central de la Police Judiciaire (DCPJ), Jude Perrin, a présenté comme une « hypothèse sérieuse », l’éventualité de « représailles » de la part de partisans de Judy Roi, militante de l’opposition au régime lavalas, qui a été récemment arrêtée.
A ce propos, les organismes de défense des droits humains expriment de vives inquiétudes. Dans une lettre adressée ce 17 juillet au Commissaire du Gouvernement, Me Josué Pierre Louis, La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR) et la Plate-Forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH), déclarent qu’elles sont « profondément bouleversées par des informations des plus inquiétantes relatives à l’arrestation, les conditions inhumaines de détention et les actes de torture perpétrés sur la personne de la dame Judith ROI et sur deux de ses plus proches partisans ».
Le Premier Ministre Yvon Neptune, qui s’est rendu sur les lieux de l’incendie, a fait savoir que seule une enquête permettra de déterminer l’origine du sinistre.
Le Directeur du marché de la Croix des Bossales, Sony Orélien s’est montré prudent. Il a fait état de témoignages selon lesquels une explosion aurait précédé le drame. Il a rappelé qu’un incendie avait déjà éclaté le 10 juillet au marché. Peu auparavant, a-t-il souligné, des coups de feu avaient été entendus.
Le président Jean-Bertrand Aristide a reçu au palais national des centaines de commerçants victimes et leur a annoncé que des dispositions ont été prises pour leur venir en aide, notamment en matière de « crédit à taux préférentiel ». Il leur a assuré également que des mesures seront prises pour permettre une « rentrée spéciale » (des classes) en faveur des enfants de ces pères et mères de famille.
Le contrôle des marchés s’est révélé a plusieurs reprises un enjeu de taille suscitant des affrontements entre bandes rivales au bas de la ville, particulièrement dans le quartier de la saline où se situent les espaces de marché incendiés. [gp apr 17/07/2003 23:00]