La littérature haïtienne d’expression créole vient d’être enrichie d’un nouveau roman qui porte l’empreinte de l’éducatrice Jocelyne Trouillot, Rectrice de l’Université Caraïbes. Dans ce roman, Trouillot évite d’aborder directement la question de couleur !
P-au-P, 5 Fév. 07 [AlterPresse] --- « Betsi », c’est le titre de ce roman de 246 pages écrit en Créole par Jocelyne Trouillot. La vente signature de cet ouvrage a eu lieu le samedi 3 février 2007 à la grande salle d’exposition de la Librairie La Pléiade, à l’est de Port-au-Prince.
« L’important c’est de travailler à l’épanouissement de la littérature haïtienne d’expression créole en mettant à la disposition des lecteurs des romans qu’ils peuvent lire en Créole, comme s’ils lisaient des ouvrages en Anglais ou en Français », a déclaré à AlterPresse, l’écrivaine Jocelyne Trouillot.
Betsi est un roman qui retrace les péripéties d’une jeune fille qui mène une vie agitée chez ses parents à cause de la couleur de sa peau et de ses coiffures qui ne sont pas pareilles à celles de ses deux sœurs. Betsi hérite de la peau claire de son père, tandis que ses autres sœurs sont de la même couleur que leur mère.
La jeune fille se sent mal à l’aise lorsque les gens l’interrogent sur cette différence qui existe entre elle et les autres enfants de la famille.
Selon Jocelyne Trouillot, ce roman est loin d’être une œuvre sociologique qui traite des préjugés de couleur. « Le livre touche ce problème indirectement dans la mesure où Betsi, très intelligente, se sent irritée surtout lorsqu’on lui demande pourquoi elle ne ressemble pas à ses sœurs », explique la romancière tout en précisant que « ce n’est nullement un roman sociologique et ne vient pas soulever la question de couleur ».
Le premier roman écrit en Créole haitien est l’œuvre de Frankétienne. Publié en 1975, Dezafi a été traduit en Français quatre années plus tard sous le titre « Les Affres d’un défi », un roman considéré comme une « caisse raisonnante des maux de la nation » et de la vision futuriste de l’auteur devant la dictature duvaliériste.
Avec Betsi, Jocelyne Trouillot n’a pas l’intention de marcher dans le sillage de celui qui est considéré comme l’un des écrivains créolophones les plus célèbres. « Je n’ai pas l’intention de traduire Betsi en Français ; si un éditeur ou quelqu’un d’autre veut le faire, je dirai oui », a fait savoir Jocelyne Trouillot dans cette interview à AlterPresse. « J’ai d’autres romans en chantier, mon travail est directement centré sur le Créole et c’est ma contribution à l’évolution de la littérature haïtienne d’expression créole ».
Détentrice d’une maîtrise en Langue Créole et d’un doctorat en en Administration scolaire, Jocelyne Trouillot est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages pour enfants de 6 à 12 ans édités exclusivement en Créole. « J’ai écrit en Créole pour les jeunes, j’ai écrit en Créole dans d’autres circonstances qui ne sont pas du domaine de la science-fiction », dit-elle.
Comme Rectrice de l’Université Caraïbes à Delmas 29, Trouillot a également publié des matériels didactiques et travaillé beaucoup sur la diffusion des ouvrages écrits dans la langue maternelle de tous les Haïtiens.
Betsi vient s’ajouter à la longue liste d’ouvrages ou de textes édités en Créole de la fin du 17e siècle à ce jour, aussi bien par des écrivains confirmés que par de jeunes auteurs. En 2002, la jeune romancière Beaudelaine Pierre avait remporté le Prix Bon Nouvèl avec son livre intitulé « Testaman ».
Outre des romans, des ouvrages scientifiques sont aussi publiés en Créole, en témoigne la publication en 2005 de « Depi nan Ginen Nèg renmen Nèg : Kreyòl ak Demokrasi nan Peyi D Ayiti » de l’Anthropologue Suze Mathieu.
Selon certains littérateurs, le premier écrit d’importance dans cette langue qui s’impose tant aux Blancs qu’aux Noirs est une traduction de « La Passion selon Saint-Jean », un texte religieux visant probablement à l’éducation des esclaves noirs et qui date du 17è siècle.
« Lisette quitté la Plaine », un autre texte créole à vocation littéraire, date de 1754. Ce fut l’œuvre de Duvivier de la Mahautière qui était magistrat et non planteur de canne à sucre dans l’ancienne colonie de Saint-Domingue, partagée aujourd’hui entre Haïti à l’Ouest et la République Dominicaine à l’Est. [do gp apr 05/02/2007 18:30]