P-au-P, 24 Avril 07 [AlterPresse] --- Les conditions de détention au Pénitencier
national, la plus grande prison civile de Port-au-Prince, continuent de susciter la préoccupation des organismes de défense des droits humains, dont la
Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) de l’Organisation des États
Américains (OEA).
« Le Pénitencier national, construit pour un maximum de 800 personnes, loge actuellement plus de 2500 détenus dont 2418 attendent toujours d’être jugés »,
relève la CIDH au terme d’une récente visite dans la capitale haïtienne.
Cette visite d’une semaine visait à obtenir des informations sur la situation des
droits humains en Haïti, et en particulier, observer les derniers développements
dans l’administration judiciaire haïtienne.
Selon la CIDH, les conditions précaires de détention à la prison civile de
Port-au-Prince constituent une violation flagrante du code criminel haïtien et des
conventions internationales relatives aux droits de la personne.
En dépit du fait que cette prise de position de la CIDH soit considérée comme « une simple formalité diplomatique » par le directeur du Centre Oeucuménique des Droits Humains, Jean-Claude Bajeux, ce dernier estime que les observations de l’organisme interaméricain « reflètent les préoccupations exprimées » lors des réunions avec les secteurs de droits humains haitiens.
Les conditions des prisons en Haiti constituent “une honte”, s’indigne Jean-Claude Bajeux, qui s’est confié à AlterPresse. Il invite à mobiliser des ressources pour permettre un meilleur fonctionnement de l’appareil judiciaire et suggère la mise en place d’ « au moins 40 bureaux » à travers le pays afin de traiter des centaines de cas de détention en attente de jugement.
La CIDH presse l’Etat haïtien de prendre des mesures urgentes et concertées
pour remédier à cette situation en révisant notamment les casiers judiciaires de
la population carcérale dans le but de faire une évaluation des dossiers.
La CIDH se déclare également préoccupée par la difficile condition de détention
des enfants et demande aux autorités concernées de prendre des mesures promptes et
adéquates pour redresser la situation.
« Des garçons et filles de près de 10 ans sont détenus dans des prisons au lieu
d’être placés dans un centre de réhabilitation prévu à cet effet, le Centre
d’accueil, qui actuellement n’est pas fonctionnel », dénonce l’organisme.
D’autre part, les informations reçues par la commission révèlent une forte discrimination dans la société haïtienne, notamment à l’égard des femmes et enfants, souligne la CIDH.
« Cette discrimination est présente à tous les niveaux de la vie publique et
privée et affecte les femmes et enfants en leur privant l’accès aux services de
base tels que l’éducation, les soins de santé, ainsi qu’une égale participation
aux activités politiques », précise la commission.
Carole Jacob de l’organisation feministe Solidarité des Femmes Haitiennes (SOFA) approuve les observations de la CIDH qu’elle qualifie d’ « importantes ». En dépit de quelques progrès, la situation des droits de la femme demeure « préoccupante » en Haiti, souligne-t-elle dans un entretien téléphonique avec AlterPresse.
La dirigeante de la SOFA espère que la prise de position de la CIDH « aura des impacts positifs sur Haïti et sur le gouvernement » et « mettra sur la table la nécessité pour le gouvernement de mettre en application les conventions internationales ratifiées par Haiti.
La délégation de la Commission interaméricaine des droits humains, conduite par le
Rapporteur pour Haïti, Clare K. Roberts, a séjourné dans le pays du 16 au 20 avril
2007.
Par ailleurs, les membres de ladite délégation disent noter des efforts
significatifs en terme de sécurité et du renforcement de l’état de droit en Haïti.
La CIDH signale aussi la nécessité urgente de fournir des services de base à la population, condition indispensable pour que chacun puisse jouir de ses droits civiques, politiques, sociaux et économiques. [do gp apr 24/04/2007 12:20]