Par Pierre-Richard Cajuste
Soumis à AlterPresse le 12 février 2007
La Chine est l’un des Etats membre fondateur de l’Organisation des Nations Unies depuis 1945. Elle fait partie des cinq grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale qui ont partagé le monde en zone d’influence (Traité de Yalta). Ils se sont attribués le « droit de veto » au Conseil de Sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande Bretagne, Russie). En 1949, le siège de la Chine à l’ONU est attribué au gouvernement nationaliste de Tchang Kaichek, réfugié à Taiwan, suite à la guerre civile opposant les communistes et les nationalistes. Cette situation a perduré jusqu’au 25 octobre 1971.
Le 26 octobre 1971, L’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la résolution 2758 expulsant Taiwan de l’ONU. Conséquemment à cette décision, la Chine communiste récupère son siège au sein de l’Organisation suite à l’adoption d’un vote favorable de l’Assemblée générale (76 voix pour, 35 contre et 17 abstentions). Depuis lors, la question de la représentation de la République de Chine (Taiwan) à l’ONU revient chaque année à l’ordre du jour de l’Assemblée générale. Mais cette demande a toujours été rejetée par la majorité des Etats membres qui considère la République populaire de Chine comme étant le représentant légitime de tous les chinois.
Haïti, depuis le 25 Avril 1956, entretient des relations diplomatiques privilégiées avec Taiwan. Jusqu’à date, ces relations entre Taiwan et Haïti n’étaient relativement l’objet de préoccupation pour Pékin. La longue crise politique haïtienne, et surtout la prise en charge par le Conseil de Sécurité du « Dossier Haïti » a changé la donne. Toutefois, dans le conflit Chine/Taiwan, Haïti s’est traditionnellement positionnée en faveur d’une solution pacifique et négociée, par la voie diplomatique entre les 2 frères de l’autre coté du Detroit de Formose.
Nouvelle poussée de la Chine populaire/panique du coté de Taiwan/interférence gratuite d’Haïti
Pour la Chine, la question de Taiwan demeure, à n’en pas douter, l’une des priorités les plus importants tant sur le plan de sa politique interne que dans la gestion de sa politique étrangère. Le 14 mars 2005, le Parlement chinois a voté une « loi anti-sécession » autorisant Pékin, pour la première fois, à « faire usage de moyens non pacifiques » contre Taiwan au cas où les autorités de l’île opteraient, « par quelque moyen que ce soit », pour l’indépendance.
Le président Hu Jintao, qui est aussi Secrétaire général du Parti communiste chinois, avait appelé les officiers supérieurs de l’Armée à se « préparer à un conflit armé ». Une déclaration prise d’autant plus au sérieux que le budget militaire a été augmenté de 12,6 %.
Le président taïwanais, M. Chen Shui-bian, dont le parti appartient à la mouvance indépendantiste et qui, quelques jours auparavant, avait menacé de promulguer une loi anti-annexion, a qualifié le texte voté à Pékin de « loi qui autorise la guerre ».
Au cours de la 61ème Session ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU (2006 – 07), contrairement à la tradition, Taiwan sollicite l’appui de ses alliés pour le vote d’une résolution demandant de « régler de façon pacifique, par la négociation, le conflit sino- taiwanais. » En termes clairs, Taiwan souhaite la médiation de la communauté internationale dans le dossier que la Chine considère comme relevant de sa politique interne et conteste toute ingérence étrangère.
Haïti, a appuyé la demande de Taiwan, en sa qualité de Vice président du Bureau de la 61ème session de l’assemblée, malgré le rejet de la majorité des autres Etats membres. La délégation d’Haïti à l’ONU a, en outre, demandé que sa déclaration soit consignée dans le procès verbal de la séance.
La réaction de la Chine ne s’est pas faite attendre. Elle interprète la déclaration de la délégation haïtienne comme un acte hostile, un geste d’arrogance et même une interférence dans ses affaires internes.
L’ombre de la menace de Pékin
Au cours de la seconde moitié de février 2007, le Conseil de Sécurité aura à se prononcer sur le renouvellement de la MINUSTAH. Pékin tout au début avait brandi la menace de veto contre toute résolution soutenant le renouvellement du mandat de la force onusienne en Haïti. Après de nombreuses discussions entre Haïti et ses principaux amis, Pékin, en guise de veto, aurait réclamé une clarification (écrite) du gouvernement. Le gouvernement aurait répondu positivement à cette demande.
