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Haïti – R.Dominicaine : Harmoniser les relations

En marge de la deuxième conférence internationale du dialogue haïtiano-dominicain des églises

Côte des Arcadins (Haïti), 7 Mai 07 [AlterPresse] --- L’amélioration des relations entre Haïti et la République Dominicaine est indispensable à l’instauration de la paix et au développement économique et social de l’île : c’est le constat fait par les participantes et participants à la deuxième conférence internationale du « Dialogue haïtiano-dominicain des églises (Dhde), déroulée sur la côte des Arcadins (nord de Port-au-Prince), du 2 au 5 mai 2007, suivant les différentes prises de position rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

Du début à la fin de ces assises, les intervenantes et intervenants, ayant pris la parole sur des thèmes exclusivement liés à l’environnement, ont toutes et tous appelé à une meilleure harmonisation dans les relations existant entre les deux Républiques.

Etat des lieux des relations haïtiano-dominicaines en 2007

Le thème de la conférence était : « Pour un environnement favorable à la paix sur l’île ».

Cependant, les organisateurs ont décidé de consacrer un panel à un Etat des lieux des relations haitiano-dominicaines. Colette Lespinasse du Groupe haïtien d’appui aux réfugiés et rapatriés (GARR) et la professeure María Virtudez Nuňez de l’université dominicaine catholique romaine Madre y Maestra étaient les deux principales intervenantes.

Tout en évoquant un ensemble d’éléments qui caractérisent les relations entre les deux pays, Colette Lespinasse souligne certains efforts qui sont déjà consentis dans divers secteurs, dont l’éducation, la santé et la police.

Une dynamique informelle s’installe au niveau de la frontière ; des milliers d’Haïtiens et Dominicains font le va-et-vient dans les marchés publics établis dans cette zone, les échanges commerciaux se sont intensifiés, relève la coordonnatrice du GARR, estimant qu’il y a une certaine prise de conscience qui commence par s’installer au niveau de l’île.

« Les membres du secteur informel ne participent pas dans les discussions. Ils sont des milliers et des milliers qui vivent, malheureusement, dans des conditions modestes », déplore Colette Lespinasse.

Sur le plan culturel, de nombreuses activités binationales ont été initiées : dont la prestation des groupes musicaux haïtiens en République Dominicaine, ainsi que l’organisation de la foire binationale écotouristique et de production, ajoute-t-elle.

Lespinasse rappelle que, pour les Haïtiens, la République Dominicaine constitue un pays très éloigné en raison du fait que les frais de voyage et de visa pour s’y rendre dépassent largement ceux d’autres pays européens ou latino-américains. Pourtant, Haïti est le deuxième partenaire commercial de la République Dominicaine.

De l’avis de Colette Lespinasse, une situation de refus de reconnaissance de l’autre se développe sur l’île.

« L’Haïtien paie beaucoup d’argent pour se rendre en République Dominicaine comme c’est le cas pour le Dominicain qui veut visiter Haïti. Cela ne dérange aucun des deux gouvernements », fait remarquer la dirigeante du GARR qui visite la République Dominicaine deux fois par mois.

La question migratoire ne figurait pas dans l’agenda de cette conférence internationale. Clément Joseph, Directeur exécutif haïtien du Dhde l’avait signalé peu avant l’ouverture des assises. Toutefois, Colette Lespinasse indique, dans son exposé, qu’une dimension politique est donnée à la question migratoire pendant que la dimension économique est jetée aux oubliettes.

Lespinasse insiste sur la situation des Dominicaines et Dominicains d’origine haïtienne, dont la militante de droits humains, Sonia Pierre faisant l’objet de persécutions de la part de certaines autorités dominicaines. La Junte centrale électorale (JCE) dominicaine, on se le rappelle, a même menacé de retirer la nationalité dominicaine de Sonia Pierre.

Le dossier des Dominicaines et Dominicains d’origine haïtienne préoccupe également la professeure d’université María Nuňez, qui pense que cette attaque envers la dirigeante du Mouvement des femmes dominico-haitiennes (MUDHA) a déjà soulevé et soulève encore des vagues de mécontentement.

