P-au-P., 6 mars. 07 [AlterPresse] --- Le président haïtien, René Garcia Préval, a rencontré, ces derniers jours, plusieurs secteurs de la vie nationale, en vue de discuter autour de la Constitution haïtienne qui aura 20 ans, le 29 mars 2007, apprend AlterPresse.
Parmi les secteurs rencontrés, figurent des parlementaires, des membres du système judiciaire, des partis politiques, des syndicats et du secteur des Droits Humains.
« Il y a vingt ans, le pays s’était donné un outil en vue de la construction d’une société démocratique. Le moment est venu d’entamer une réflexion afin d’envisager ou non une réforme de cette constitution », a déclaré en substance le président Préval, au début de la conversation avec les représentants des organisations de défense des droits humains réunies au Palais National, le vendredi 3 mars 2007, suivant un compte rendu fait à AlterPresse.
Lors de ces premiers entretiens, le président s’est fait accompagner du Professeur Claude Moise, à qui il a donné la responsabilité d’explorer les possibilités d’une révision constitutionnelle, indique la même source.
D’entrée de jeu, Claude Moise, auteur d’un ouvrage sur les Constitutions haïtiennes et d’une réflexion spécifique sur la Constitution de 1987, actuellement en vigueur, a présenté ce qu’il appelle le « dilemme constitutionnel haïtien ».
Selon lui, la Constitution de 1987 a accordé beaucoup d’importance aux droits de la personne, a créé de nouvelles institutions et a dilué les pouvoirs traditionnels de la Présidence. Cependant, a-t-il poursuivi, certaines réalités ont échappé aux constituants et certains articles posent problèmes dans leur formulation.
Selon le rapport fait à AlterPresse, Claude Moise a cité plusieurs exemples pour illustrer des contradictions, des flous, des manquements dans la Charte fondamentale haïtienne. Parmi ces manquements, la non prévision d’une cour constitutionnelle qui serait chargée d’interpréter la Constitution.
Il convient, selon le professeur Moise, de réfléchir de manière sereine, sur ce qu’il conviendrait de faire autour de la constitution de 1987, d’où sa participation à cette initiative de la présidence qui a bien voulu lancer le débat.
Suite à cet exposé, les représentants de différentes organisations de droits humains ont pris la parole pour exprimer leurs opinions sur le sujet. Tout en saluant la démarche du président, la majorité des intervenants ont fait une mise en garde contre des démarches d’amendement qui ne respecteraient pas le processus prévu par la loi mère.
« La Constitution de 1987 est comme un véhicule neuf qui n’a pas encore eu l’opportunité de brûler beaucoup de kilomètres pour faire la preuve de sa performance. Pourquoi ne commençons-nous pas d’abord à la respecter en mettant en place les institutions qu’elle prévoit et en les faisant fonctionner avant de penser à la changer », a déclaré un participant, dont les propos ont été rapportés à AlterPresse.
D’autres intervenants se sont interrogés sur le contexte de la démarche du président. D’autres encore ont fait valoir que les problèmes vécus par Haïti prennent leurs sources, non pas dans la Constitution, mais dans notre refus de rechercher un consensus pour vivre ensemble.
Tout en reconnaissant les imperfections de la Constitution de 1987, les intervenants et intervenantes à cette rencontre ont aussi fait une mise en garde contre tout amendement en dehors de la « souveraineté populaire ».
« La Constitution de 1987 a été votée dans un contexte bien particulier, après la chute d’une dictature de 30 ans. Il faudrait d’abord évaluer le contexte d’aujourd’hui, ensuite dresser une liste des articles qui font problème et justifier l’opportunité de les changer. Sur la base de cette liste, il faudrait ensuite rechercher un consensus national sur les changements à apporter. Les éléments de ce consensus devraient figurer dans une proposition d’amendements à soumettre au Parlement pour ratification à la dernière session de la présente législature, comme le prévoit la constitution », a proposé un autre intervenant.
Le président Préval a annoncé qu’il va créer une commission où tous les secteurs pourront faire part de leurs idées autour de la nécessité ou non d’amender la Constitution de 1987. Il en a profité pour annoncer la création prochaine d’un espace de consultation avec les organisations de Droits Humains autour de la réforme judiciaire et de la réforme administrative. [apr 06/03/2007 11:00]