Par Nancy Roc, pour Panos Caraibes
Soumis à AlterPresse le 7 fevrier 2007
La Sierra Leone, le Liberia, le Congo, la Somalie, le Soudan, l’Ouganda, le Sri Lanka et la Colombie…En 2007, on estime à 250.000 les enfants enrôlés à leur corps défendant dans des conflits armés.
Ces petits soldats, dont la réinsertion est cruciale pour l’avenir de la paix dans le monde, ont été au cœur de la conférence de Paris, « Líbérons les enfants de la guerre » qui s’est tenue du 5 au 6 février sous l’égide de l’UNICEF et de la diplomatie française.
« L’enfant qui ne sait faire que la guerre, pour qui la guerre est un mode de vie normal, voire son seul gagne-pain qui lui garantit son appartenance à un groupe, est un enfant perdu pour la paix et le développement. C’est une petite mine à retardement qui menace la croissance et la stabilité de son pays, sans compter celle des pays voisins et autres », a déclaré Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires Étrangères de la France, dans son discours d’ouverture.
Un enfant soldat, c’est un gamin de 10 ans avec une mitraillette AK-47 plus grande que lui à la main et qui est dévoyé dans un conflit meurtrier en Afrique, souvent drogué et transformé en machine à tuer capable des pires atrocités. À titre d’exemple, Ishmael Beah, ancien enfant soldat de la Sierra Leone, déchirée par la guerre civile, a livré à son témoignage, à l’ouverture de la conférence, sur ce que furent ses années de maquis. Ishmael a commencé à tuer vers 12 ans.
« Il fut un temps, a-t-il raconté, où prendre un fusil et tirer sur quelqu’un était devenu quelque chose d’aussi facile que de boire un verre d’eau. » L’enfer a duré quatre ans, a précisé le jeune homme âgé aujourd’hui de 26 ans et qui s’en est sorti.
Selon la définition des experts et institutions spécialisées, « un enfant soldat est toute personne âgée de moins de 18 ans recrutée ou utilisée par un groupe ou une force armé, quelle que soit la fonction qu’elle y exerce. Cet enfant peut-être, mais pas exclusivement, combattant, cuisinier, porteur, messager, espion ou utilisé à des fins sexuelles ».
« La honte et le déshonneur ressentis par les filles ayant été associées aux groupes armés sont les raisons majeures qui font que la majorité d’entre elles ne s’est pas présentée pour l’identification et la vérification qui leur auraient permis d’accéder aux services offerts par le programme national de réinsertion », a souligné le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), Raymond Ramazani Baya, dans un message transmis à la conférence. Il a évalué à plus de 33 000 le nombre des enfants soldats en RDC ces cinq dernières années. Soulignons que le chef de guerre congolais, Thomas Lubanga, sera bientôt la première personne à être jugée pour l’utilisation de mineurs de moins de 15 ans dans des conflits armés.
Plusieurs intervenants ont souligné le drame de ces jeunes filles stigmatisées auprès de leur communauté d’origine, réduites souvent à l’état d’esclaves sexuels et qui se retrouvent avec un enfant, l’enfant de l’ennemi, dont personne ne veut. « J’ai vu des gens avoir les mains coupées, une fillette de 10 ans violée et en mourir et tant d’hommes et de femmes brûlés vivants…Tant de fois j’ai pleuré dans mon cœur car je n’osais pas pleuré ouvertement », a témoigné Sarah de la Sierra Leone.
À cette importante conférence, plusieurs orateurs ont insisté sur le difficile exercice que représente la réinsertion des enfants soldats. Le commandant des forces de la MONUC, déployées en RDC, le général Babacar Gaye, a mis en garde contre les dangers des aides financières individuelles attribuées aux enfants soldats démobilisés ou libérés.
L’adoption des "Principes de Paris" devrait donner une nouvelle impulsion aux initiatives déjà prises et renforcer les politiques publiques afin de ramener à des conditions normales d’existence plus de 250.000 mineurs des deux sexes impliqués à différents niveaux dans des situations de guerre ou des mouvements armés principalement en Afrique. Des mesures concrètes sont prévues pour prévenir leur recrutement, faciliter leur réinsertion durable et répondre aux besoins spécifiques des filles.
Des programmes de réinsertion de ces enfants sont en cours ou achevés dans les pays de la « liste noire » des Nations Unies : Afghanistan, Angola, Burundi, Colombie, Côte d’Ivoire, Líbéria, Ouganda, RDC, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Sri Lanka et le Timor Oriental. Selon les chiffres du Quai d’Orsay, depuis 2001, près de 95.000 enfants auraient bénéficié de ces programmes.
La conférence de Paris a réunit pendant deux jours tous les acteurs concernés par la question des enfants soldats, depuis les États touchés par le phénomène jusqu’aux pays donateurs et aux travailleurs de terrain, en passant par les représentants des forces de maintien de la paix. Une soixantaine de pays y sont représentés notamment Haïti dont la délégation est conduite par le Ministre des Affaires Étrangères, M. Clérismé, a confié à Panos Gérald Germain, Ministre des Affaires Sociales.
Bien qu’elle ne figure pas officiellement sur la liste noire internationale, Haïti est considérée comme l’un des Etats où des enfants interviennent comme acteurs dans des conflits armés. Ils sont nombreux, les préadolescents et adolescents à être enrôlés par des bandes armées notamment à Cité Soleil, le plus grand bidonville du pays situé au nord de Port-au-Prince. Certains ont avoué publiquement avoir commis des crimes en série, le plus souvent sous l’empire de la drogue ou pour éviter de se faire exécuter par les chefs de gangs. Des ex-otages de kidnappings ont aussi confié après leur libération avoir été torturés, humiliés et menacés de mort pendant leur captivité par de jeunes bourreaux de moins de 18 ans.