P-au-P, 23 Janv. 07 [AlterPresse] --- L’écrivain français Régis Debray lance un vibrant appel à tous les maires de France et aux autres responsables politiques pour qu’ils viennent en aide à leurs homologues d’Haïti dans le cadre d’une coopération décentralisée, apprend l’agence en ligne AlterPresse.
Le philosophe français, qui a réalisé une étude sur Haïti à la veille de la célébration du bicentenaire de l’indépendance nationale le 1er janvier 2004, estime que les élections des collectivités territoriales, tenues le 3 décembre 2006 dans la république caribéenne, offrent « une chance à ce peuple mal-aîmé de pouvoir à nouveau respirer ».
« Aidons-le à la saisir. Elle est fragile. Raison de plus pour que notre pays vienne en aide à son ancienne colonie », écrit Régis Debray dans les colonnes du Monde, ce 23 janvier 2007.
En sa qualité d’écrivain, Régis Debray rappelle que la France ne saurait oublier ce qu’elle doit aux esclaves insurgés de Saint-Domingue : l’abolition de l’esclavage par la Convention.
« C’est peut-être grâce à ce combat commun que notre pays est celui des droits humains, et pas seulement du mâle blanc, riche et colonisateur. Souvenons-nous également des lourdes indemnités exigées par notre pays pour admettre l’indépendance de la première République noire », souligne le philosophe français.
Cet appel, du président de la Commission française de réflexion et de proposition sur les relations franco-haïtiennes, n’est pas le premier, puisqu’en janvier 2004 Régis Debray indiquait que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, peuvent contribuer en compétences techniques, fonds de solidarité et ressources humaines dans le cadre de la coopération franco-haïtienne.
Pour l’écrivain français, ces régions devraient devenir de « véritables plates-formes de solidarité et d’interactivité avec Haïti ».
En tout cas, ce rappel de Debray ne vise pas à une quelconque repentance anachronique, mais à un minimum d’esprit de responsabilité et de fraternité.
« Les maires de France et les présidents de région connaissent bien les ressources de la coopération décentralisée, qui peuvent s’avérer décisives pour la réussite de leurs homologues d’Haïti », dit-il, tout en estimant que « si les maires nouvellement élus au pays de Toussaint Louverture n’ont pas les moyens d’améliorer rapidement le sort de leurs concitoyens, le désespoir reviendra ».
Un pari à gagner face à la violence
Dans ce plaidoyer en faveur de la première république noire du monde, Régis Debray souligne que, pour l’heure, l’anarchie et le crime - pillages, viols, rapts crapuleux, tortures, assassinats - demeurent les maîtres obscurs de bien des quartiers de Port-au-Prince.
Avec l’aide des Nations Unies, dont les forces de sécurité sont déployées depuis le 1er juin 2004, Debray admet que « le pouvoir légitime [du président René Garcia Préval et du Premier Ministre Jacques Édouard Alexis] tente d’y faire face ». Toutefois, « la partie n’est pas gagnée », a-t-il noté.
En venant en aide à Haïti, Régis Debray croit que les maires de France et les autres responsables politiques feront honneur à la francophonie et redonneront sens à des mots fatigués : fraternité, égalité et solidarité.
Dans un discours prononcé le 7 avril 2003, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Toussaint Louverture, l’ancien président Jean-Bertrand Aristide avait exigé de la France la restitution de 90 millions d’anciens Francs, versés au cours de la première moitié du 19e siècle pour la reconnaissance de l’Indépendance haïtienne.
L’écrivain français Christophe Wargny (ancien allié d’Aristide), qui avait témoigné devant la commission Debray, avait soutenu que la rançon versée par Haïti est « une somme due par la France (…). Il faut discuter des formes de remboursement », avait insisté Wargny, considérant cependant que la restitution ne pourrait être faite au gouvernement haïtien actuel (en référence au gouvernement d’alors d’Aristide), dont il a critiqué les méthodes de gestion.
Dans un rapport en 25 propositions, la commission Debray propose, entre autres, la poursuite du jumelage entre communes françaises et communes haïtiennes, la création d’un fonds d’investissement spécial pour des partenariats privés, l’appui au programme de développement intégral, initié et conduit par les paysans eux-mêmes, à l’exemple du programme de développement rural de Pandiassou (Hinche, Centre), mis sur pied par les Petits Frères de l’Incarnation ; la revitalisation du Plateau Central (Centre d’Haïti) par la mécanique agricole, projet mis au point par le service de Coopération de l’Ambassade de France en Haïti.
Le document, produit par Régis Debray, a été examiné par des étudiants et professeurs de la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti.
Le professeur haïtien Hérold Toussaint avait décelé des problèmes dans ce rapport, tout en mettant en lumière le contexte, la typologie des arguments, les propositions et quelques éléments d’analyse de ce rapport. [do rc apr 23/01/2007 12 :00]