À l’Avenue Jean-Paul II, au cœur de Port-au-Prince, dans un bâtiment logeant la Fondation Culture Création et la Fondation Tiga, le chef de file du « Mouvement Saint-Soleil » a reçu, en plein après-midi du samedi 27 janvier 2007, un ultime hommage. Du président de la République jusqu’au simple citoyen haïtien, chacun se rangeait autour des cendres de Jean-Claude Garoute, décédé le 14 décembre 2006 dans un hôpital aux Etats-Unis d’Amérique.
P-au-P, 29 Janv. 07 [AlterPresse] --- Il était 3 :00 PM locales (21 :00 GMT), lorsque le coup d’envoi d’une cérémonie baptisée « Bon Soleil Tiga » a été donné en présence du président de la république, René Garcia Préval, de personnalités du monde artistique et culturel haïtien, de membres de la famille ainsi que des disciples de Jean-Claude Garoute, dit Tiga.
Le célèbre peintre haïtien s’est éteint d’un cancer généralisé, le 14 décembre 2006 aux USA, à l’âge de 71 ans.
La cérémonie, en hommage au défunt, a été ouverte à ce centre culturel, abritant à la fois la Fondation Culture Création et la Fondation Tiga, par des salutations aux tambours précédant le dévoilement de l’urne qui contenait les cendres de Tiga.
Montage théâtral, expression corporelle, mots de présentation, témoignages de disciples de Jean-Claude Garoute, contes, entre autres, ont été à l’ordre du jour.
Assis et debout dans un espace très exigu, les anciens amis de Tiga, dont Jean Coulanges, Frankétienne, ont rendu un dernier hommage à celui considéré comme le « roi Saint-Soleil ». Les deux filles de Tiga, Paskal et Klode Garoute, ont assisté à la cérémonie.
Hugues Gousse du groupe Chœur Simidor, dont Tiga est membre fondateur, Patrick Vilaire, Frido Casimir, Philippe Dodard, St-Jean St-Juste, parmi plusieurs autres artistes, ont tour à tour partagé leur expérience avec Tiga.
« Ce grand artiste n’est pas mort et il ne peut l’être. Tiga est traversé, il n’est pas mort. Un homme de la trempe de Tiga, un porte-drapeau, ne peut pas mourir. Tu ne peux mourir ni dans nos esprits ni dans nos cœurs », dit Patrick Vilaire, disciple de Tiga.
« Tu ne peux pas mourir quand tu t’appelles Jean-Claude Garoute ; tu ne peux pas mourir quand tu as créé le mouvement Saint-Soleil », ressasse-t-il, sous la barbe du chef de l’Etat haïtien.
Pour Patrick Vilaire, Tiga a permis aux paysans de Soisson-la-Montagne (à l’est de Port-au-Prince) de s’exprimer à travers les arts dans ce pays.
Les mêmes propos ont été tenus par Frido Casimir qui affirme que Patrick Vilaire, Tiga et lui étaient considérés comme les « Trois Mousquetaires ».
« Patrick et Moi, nous aurons à écrire notre mémoire pour expliquer les moments que nous avons vécus en compagnie de Tiga », indique Frido Casimir qui a visité plusieurs grottes, avec Tiga et Vilaire, où ils ont récupéré des pierres et des ossements qu’ils ont retravaillés, par la suite.
Selon les explications de Casimir et de Vilaire, Tiga était un rude travailleur, un grand créateur et un véritable chef de file. Qui avait publié, il y a quarante ans, un manifeste artistique, une proposition esthétique pour un art moderne haïtien.
Avant sa mort, ce grand maître de la peinture haïtienne a été décoré au grade de Commandeur par le président René Préval, sur son lit d’hôpital aux Etats-Unis d’Amérique.
« Sur le plan artistique et culturel, Tiga était un chef de file, un chef d’école artistique, comme on dit souvent dans le domaine des arts plastiques et de la littérature », a rappelé Patrick Vilaire.
Des œuvres d’art de Tiga ainsi que des photos de l’artiste-défunt ont été exposées dans une grande salle à la Fondation Culture Création, où Haïtiens et étrangers étaient venus rendre un vibrant hommage au roi Saint-Soleil.
Un buste de Tiga, réalisé par Tiga lui-même en 1969, a été également montré.
« Quand la vie s’arrête sur terre, elle continue au soleil », écrivait Tiga en 1993.
Cette phrase a été reprise à chaque instant par le peintre, sculpteur et dessinateur haïtien Philippe Dodard.
Né à Port-au-Prince le 9 décembre 1935, Jean-Claude Garoute, dit Tiga, a grandi à Jérémie (Grande Anse, Sud-Ouest d’Haïti) jusqu’à l’âge de six ans, avant de s’installer à Port-au-Prince où il débuta sa carrière de peintre.
Depuis, Tiga s’est taillé une place importante dans l’épanouissement de l’art haïtien surtout avec la construction, en 1970, d’un atelier sur un terrain qu’ils avaient acheté à Soisson-la-Montagne, dans les hauteurs de Kenscoff (à l’est de Port-au-Prince). Tiga a cultivé des relations étroites avec les ouvriers et les paysans de ce coin.
Le Mouvement Saint-Soleil, dont Tiga était le véritable instigateur, de concert avec Maud Robbart Gerdes, a poussé l’écrivain français André Malraux à dire que « Les artistes peignent, comme il leur plaît, ce qu’ils ne représentent pas ».
Malraux, qui a visité le lieu en 1975, meurt, et les peintres lui rendent hommage à Nancy au Festival mondial de théâtre.
En 2007, Saint-Soleil refait surface dans le Carnaval haïtien, où le thème retenu pour cette manifestation populaire est « Kanaval Solèy Leve ».
Par ce thème, les autorités haïtiennes voudraient honorer les artistes du mouvement Saint-Soleil.
Dans plusieurs méringues carnavalesques, en rotation sur les fréquences des radios de la capitale haïtienne, l’accent est déjà mis sur ce thème cher à ces artistes de toute une génération qui a su résister à la dictature trentenaire de François et de Jean-Claude Duvalier. [do rc apr 29/01/2007 13 :40]