NDLR : Le texte qui suit est un résumé de l’exposé par la coordonnatrice du Groupe haïtien d’appui aux réfugiés et rapatriés (Garr) à l’occasion du colloque « Sang, Sucre et Sueur », qui se tient du 15 mai au 15 juin 2007 à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris (France) par l’association « Collectif 2004 Images », dans le cadre de l’exposition « Esclaves au Paradis ».
Par Colette Lespinasse
Soumis à AlterPresse le 17 mai 2007
La migration haitienne vers la République Dominicaine remonte aux années 1915-1920, avec l’intensification de la production sucrière dans ce pays. Pendant plus de trois quarts de siècle, chaque année, sur la base de contrats d’embauchage signés entre les deux pays, plus de 20,000 personnes, en majorité des hommes, ont été embauchés pour la coupe de la canne-à-sucre.
Aujourd’hui, la migration haitienne vers la République Dominicaine s’est diversifiée et a tendance à se féminiser. Les travailleurs et travailleuses se retrouvent dans différentes sphères de l’économie (agriculture, construction, tourisme, petit commerce).
Cette économie, qui a connu un fort taux de croissance ces dix dernières années (en moyenne 7% / an), ne cesse d’attirer les Haïtiens en quête d’emplois et de sécurité en raison de la situation socio-politique et économique de leur pays. On estime à environ 800,000 le nombre d’Haïtiens qui vivent en République Dominicaine.
L’exploitation à outrance de ces travailleurs et leur maintien dans l’illégalité fait partie d’une stratégie d’utilisation de main d’œuvre « à bon marché » pour la maximisation des profits et l’affichage d’une meilleure compétitivité.
Les conditions d’embauchage et les mauvais traitements accordés aux travailleurs migrants haïtiens en République Dominicaine ont fait l’objet de nombreuses dénonciations, rapports de la part d’organisations de droits humains tant au niveau national qu’international. Des organisations, telles que l’Organisation internationale du travail (OIT), la commission interaméricaine des droits humains (CIDH), Amnesty International, etc., ont dénoncé cet état de fait.
Le recyclage de cette main d’œuvre recrutée sans papier s’effectue à travers des rapatriements quotidiens et collectifs au mépris des normes internationales.
Pour l’année 2006, plus de 20,000 immigrants ont été ainsi expulsés, tandis que des milliers d’autres sont embauchés clandestinement. Parmi les rapatriés, certains sont établis dans ce pays depuis plus de 10 ans ou y ont pris naissance. Les cas de séparation de familles et de mauvais traitements sont courants lors de ces rapatriements.
Ces travailleurs migrants font également face à une grande marginalisation. L’accès à la nationalité est refusé à leurs progénitures sous prétexte que leurs parents sont des « sans papier ».
Des enfants de plusieurs générations sont ainsi privés de tous les droits, y compris de celui à l’éducation et à la santé.
Les bateyes, communautés habitées en grande partie par ces immigrants et leurs familles, sont connus comme étant les zones les plus pauvres de la République Dominicaine.
La migration haïtienne vers ce pays a toujours été utilisée à des fins politiques. Elle est assimilée par certains secteurs à une forme d’invasion pacifique. Cette interprétation entretient un anti-haitianisme et rend difficile la recherche de solutions aux problèmes issus de cette migration.
Quelles perspectives ?
L’amélioration des conditions de vie des immigrants haïtiens en République Dominicaine passe par une reconnaissance de l’apport des Haïtiens au développement économique de ce pays, par la cessation des rapatriements arbitraires et l’adoption de mesures pour la régularisation des immigrants de longue date, la régularisation des processus de recrutement et la reconnaissance de la nationalité dominicaine aux descendants des haïtiens nés dans ce pays.
Tous ces points devraient faire l’objet d’un accord global entre les deux pays, dans la perspective de création d’un climat plus propice à de meilleures relations et à la collaboration.