L’empire du milieu entretient des relations commerciales avec la république d’Haïti depuis 1996, comme c’est le cas d’ailleurs dans d’autres Capitales pour s’assurer d’une présence. C’est peut être l’un des cas où la question de rupture de relations diplomatiques avec Taiwan n’a pas été évoquée. D’ailleurs, jusqu’à date Pékin n’a pas demandé à Haïti de rompre ses relations avec Taiwan. Cette question est d’une importance telle qu’elle fait actuellement l’objet de discussions entre les Chefs d’Etat et de gouvernement de la CARICOM, réunis à Saint Vincent et les Grenadines pour la 18ème Réunion Inter sessionnelle du 12 au 14 février 2007.
Historique de l’utilisation du droit de veto chinois
De 1971 à 2007, la Chine a fait usage de son droit de veto au Conseil de Sécurité cinq (5) fois. La plupart des résolutions pour lesquelles Pékin a imposé son véto, concernent le conflit israélo-arabe et les pays d’Afrique, théâtres de la compétition diplomatique opposant la Chine à Taiwan.
Le premier veto chinois concernait l’admission à l’ONU du Bengladesh en septembre 1972, dont la Chine refusait sa séparation avec le Pakistan.
Le second veto chinois s’opposait à une résolution en 1972, imposant un cessez-le-feu au Moyen-Orient, dont elle juge les termes trop avantageux pour Israël.
Le troisième veto chinois empêche en 1997 l’adjonction d’observateurs militaires à la Mission au Guatemala, État qui s’est déclaré favorable à l’indépendance de Taiwan.
Le quatrième veto, conteste le déploiement de forces préventives en Macédoine, alliée de Taipei.
Le cinquième et dernier en date, concerne un double vote négatif de la Chine et de la Fédération de Russie sur le projet de résolution présenté par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2006, sur la situation des Droits de l’homme au Myanmar.
Les circonstances particulières de son accession à l’ONU influencent lourdement la perception chinoise de l’Organisation. Elle privilégie la fonction " légitimante " du Conseil de Sécurité, qui confère à ses membres le statut de puissance importante, au détriment des responsabilités qu’il entraîne - à savoir, assumer un rôle de leader dans le maintien de la paix internationale - et l’envisage essentiellement à l’aune du pouvoir que lui confère son droit de veto, notamment comme une garantie contre toute ingérence dans ses " affaires intérieures ".
Au début des années 1990, assuré d’une stabilité sociale et d’un développement économique qu’il s’emploie à maintenir, le gouvernement chinois adopte une politique étrangère plus offensive. Beaucoup plus sensible au niveau régional, cette évolution l’est également à l’ONU. Après avoir été la voix des non-alignés, Pékin se veut l’avocat du multilatéralisme.
Mais la question est nuancée et complexe
Depuis 1972, Washington n’admet qu’une seule Chine, et ne reconnaît que Taiwan en fait partie intégrante. Pourtant, le Congrès américain a voté en 1979, à l’unanimité, une résolution qui engage les Etats-Unis à garantir la sécurité de l’île.
Sur le plan économique, Washington a besoin de la Chine, qui recycle une bonne part de ses excédents en devises en achetant des bons du Trésor américain, et finance ainsi, indirectement, le déficit budgétaire des Etats-Unis. Par ailleurs, Washington a impérieusement besoin de Pékin comme intermédiaire dans les négociations avec la Corée du Nord visant à convaincre le régime de Pyongyang à renoncer à ses ambitions de posséder des armes nucléaires.
Pékin connaît ses atouts et se pose comme interlocuteur incontournable de l’Occident. Il en est de même pour toutes les Capitales mondiales, dans la conception de leurs politiques extérieures, réservent une place privilégiée à la Chine, car le contexte international actuel le commande.
S’il est vrai que la politique extérieure de tout Etat doit être articulée en fonction de ses intérêts, il est tout aussi vrai que certaines décisions étatiques engageant le futur et la sécurité d’une NATION doivent être l’objet d’analyses approfondies et d’actions calculées et réfléchies. Le renouvellement du mandat de la MINUSTAH est pour Haiti l’enjeu du moment. Les autorités haïtiennes et la communauté internationale en sont conscientes. Dans ce contexte, le vote chinois au Conseil de Sécurité y est déterminant. Aussi, faisons nous le devoir d’appeler à la pondération et à une prudence diplomatique exigée dans la gestion du « Dossier Chine/Taiwan ».
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