Note de presse
11 Juillet 2003
Tôt dans la matinée du jeudi 10 Juillet 2003 Vàctor Gerónimo a été enlevé de sa résidence par des agents de la Police secrète dominicaine qui avaient investi l’ensemble du quartier et fouillé son domicile. Les policiers sont partis avec des documents de propagande du Colectivo de organizaciones populares et ont séquestré son cellulaire.
Cette arrestation, qui a été perpétrée sans mandat judiciaire dans des conditions inacceptables, survient dans une conjoncture bouleversée. Le lundi 30 Juin le mouvement populaire et social a organisé une grande marche de protestation contre le FMI et la politique du Gouvernement Mejia. Cette marche qui avait rassemblé une quantité importante de manifestants, quelques uns juchés sur des ânes et arborant des chaudières vides, a été sauvagement réprimée par la Police qui a tiré à hauteur d’homme sur la foule et dispersé violemment les manifestants. Ces actions condamnables des policiers dominicains entrent dans un climat de répression généralisée contre la population et les quartiers populaires urbains qui n’a cessé de s’accentuer au cours des derniers mois. Au cours des dernières semaines on a enregistré l’assassinat de nombreux dirigeants populaires exécutés par les agents du pouvoir.
Cette arrestation illégale et arbitraire intervient dans un contexte politique et social particulièrement troublé. En effet depuis l’explosion des prix des combustibles survenus au cours du mois de décembre 2002 et la faillite d’une des plus importantes entreprises financière du pays, la BANINTER, la République Dominicaine est plongée dans une sévère crise sociale et politique aux dimensions multiples.
Une accélération inédite des prix des produits de première nécessité et un effondrement de la valeur du peso qui est passée en quelques mois de 14 pesos pour un dollar à 36 pesos aujourd’hui affectant directement le niveau de vie et le pouvoir d’achat de la population mais surtout des couches pauvres. Une détérioration significative de l’emploi et l’effondrement de pans entiers de l’économie dominicaine comme conséquence des politiques néolibérales en vigueur. Les coupures d’électricité se généralisent. Les services sociaux de base ne sont pas fournis à la population. Enfin la faillite du groupe financier Baninter met en évidence le caractère immoral des méthodes de gestion des affaires pratiquées par les groupes dominants en République Dominicaine, l’étendue de la corruption qui affecte la classe politique, la presse et une grande partie des élites du pays. Le trou financier provoqué par ces pratiques scandaleuses met en péril la fonctionnalité du système financier du pays. Face à cette situation catastrophique le Gouvernement de Hippolito Mejia a choisi une course irresponsable vers l’endettement du pays. La dette externe de la République Dominicaine a plus que doublé au cours des dernières années dépassant le seuil des 6 milliards de dollars US. En plus un plan de sauvetage est en train d’être signé avec le FMI qui s’engage à fournir sous forme de prêt 1 milliard de dollars US pour aider l’administration Mejia a épongé le gouffre financier provoqué par l’affaire Baninter. Comme toujours cet accord avec la FMI est assorti d’un ensemble de conditions très sévères visant à approfondir l’orientation libérale de l’économie, réduire les budgets sociaux et accélérer la privatisation de ce qui reste dans le secteur public. L’accord du FMI cherche aussi à faire en sorte que, à travers la privatisation des actifs publics et l’augmentation des impôts, ce soient les secteurs les plus pauvres qui paient la lourde facture des vols du groupe Baninter.
Dans ce contexte de crise profonde le secteur populaire dominicain entreprend des actions de protestation depuis de longs mois dans une perspective d’articulation unitaire en défense des revendications centrales des classes populaires qui doivent affronter cette guerre sans merci contre les pauvres. Une unité d’action se dégage avec des actions de protestation sur l’ensemble du territoire national et avec la constitution des secteurs populaires en réseaux de protestation et d’élaboration de propositions alternatives. Le Colectivo de organizaciones populares coordonné par Victor Gerónimo aux côtés d’autres réseaux joue un rôle clé dans ce processus de renforcement des capacités d’action et de proposition des secteurs populaires dominicains.
L’arrestation arbitraire et illégale de Victor Gerónimo intervient dans un contexte de répression visant à étouffer la montée de la colère du mouvement social contre la corruption et la violence économique et politique grandissante contre les masses. Elle vise à intimider et cherche à freiner la détermination des organisations dominicaines qui ont compris que le chemin de la mobilisation doit se maintenir et s’approfondir dans ce contexte de crise. Victor Gerónimo est le coordonnateur de la COMPA au niveau hémisphérique et il est aussi membre du Comité Exécutif Régional chargé de l’organisation de la Troisième Assemblée des Peuples de la Caraïbe qui aura lieu au Cap haïtien du 19 au 24 août prochain. Victor Gerónimo est un important animateur des mouvements sociaux du continent et de la Caraïbe. Il a toujours été disponible pour animer les processus de convergence et de construction régionale et est un chaud partisan du rapprochement fraternel entre les Peuples haïtien et dominicain.
Nous exprimons notre indignation face à cet acte de violation des droits de la personne perpétré par le Gouvernement dominicain.
Nous dénonçons avec force cette violation et demandons à tous les organismes de défense des droits de la personne au niveau continental, caraïbe d’intervenir rapidement pour exiger la libération immédiate de Victor Bienvenido Gerónimo.
Nous demandons la formation immédiate d’un Commission d’enquête indépendante qui doit faire la lumière sur la vague de répression sauvage qui s’abat sur les secteurs populaires dominicains depuis quelques mois, établir clairement une liste de fonctionnaires responsable de ces violations qui doivent être appréhendés et traduits par devant les Tribunaux.
Nous exigeons l’arrestation des fonctionnaires de la Police dominicaine qui sont à la base de l’arrestation de Vàctor Gerónimo.
Les autorités dominicaines doivent établir un climat de respect des droits fondamentaux et des libertés publiques essentiel à la vie démocratique. Il est inacceptable qu’un dirigeant comme Victor Gerónimo soit emprisonné pour ses opinions et parce qu’il participe à des mobilisations contre un accord signé avec le FMI.
Les organisations dominicaines doivent jouir d’un espace de sécurité pour pouvoir diffuser leurs idées et être en mesure de développer des actions de revendications et de mobilisation en relation avec leur vision.
Nous demandons à toutes les organisations haïtiennes de se mobiliser pour exiger la libération immédiate de Victor :
• En faisant parvenir des fax et des messages électroniques de protestation au Bureau de la Présidence (prensa@presidencia.gov.do) et à la Police dominicaines (www.policia.gov.do)
• En faisant parvenir des notes de protestation à l’Ambassadeur de la République Dominicaine accrédité à Port-au-Prince. Références pour le Consulat Dominicain à P-au-P : 257-1208 / 256-3376 e-mail : sabdela2002@yahoo.com
• En alertant les divers réseaux mondiaux, continentaux et régionaux de défense des droits de la personne (Amnesty International, Pasalavoz, ALAI, Cour Interaméricaine des Droits Humains, Â…)
• En faisant des interventions dans la presse haïtienne et régionale (Télévision, Radios et journaux, Â…)
• En participant à un sit-in qui sera organisé lundi matin 14 Juillet 2003 devant les locaux de l’Ambassade et Consulat dominicain
• En manifestant une solidarité chaleureuse auprès des membres du Colectivo de organizaciones populares, de la COMPA, de la APC et auprès des proches parents de Vàctor.