« Sonia Pierre est une personne emblématique. De nombreuses voix s’élèvent pour la défendre de manière publique », affirme l’universitaire.

María Nuňez perçoit le développement d’un certain niveau de tolérance au sein de la société dominicaine, en vue de faire échec au discours idéologique dominant qui essaye de cacher les intérêts économiques et politiques.

« Le défi que la société doit relever c’est d’aider à l’amélioration des conditions de vie des migrants haïtiens pour pouvoir arriver à avoir une bonne relation entre les deux pays », pense la professeure d’universités en République Dominicaine, tout en considérant que la situation des ouvriers dominicains est aussi désastreuse dans les bateyes (les plantations de canne-à-sucre en territoire voisin).

Faisant état d’une volonté de recherche de solution, qui est en train de se manifester, Nuňez cite notamment les accords paraphés entre plusieurs secteurs, dont un concernant un modèle de financement pour mener des recherches ensemble dans le domaine de l’université. Des recherches sur les manuels d’histoire enseignée sont aussi à l’étude ainsi que des projets binationaux dans le domaine de la musique sont en train d’être exécutés.

La professeure Nuňez invite les autorités des deux pays à travailler pour renforcer la solidarité et l’amitié entre les deux peuples tout en admettant que le travail des Haïtiens dans les bateyes est très compliqué.

« Nous savons qu’ils font le travail que les Dominicains eux-mêmes ne veulent pas faire. Ils contribuent à l’enrichissement du pays d’accueil », reconnaît-elle.

Une commission mixte, mise en œuvre sous le premier mandat de Leonel Fernandez (République Dominicaine) et René Préval (Haïti), ne fonctionne plus depuis 10 ans.

Selon Colette Lespinasse, cette commission continue de marquer des pas sur place. Pour cela, les efforts de la société civile restent sans succès en raison de l’absence d’une instance gouvernementale capable d’en assurer le suivi. La dirigeante du GARR est d’avis que les autorités de l’île n’arrivent pas à comprendre à quel niveau les Dominicains et les Haïtiens dépendent l’un de l’autre.

« Pour un environnement favorable à la paix sur l’île » : Colette Lespinasse juge qu’« on ne peut pas parler de la régénération de l’environnement, de la protection de nos écosystèmes, sans penser aux paysans, aux travailleurs migrants ».

Pour survivre, soutient-elle, ces Haïtiens ont dû recourir aux ressources naturelles, à la coupe des arbres pour fabriquer le charbon de bois, lorsqu’ils sont rapatriés par l’immigration dominicaine.

« Expulsés les mains vides, ils sont obligés de s’adonner à la coupe des bois. L’aspect humain est primordial dans tout débat visant la protection de l’environnement », déclare la responsable du GARR qui estime que les ouvriers haïtiens représentent 90% de la main-d’œuvre dominicaine.

Après ce panel constitué de Colette Lespinasse et de María Nuňez, Dominicains et Haïtiens se sont réunis en ateliers, aux termes desquels un ensemble de propositions pour le futur de l’île est formulé.

L’ambiance, qui régnait à Kaliko Beach du 2 au 5 mai 2007, impressionne les nombreuses délégations.

« Dès mon enfance, on m’a appris à l’école toute les mauvaises choses d’Haïti. Je finis par découvrir aujourd’hui que c’était faux », dit une jeune Dominicaine de 21 ans.

Cette jeune fille pense que les problèmes qui existent entre les deux peuples doivent être résolus au niveau des gouvernements des deux Républiques.

A s’en tenir aux différents points de vue soulevés lors de cette deuxième conférence, les autorités compétentes devraient s’engager davantage dans la lutte pour l’amélioration des relations entre les deux pays qui se partagent l’île. [do apr 07/05/2007 9:45]

NB : Sur la photo logo, le directeur exécutif du Dhde, Clément Joseph (debout), en conversation avec son homologue dominicain, Lorenzo Mota King, et la sénateure haïtienne, Edmonde Suplice Beauzile