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Haïti : Bilan positif pour la presse locale en dépit de la persistance de l’impunité, selon Reporters Sans Frontières

P-au-P, 01 Fév. 07 [AlterPresse] --- En Haïti, aucun journaliste n’a été tué en 2006 et les attaques contre la presse ont diminué à l’issue des élections du 7 février, malgré une insécurité persistante : c’est le constat fait par l’organisation Reporters Sans Frontières (RSF).

Dans son « rapport annuel 2007 », publié ce 1er février et transmis à AlterPresse, Reporters Sans Frontières dresse un bilan positif pour la presse haïtienne en précisant que « très peu d’agressions » ont été enregistrés en Haïti et « aucun assassinat » n’a été signalé. Toutefois, souligne RSF, le gouvernement du président René Préval n’a pas mis fin à l’impunité.

Ce rapport annuel 2007 dresse un état des lieux de la situation de la liberté de la presse dans 98 pays, dont Haïti. Le document revient sur les principales violations des droits des journalistes survenues en 2006 et offre des perspectives thématiques et régionales sur l’état des libertés des médias et de l’Internet à travers le monde.

« Le bilan haïtien pour la presse est aussi positif que surprenant, compte tenu de l’extrême insécurité régnant dans le pays (surtout dans la capitale, Port-au-Prince) et du passé, pas si lointain, où les journalistes risquaient à tout moment les représailles des gangs, souvent liés à l’ancien pouvoir Lavalas », écrit Reporters Sans Frontières dans ce rapport.

Sous la nouvelle présidence de René Préval, qui a pris ses fonctions le 14 mai, l’organisme estime que l’enjeu sécuritaire est évidemment crucial, mais les attaques ciblées contre les journalistes en raison de leur profession ont nettement diminué.

L’agression, en septembre 2006, de Liliane Pierre-Paul et de son frère Stéphane Pierre-Paul, deux journalistes de la station privée Radio Kiskeya, attire l’attention de RSF. Le 26 mai de la même année, Reporters Sans Frontières rappelle que Lydie Bain Abdon de Radio Lumière a échappé de peu à une tentative de kidnapping a priori sans rapport avec sa qualité de journaliste.

« Curieusement, les médias ont plutôt eu à souffrir d’abus de pouvoir des autorités », indique l’organisme.

A preuve, RSF rappelle qu’au mois d’octobre 2006, le Journaliste Ernst Cadichon de Radio Galaxie a eu le bras fracturé par des policiers auprès desquels il s’était identifié comme journaliste, alors qu’il couvrait une manifestation d’étudiants à Port-au-Prince.

Ajoutée à cela, l’agression, le 3 novembre 2006, du photographe du quotidien Le Nouvelliste, François Louis. Ce dernier a été violemment pris à partie par des soldats de la Mission des Nations unies pour la Stabilisation d’Haïti (Minustah), lors d’affrontements entre ces derniers et des partisans de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, dans la périphérie de Martissant.

« La presse est cependant loin d’avoir surmonté les traumatismes subis pendant le mandat de Jean-Bertrand Aristide et la période de transition », affirme RSF.

Pour Reporters Sans Frontières, l’impunité risque de durer, tant que la nouvelle administration de René Préval n’aura pas remis sur pied un système judiciaire digne de ce nom.

« La Police nationale d’Haïti (PNH) participe aussi de l’insécurité ambiante et les magistrats restent dépourvus de moyens d’enquête. Plus grave, les chefs de gangs suspectés d’assassinats de journalistes sont en liberté, au su et au vu de la population », constate RSF.

A titre d’exemple, l’organisme de défense des droits des Journalistes, cite le cas de François Daniel alias “Bibi”, chef d’une bande armée du quartier de Solino à Port-au-Prince, et responsable présumé de l’enlèvement et de l’assassinat, en juillet 2005, du poète et Journaliste Jacques Roche.

Selon Reporters Sans Frontières, Bibi, qui a été appréhendé par les forces de l’ordre, a même tenté de monnayer son impunité en remettant des armes à la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion.

« Les nominations de nouveaux juges d’instruction se font toujours attendre dans les enquêtes sur les assassinats de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter, et de Brignol Lindor, journaliste à Radio Echo 2000 », a par ailleurs indiqué RSF.

Dans l’intervalle, Reporters Sans Frontières soutient que deux chefs de gang, suspectés d’avoir tué Jean Dominique en 2000, se trouveraient actuellement à Martissant où ils auraient repris leurs activités criminelles. Un troisième s’est enfui à l’étranger.

La Cour de cassation, où le dossier Brignol Lindor, est resté en souffrance pendant deux ans, a finalement rejeté la demande de constitution de partie civile de la famille du journaliste assassiné en 2001 à Petit-Goâve (Sud). [do apr 01/02/2007 09:00]