Par Abdou Diouf
Secrétaire général de la Francophonie
Soumis à AlterPresse le 17 mars 2007
Au moment où nous célébrons la Journée internationale de la Francophonie, nous avons toutes les raisons d’être fiers du rôle qu’a joué notre organisation dans l’adoption et la ratification de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, entrée en vigueur le 18 mars 2007. Nous avons en effet démontré à cette occasion que nous savions être une force de réflexion, une force de propositions, une force de persuasion. Et sur les cinquante Etats qui ont à ce jour procédé à la ratification, vingt-sept – soit plus de la moitié - sont des Etats francophones. Pourtant, la bataille est loin d’être gagnée. Nous devons plus que jamais nous mobiliser afin de peser de tout notre poids dans cette autre étape décisive que constitue la mise en œuvre de la Convention afin de passer du stade de la revendication légitime d’un droit à la diversité culturelle, à l’enracinement d’une culture de la diversité.
Peser de tout notre poids, c’est d’abord faire en sorte que les Etats parties à cette Convention soient encore plus nombreux au sein de notre communauté, et je forme le vœu, à cet égard, que la plupart de nos membres aient procédé à la ratification avant la tenue du Sommet de Québec en 2008. Mais nous devons, dans le même temps, nous attacher à convaincre, chacun dans nos aires géographiques respectives, les pays non francophones qui partagent nos préoccupations et nos convictions en la matière. Car de la reconnaissance, par le plus grand nombre, des principes juridiques et politiques affirmés par la Convention, dépendra sa crédibilité, tout comme l’effectivité et l’efficacité de son application. Peser de tout notre poids, c’est également se donner les moyens d’être équitablement représentés pour faire entendre notre voix au sein des organes chargés de la mise en œuvre, qu’il s’agisse de la Conférence des Parties ou du Comité intergouvernemental. Nous avons, j’en suis convaincu, une vision francophone partagée à faire prévaloir, au service de la coopération internationale, et singulièrement en faveur des pays du Sud. A cet effet, l’OIF s’est dotée d’un plan opérationnel qui nous permettra d’assurer au mieux le suivi institutionnel dans les enceintes de l’Unesco, en organisant une réflexion approfondie, en favorisant les échanges d’expertise entre nos membres, en offrant l’information nécessaire, ainsi qu’un appui juridique et technique sur certaines dispositions particulièrement importantes.
Mais nous sommes bien conscients qu’il nous faut, parallèlement, agir concrètement à l’intérieur de l’espace francophone, tant il est vrai que nous avons, plus que d’autres sans doute, vocation à illustrer la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, parce que notre communauté réunit tous les continents, tous les niveaux de développement. Elle fait coexister les cultures, les religions, la langue française et les langues nationales. Et de fait, la Francophonie a une longue tradition en matière de coopération culturelle. Il s’agit désormais d’explorer et de servir au mieux les perspectives et les avancées que nous autorise cette Convention.
Je pense, tout d’abord, à la nécessité de favoriser l’expression des cultures nationales dans le respect de leur diversité, de favoriser la circulation et la promotion des artistes, de leurs œuvres, de favoriser la mise en marché des produits culturels. Je pense, aussi, à la nécessité de développer un réseau d’industries culturelles. Car n’oublions pas – et certains ne l’oublient pas – que la culture n’est pas seulement création, qu’elle n’est pas seulement modes de vie, droits fondamentaux de l’être humain, valeurs, traditions, croyances, qu’elle n’est pas seulement l’expression d’une certaine représentation du monde, qu’elle n’est pas seulement vecteur d’identité et d’inter culturalité. Elle est également vecteur de dynamisme économique. Certains pays, nous le savons, tirent le plus grand profit de ce secteur, d’autres n’ont pas les moyens, malheureusement, de le valoriser alors qu’ils auraient beaucoup à offrir. La Francophonie est là pour les y aider, particulièrement dans les pays du Sud. Cela étant, si volontaire soit-elle dans ses programmes, la Francophonie ne saurait se substituer à la volonté claire qu’auront les Etats d’élaborer de véritables politiques culturelles à l’échelle nationale ou régionale, et de développer les industries dans ce domaine.
Nous devons plus que jamais unir nos forces, nos compétences, nos expertises, dans la concertation et le dialogue avec l’ensemble des acteurs, publics et privés, mais également avec les autres espaces culturels et linguistiques. Nous devons plus que jamais rester déterminés afin de construire, ensemble, ce beau dessein d’assumer l’intégralité de l’humain jusque dans ses divergences, de favoriser le besoin d’ouverture et d’enracinement de l’individu, de conjuguer harmonieusement aspiration à l’universel et diversité des peuples. Car, en dernier ressort, tel est l’enjeu majeur du combat en faveur de la diversité culturelle.