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Haïti : Une comparution médiatisée sur fond de malaise institutionnel

P-au-P., 20 janv. 07 [AlterPresse] --- Le directeur central de la police administrative haïtienne a été entendu pendant plus de trois heures par le substitut du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Frantz Poteau, le 19 janvier.

L’audition de Jean Saint-Fleur fait suite au mandat décerné le 12 janvier dernier à son encontre pour voies de fait suivies de blessures graves contre un député haïtien, Michelet Casimir, et trois de ses agents de sécurité rapprochée. Le député roulait alors à contresens.

Le numéro 3 de la Police nationale d’Haïti (PNH) était accompagné lors de cette comparution de plusieurs hauts gradés de l’institution dont l’inspecteur général en chef Fritz Jean. Jean Saint-Fleur s’est refusé à se prononcer sur le dossier, se contentant d’annoncer que sa prochaine comparution au Parquet de Port-au-Prince est fixée au lundi 22 janvier.

L’avocat du directeur de la police administrative, Me. Osner Févry, qui multipliait des déclarations fracassantes dans la presse ces derniers jours, brillait par son absence lors de cette comparution.

On notait en revanche la présence de nombreux députés venus exprimer leur soutien à leur collègue Michelet Casimir.

Le responsable de la DCPA avait boudé une première convocation le 15 janvier dernier. Son avocat, Me. Osner Févry, avait alors allégué qu’il n’y avait pas eu de mandat d’amener contre son client et parlait de préférence d’une correspondance adressée à l’inspection générale (de la Police) dans le cadre de ce dossier.

Dans une résolution votée à l’unanimité le 17 janvier, les députés ont réclamé la révocation du directeur central de la police administrative.

Le président de la commission Justice et Sécurité du Sénat, Youri Latortue, s’est démarqué de cette position, appelant ses collègues députés à rester serein en attendant l’aboutissement de la procédure judiciaire.

Le dossier a pris une telle ampleur (ces derniers jours) que le président de la République a dû réagir, rappelant la publication par la présidence d’une circulaire demandant aux officiels du gouvernement et autres fonctionnaires de respecter les mesures adoptées par le Service de la circulation. « Me basant sur la version des deux parties, j’ai cru comprendre que le député a violé la loi en roulant à contresens, et que l’inspecteur général a eu une réaction disproportionnée », a déclaré René Préval, rappelant que c’est à la justice qu’il revient de trancher.

Des avocats haïtiens ont déploré que des parlementaires aient transformé une affaire banale, qui devrait relever du tribunal correctionnel, en un conflit entre la Police et le Parlement.

Ce n’est pas la première convocation d’un dirigeant de la Police par la Justice. Un directeur de la police judiciaire, Michaël Lucius, a dû démissionner le 14 novembre 2006 dans le cadre d’un conflit ouvert avec un juge d’instruction, Napela Saintil.

Une organisation de défense de droits humains (le RNDDH) a dénoncé le 4 janvier dernier « une forme de guerre larvée » entre les responsables des institutions policières et judiciaires qui s’accusent mutuellement.

Le directeur général de la Police nationale d’Haïti a récemment épinglé la justice en déclarant : « Malgré les efforts de l’actuel ministre de la justice et de ses proches pour lutter contre la corruption, les résultats sont loin d’être perceptible. Notre structure judiciaire se veut encore fragile, fragilité caractérisée par l’absence de maturité et de compétence et, de surcroît, par la culture malhonnête de la vénalité, entretenue par une corruption qui bat le record ».

En réaction à ces propos, des juges de paix de la juridiction de Port-au-Prince, les magistrats du Parquet et les juges du tribunal de première instance de Port-au-Prince avaient déclenché un arrêt de travail, exigeant des excuses publiques de la part du chef de la police.

La plus récente illustration du malaise (inter)institutionnel est la mise en doute par le ministre de la justice des propos tenus par le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me. Claudy Gassant concernant le cambriolage du Parquet du tribunal civil de Port-au-Prince (enregistré dans la nuit du 6 au 7 janvier 2007). Scandalisé, le magistrat a choisi de démissionner.

C’est la deuxième fois en trois mois que le siège du Parquet de Port-au-Prince venait d’être saccagé par des inconnus. La première fois, en octobre 2006, des documents importants avaient disparu et quatre policiers suspects s’étaient volatilisés pour échapper aux poursuites. [vs apr 20/01/07 14:10]