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Haïti-R. Dominicaine : Rapatriements, un sujet tabou pour les évêques et parlementaires de l’île ?

Par Lis Bell

Soumis à AlterPresse le 25 avril 2007

L’année 2007 nous a déjà offert deux documents traduisant respectivement la position officielle des Conférences Episcopales et des Parlements de l’île sur les relations haïtiano-dominicaines.

Le communiqué conjoint des évêques catholiques a été transmis à la Presse, le 17 avril écoulé à Port-au-Prince, alors que l’Accord de Collaboration conjointe des parlementaires est intervenu le 12 janvier à Santo Domingo. Des spécificités et similarités s’observent d’un texte à l’autre. Cependant, les évêques et parlementaires haïtiens et dominicains sont tous muets sur un point : les rapatriements d’Haïtiens de la République voisine.

Si le communiqué en 10 points des deux Conférences Episcopales et l’ Accord en 17 points des deux Parlements, font abstraction du dossier des rapatriés-es, les deux textes renseignent toutefois sur l’opinion des deux institutions par rapport à d’autres aspects de la migration.

D’un côté, les évêques catholiques indiquent que « dans leur mission prophétique, les deux Eglises éprouvent avec douleur et tristesse ces faits lamentables : abus, injustices, manipulation d’information, corruption à la frontière, trafic de personnes, de drogue et d’armes, actes de violence indésirables et la tendance à culpabiliser l’autre, personnes et institutions qui exploitent dans leur intérêt personnel la pauvreté des deux peuples » ; invitant « les autorités des deux Etats à mettre tout en œuvre, d’un côté, pour arrêter le flux migratoire, anarchique et illégal, d’autre part, à légiférer sans ambiguité dans le respect des droits humains, de manière que soit respecté le droit de chaque personne à avoir un nom et une nationalité ».

Les parlementaires, de leur côté, plaident « pour la création de lois et régulations du flux migratoire avec la République Dominicaine et la République d’Haïti, de manière que ce flux se convertisse en un facteur qui facilite le développement réel des deux nations-sœurs ».

Ce silence des Conférences Episcopales et des Parlements de l’île sur les rapatriements contraste avec le flux d’informations diffusées dans la Presse à ce sujet. Sans oublier les multiples déclarations des autorités dominicaines, notamment du président Fernandez.

Certes, les rafles, arrestations, et emprisonnements d’Haïtiens suivis de reconduites intempestives à la frontière sont un spectacle quotidien. Pourtant, les évêques comme les parlementaires, se refusent à évoquer cette situation dans leurs documents de position. Faut-il souligner que le communiqué conjoint des Conférences Episcopales précise que l’ Eglise catholique est bien présente à la frontière, « à travers la Caritas, du côté haïtien et l’organisme Pro frontera du côté dominicain ».

Rappelons que, de 2003 à date, plus de 100 000 personnes y compris des Dominicains d’origine haïtienne, sont arrivées à la frontière, humiliées, et dans le plus complet dénuement.

Des organismes de droits humains ont relevé plusieurs cas de violations au cours de ces rapatriements, notamment, les violences physiques, les mauvaises conditions de détention, les violences faites aux femmes, la perte de biens meubles et immeubles, la non-réception de salaires, la privation du droit de prouver son statut légal, la confiscation de documents d’identité, la séparation des familles, sans oublier le caractère massif de ces opérations.

Les rapatriements de personnes effectués par la République Dominicaine, se présentent donc, comme une atteinte à la dignité humaine. Comment expliquer que de hauts responsables religieux et politiques s’interdisent de soulever la question dans leurs prises de positions publiques et en font un sujet tabou ?