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Haïti / Crise : " Ils préfèrent écouter des chimères à Washington "

P-au-P., 10 juil. 03 [AlterPresse] --- Si d’ici septembre, le gouvernement haïtien n’applique pas les points essentiels contenus dans la résolution 822 et ceux convenus avec la délégation internationale de haut rang ayant visité le pays, en mars 2003, l’Organisation des Etats Américains se devra de ré-évaluer son rôle en Haïti .

L’ambassadeur des Etats-Unis, Brian Dean Curran, a repris cette mise en garde du secrétaire d’Etat Colin Powell, lors d’un diner-forum organisé en son honneur, à l’occasion de son départ (du pays), par la Chambre de Commerce Américaine d’Haïti (AMCHAM), le 9 juillet, à Port-au-Prince. Ces recommandations concernent entre autres l’arrestation du puissant chef de groupe de Raboteau (Gonaïves), Amiot Métayer, la mise en place d’un nouveau leadership au sein de la Police Nationale et le lancement d’une campagne crédible de désarmement des escortes illégales et des bandes armées.

Le diplomate américain a exhorté l’opposition et la société civile à emboîter le pas sitôt que le gouvernement aura mis en oeuvre, de manière raisonnable, la feuille de route destinée à favoriser la création d’un climat de confiance propice à la tenue d’élections non frauduleuses. L’opposition et les secteurs de la société civile n’ont jusqu’à présent pas habilité leurs représentants à prêter serment au Conseil Electoral Provisoire, estimant que les conditions ne sont pas réunies.

Brian Dean Curran a, de façon shématique, résumé la position de Washington dans la crise politique haïtienne : L’acceptation du mandat présidentiel de Jean Bertrand Aristide jusqu’en 2006, la réprobation des élections (législatives et territoriales) frauduleuses du 21 mai 2000 et l’impérieuse nécessité de les rectifier, le ferme appui aux efforts de l’OEA et à la feuille de route que l’organisation hémisphérique a tracée, de concert avec Port-au-Prince, en vue de la normalisation des relations d’ Haïti avec les institutions financières internationales. « Ce qui est demandé, c’est ce que fait tout gouvernement décent », a renchéri le diplomate.

Sans citer les autorités lavalas, Brian Dean Curran a dénoncé les incohérences de certains qui, au lieu de l’écouter (« d’écouter un diplomate de carrière, chevronné »), préfèrent « écouter des amis propres à Washington » n’ayant aucune fonction dans l’Etat. « Ce sont des chimères à Washington ». Le régime lavalas a dépensé ces trois dernières années plusieurs millions de dollars dans le paiement de « lobbyist » aux Etats Unis pour améliorer son « image » et tenter d’infléchir la politique de l’administration Bush à l’égard d’Haïti. L’une des firmes grassement payées (pour son lobbying) n’est autre que celle dirigée par l’avocat du président Jean Bertrand Aristide, à Washington, Ira Kurzban. « J’espère qu’ils écouteront mon successeur », a martelé l’ambassadeur Curran.

A ceux-là qui pensent qu’une solution aurait dû être imposée par la communauté internationale, Brian Dean Curran a rappelé que la seule solution durable est haïtienne. En ce sens, il a estimé nécessaire et indispensable un grand compromis historique entre les différents acteurs politiques haïtiens et de la société civile pour déboucher sur une véritable réconciliation nationale. Nous sommes prêts à encourager toute initiative visant cette entente.

L’ambassadeur des Etats-Unis a par ailleurs exprimé ses vives préoccupations par rapport « aux ballons d’essai » lancés par le régime lavalas concernant un éventuel amendement de la constitution de 1987 qui symbolise une rupture avec des périodes cauchemardesques de l’histoire récente d’Haïti. Une allusion à la période des Duvalier. La matérialisation d’un tel projet par le régime en place entraînerait tout simplement la mise en question de sa légitimité, a ajouté Monsieur Curran.

Dans le même temps, l’ambassadeur des Etats Unis a mis en garde contre les penchants nostalgiques de certains qui pourraient les porter à appuyer l’ancien dictateur déchu, Jean Claude Duvalier. « Cherchez de préférence parmi vos professionnels qualifiés (formés dans les plus grandes universités américaines et européennes) pour faciliter l’émergence d’une nouvelle génération de politiques et « préparer un meilleur avenir pour votre pays », a lancé Brian Dean Curran à l’assistance.

Le diplomate américain a dit partager une récente prise de position de la hiérarchie catholique relative à l’existence d’une crise morale dans le pays.

Comment ne pas partager ce diagnostic quand un sénateur fait l’objet de vives critiques en raison de son appui à un responsable de police professionnel et honnête ? Comment ne pas parler de crise morale quand des parlementaires réclament l’arrestation d’un directeur de police ayant dû démissionner et prendre l’exil en protestation contre des interférences politiques dans le fonctionnement de l’institution policière ?

Comment ne pas partager le diagnostic de l’église catholique quand le trafic de drogue est toléré et les trafiquants vivent en toute sécurité, bien qu’ils soient connus de tous ?

M. Curran a mentionné dans ces interrogations le scandale des coopératives ayant ruiné de nombreuses familles haïtiennes, alors que les arnaqueurs circulent en toute impunité.

Concernant le fléau de la drogue, Brian Dean Curran a indiqué que les Etats Unis viennent de révoquer les visas de nouvelles figures de la drogue (des agents de la PNH, des hommes d’affaires). Le diplomate n’a toutefois pas cité de noms, précisant que la loi américaine le lui interdit. [vs apr 10/07/2003 11:40]