P-au-P, 7 Fév. 07 [AlterPresse] --- L’utilisation du corps de la femme à des fins commerciales, et souvent comme instrument symbolique de la séduction, est dénoncée par le ministère haïtien à la condition féminine et aux droits des femmes (MCFDF), à l’occasion des festivités carnavalesques dont la clôture est prévue pour le 20 février 2007.
« Ce n’est pas normal que des gens utilisent le corps de nos jeunes filles comme des objets, comme des animaux. Le corps de femme, comme celui d’homme, mérite d’être respecté, leur intégrité physique, leur intégrité morale, doivent être respectées », avertit la ministre Marie Laurence Jocelyn Lassègue, lors d’un point de presse, ce 7 février 2007, auquel a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
La Ministre des femmes du gouvernement de Jacques Édouard Alexis estime que les conséquences de cette exploitation à outrance sont d’ores et déjà dramatiques et seront pires si les différents secteurs de la société n’assument pas leurs responsabilités.
Durant les activités pré-carnavalesques qui ont débuté le 7 janvier 2007, « les corps de femmes sont utilisés comme des objets, comme des animaux, comme des choses », signale la titulaire du MCFDF.
Assise dans une petite salle, avec à ses côtés la féministe Myriam Merlet, très émotionnée, Jocelyn-Lassègue s’élève contre l’utilisation du corps féminin, faite par des disc-jockeys (DJ) en plein exercice pré-carnavalesque, au Champ de Mars, à quelques mètres du palais présidentiel.
« Les dérives que nous constatons, cette année, nous croyons qu’elles doivent être stoppées au plus vite. Sinon, ce sera pire pour le pays », pense Marie Laurence Jocelyn Lassègue, on ne peut plus mécontente des « déviations » enregistrées au cours des dernières décennies.
Rappelant combien différente était l’ambiance carnavalesque, dans les années antérieures, en Haïti, la ministre haïtienne invite au respect de la personne humaine, malgré la tendance au défoulement concomitante aux périodes carnavalesques.
« Nous savons bien comment étaient les meringues carnavalesques dans le passé et nous savons aussi que le carnaval est un moment de défoulement, un moment pour critiquer, pour faire passer vos idées dans le respect mutuel ».
Des jeunes filles à quatre pattes !
Dans les chorégraphies présentées, à la télévision et sur les chars des DJ depuis le début des festivités pré carnavalesques le 7 janvier 2007, la Ministre aux droits des femmes relève que des jeunes filles et même des fillettes sont mises à « quatre pattes comme des animaux ».
« Il y a des jeunes filles qui acceptent de monter sur des chars où leurs corps sont utilisés comme des objets, comme des animaux. De nombreuses familles du pays pourraient être victimes de ces pratiques (…) Nous demandons à ces filles de suspendre… [de telles pratiques] », affirme-t-elle, entourée de Journalistes.
Marie Laurence Jocelyn Lassègue déclare avoir reçu, au cours de cette semaine, de nombreuses filles qui ont été violées, sodomisées, durant les festivités pré carnavalesques, en prélude aux trois jours gras dont le coup d’envoi sera donné le 18 février 2007.
Une fillette de 8 ans, violée lors de ces festivités, a même été cousue du nombril jusqu’à l’anus, après avoir été emmenée au Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes.
Tout en saluant le travail de ces « animateurs de rues » en l’absence des artistes ou groupes musicaux, la Ministre fait ressortir, à l’intention des discs-jockeys (dj), les conséquences dramatiques de tels procédés, comme le viol et autres attitudes perverses envers les jeunes filles.
« Nous disons à nos DJ, à nos bandes à pied, que ce n’est pas ainsi la tradition de notre pays, de notre culture. Personne n’est exempte, les conséquences seront dramatiques ; elles commencent à être dramatiques », indique la Ministre haïtienne à la condition féminine et aux droits des femmes.
Appelant à la responsabilité de chacune et de chacun et de toutes les forces vives de la nation, la titulaire à la condition féminine demande aux chaînes de télévision, aux animateurs et animatrices de « ne pas diffuser les vidéo-clip montrant le corps des jeunes filles comme des objets, comme des animaux ».
Une question d’argent ou de violence ?
« Elles se prostituent pour épargner les jours sans pain », écrivait un poète haïtien au XIX e siècle.
Cette conception soulève, aujourd’hui encore, l’inquiétude de plusieurs secteurs du pays qui en profitent pour dénoncer la politique gouvernementale en matière de création d’emplois.
« Nous n’avons pas besoin d’un gouvernement qui dénonce. Nous voulons un gouvernement qui pose des actions, qui crée des emplois au bénéfice de toute la population », indique, sous couvert de l’anonymat, une responsable d’une organisation féminine interrogée par AlterPresse, en marge du point de presse de la Ministre à la condition féminine.
A son avis, « c’est la misère qui les pousse [les femmes] à se prostituer. Elles sont obligées de vendre leurs corps pour trouver de quoi manger ».
Une telle assertion est rejetée par la ministre à la condition féminine qui conseille aux jeunes filles de ne pas « commercialiser » leurs corps, malgré les affres du chômage.
« Cela [la prostitution] augmente le taux de la violence faite aux femmes », avertit Marie Laurence Jocelyn Lassègue.
Le 11 juillet 2006, en rendant public son programme de gestion sur une période de cinq ans, l’actuelle Ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF) a promis que les femmes (dont les cheffes de familles monoparentales, les marchandes de fruits et légumes, les groupes de femmes organisées, les jeunes filles des quartiers populaires) devraient pouvoir bénéficier d’au moins 30% de toutes les actions gouvernementales menées dans les différents domaines par la nouvelle administration politique.
« Elles ont besoin d’argent, nous connaissons très bien la réalité, et c’est pourquoi l’administration René Préval/ Jacques Édouard Alexis travaille à la création d’emplois pour diminuer la misère dans le pays », tente de rassurer, ce 7 février 2007, Marie Laurence Jocelyn Lassègue. [do rc 07/02/2007 14 :50]