Par Sony Estéus
Conference presentée sous le titre « Mondialisation néolibérale et medias » au Forum des Communications organisé par l’Association Mondiale des Radios Communautaires (AMARC) au 7e Forum Social mondial a Nairobi, Kenya
Document soumis à AlterPresse le 23 janvier 2007
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais brièvement souligner deux éléments qui sont pour moi très importants a prendre en compte quand il faut parler de cette agressivité du néolibéralisme, de mondialisation ou de globalisation :
1er élément : il faut toujours placer la mondialisation néolibérale dans le contexte d’après guerre au milieu du 20e siècle avec la création des institutions de Breton Woods, FMI, Banque Mondiale, les Banques régionales de développement comme la BID en Amérique, banque asiatique etc…..
2e élément : la mondialisation peut se voir sous deux angles qui sont toutefois complémentaires, l’angle géographique/géopolitique et l’angle économique et financier que certains chercheurs considèrent comme un renouvellement du capitalisme mondial avec une prédominance du marche, tout est marchandise, tout est vendable.
Dans ce contexte de marchandisation qu’il faut placer cette démarche des grandes puissances, des transnationales pour le contrôle de l’information qui est devenu un pouvoir économique, politique et idéologique extrêmement puissant.
Cette mondialisation de l’information a profondément transformé le contexte dans lequel évoluent les medias qui sont instrumentalises par les multinationales. En effet, les transnationales, les riches ne se contentent plus de contrôler les medias avec leurs publicités, mais ils cherchent a s’approprier tous les moyens de communication.
Cette tendance peut être illustrer par des exemples concrets et le directeur du Journal le Monde Diplomatique, Ignacio Ramonet en a donnes quelques uns concernant la situation notamment en France. Dans un article paru en janvier 2005, il a parle du groupe Socpresse qui éditait a lui seul 70 titres de journaux dont le Figaro et d’autres revues et magazine dont l’Express et des dizaines de journaux régionaux, ce groupe a été racheté par un fabricant d’armes, le richissime Serge Dassault.
Des sa prise de fonction comme nouveau propriétaire du journal le Figaro, M. Dassault déclarait aux rédacteurs et je cite : « Je souhaiterais, dans la mesure du possible, quelle journal mette plus en valeurs nos entreprises. J’estime qu’il y a quelque fois des informations qui nécessitent beaucoup de précautions. Il y a des informations qui font plus de mal que de bien. Le risque étant de mettre en péril des intérêts commerciaux ou industriels de notre pays ». Il faut comprendre que la m. Dassault parle des intérêts des capitalistes comme lui.
M. Ramonet a également rapporte des propos de M. Patrick Le Lay, le patron de la première chaîne de télévision française TF1 qui parlant de la véritable fonction de sa chaîne eut à déclarer : « Le métier de TF1 c’est d’aider Coca cola a vendre son produit. Ce que nous vendons à Coca-Cola c’est du temps de cerveau humain disponible ».
Ces exemples pris pour la France pour illustrer cette collusion entre le capitalisme néolibéral et les medias sont valables partout dans le monde. La tendance est la même, dans ma région, dans les Caraïbes, on connaît cette situation par exemple en République Dominicaine, un riche banquier qui possède des dizaines de medias (écrit et audiovisuel).
En Haïti également cette tendance existe. Il y a de cela trois ou quatre ans, on a vu un grand commerçant faire l’acquisition de l’un des deux quotidiens du pays alors qu’il était déjà membre du conseil d’administration de l’une des radios commerciales de la capitale.
Les medias sont devenus l’infrastructure essentielle à la mondialisation. A mesure donc, que des multinationales s’emparent des moyens de communications et d’information, la concentration des medias se renforce et avec elle, les moyens de pression sur le pouvoir politique pour qu’il favorise leurs intérêts économiques. Nous nous rappelons de ce qui s’est passe au Venezuela en 2002 ou les medias ont été impliques jusqu’au cou dans le coup d’état contre le président Hugo Chavez.
Avec la mondialisation on parle beaucoup de « Information » mais on parle tres peu de « Communication » la raison est que quand on a l’information on a le pouvoir, les autres doivent seulement consommer alors que quand on parle de communication il faut tenier compte de l’interlocuteur.
L’information et la communication ont été à la fois toujours des vecteurs de pouvoirs dominants, de pouvoirs alternatifs, de résistance et de changements sociaux. Le lavage de cerveau, l’aliénation que peuvent favoriser les medias, sont des enjeux fondamentaux.
La répression physique ou mentale est a n’en pas douter une dimension importante du pouvoir dominant, mais, si un peuple peut arriver a modifie radicalement sa vision des choses, s’il arrive a penser autrement et par lui-même, aucun pouvoir, si dictatorial qu’il soit ne peut s’opposer a une transformation radicale de la société.
Il y a donc une nécessite d’exister médiatiquement pour exister politiquement. Et c’est la notre mission a nous dans le secteur des medias communautaires. Les mouvements sociaux et révolutionnaires notamment en Amérique latine depuis les années 50 avec les radios des syndicats des mines en Bolivie, utilisent les ressources de la communication non seulement comme instrument organisationnel mais encore comme lieu de débats et de construction d’espace de dialogue (pour répéter la vice-presidente de l’AMARC, Alleida Calleja).
Aujourd’hui encore, de grands espoirs sont fondes sur les medias communautaires quant au rôle qu’ils peuvent jouer dans la mise en place de programmes d’éducation dans nos pays règne encore l’analphabétisme.
J’imagine pas qu’on puisse demander a des medias appartenant a des multinationales de mener des campagnes contre la pollution de l’environnement alors que ce sont des industries appartenant aux propriétaires de ces mêmes medias qui polluent la nature.
Les medias communautaires peuvent créer un climat propice au changement social en véhiculant de nouvelles valeurs et en suscitant des comportements favorables a la modernisation tout en respectant bien sur la diversité qui nous caractérise.
Tout comme les medias commerciaux qui représentent le bras idéologique de la mondialisation, les medias communautaires sont le bras idéologique des mouvements populaires et progressistes du monde.
Les medias néolibéraux agissent globalement pour endoctriner les peuples avec la pensée unique i.e pour avoir des impacts au niveau local, nous autres les medias communautaires qui sont par nature des medias de proximité qui agissent localement, nous devons créer des synergies au niveau national, régional et mondial pour avoir des incidences au niveau global.
Sony Esteus
Nairobi, Kenya
22 janvier 2007