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Haïti – 2007 : Le défi de changer le cours de l’histoire

Par Wooldy Edson Louidor

P-au-P., 8 janv. 07 [AlterPresse] --- Les rues de la zone métropolitaine de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, sont quiètes, en ce début d’année 2007. Cette quiétude est pourtant diamétralement opposée à la paix tant souhaitée par le peuple haïtien, car elle inquiète. On dirait qu’ « il y a du feu sous les cendres » : les assassins, les kidnappeurs, les bandits armés et leurs suppôts sont encore là, impunis.

En dépit du renforcement de la présence des policiers haïtiens et des casques bleus de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) dans les principales artères de la première ville d’Haïti, la peur continue à régner au fond des cœurs et des esprits. L’année 2007 reste et demeure une inconnue.

La fin de l’année 2006 a clôturé une ère en Haïti : le pays n’est plus le même. Il ne connaîtra pas la paix, au moins pendant « les mois à venir », pour répéter l’ancien Secrétaire général des Nations Koffi Annan qui, dans un ultime rapport adressé au Conseil de sécurité à la fin de son mandat, « recommande une prolongation du mandat de la Mission pour douze mois supplémentaires avec le maintien du plafond autorisé pour les effectifs militaires et policiers ».

Haïtiens et étrangers, civils, policiers et casques bleus de la MINUSTAH, hommes et femmes, toutes tranches d’âge confondues (enfants, adolescents, jeunes et personnes âgées), ont fait les frais de l’insécurité qui a causé, entre janvier et novembre 2006, la mort de 721 personnes, selon le bilan dressé par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Les bandits ont prouvé qu’ils peuvent prendre le contrôle de Port-au-Prince et imposer leur loi à la société et même au gouvernement et à l’État, au gré de leur volonté.

Des dirigeants de l’actuel gouvernement haïtien et d’autres autorités parlementaires et judiciaires ont tenté de rassurer la population à travers des discours et quelques actions, notamment l’arrestation de présumés kidnappeurs et une augmentation des patrouilles policières dans la capitale haïtienne. Cependant, la société haïtienne demeure angoissée par rapport à l’année 2007. Des préoccupations la bouleversent.

« Que se passera t il au cours de la nouvelle année ? Est-ce que le phénomène du kidnapping et de la violence s’estompera ou s’intensifiera ? Les portes des écoles resteront-elles encore fermées ? Le pays continuera-t-il de fonctionner au ralenti ? Le gouvernement haïtien prendra-t-il une position claire et des mesures concrètes et énergiques contre les bandits ? La MINUSTAH se montrera-t-elle plus active et dynamique dans la lutte contre les kidnappeurs et d’autres criminels qui séquestrent la société toute entière ?... Les citoyens et citoyennes sont-ils condamnés à s’accoutumer à cet état de fait ou y a t il une alternative ? ... »

Haïti vit une nouvelle phase historique. La crise généralisée qui frappe le pays depuis plus d’une vingtaine d’années, affecte non seulement ses structures économique, politique et sociale, mais aussi l’état d’esprit du peuple haïtien. Courbé sous le poids de la misère, du mensonge, de la peur et de la violence, les Haitiennes et Haitiens sont de plus en plus fatigués. Les grandes gestes héroïques que le peuple a accomplies, comme la conquête de l’indépendance en 1804, le renversement de la dictature duvaliériste en 1986, l’élection de Jean-Bertrand Aristide au pouvoir en 1990…, n’ont pas toujours eu des suites heureuses. Ainsi, ses espérances se sont éteintes les unes à la suite des autres. Ses frustrations augmentent de jour en jour. Le désespoir tend à envahir tout l’espace.

Aujourd’hui, la grandeur du peuple haïtien est à l’épreuve. Une grande partie de ses fils et filles se sont réfugiés sous des cieux plus cléments. D’autres se sont retournés contre la mère patrie. D’autres encore ont capitulé. La grande majorité reste prisonnière des conflits fratricides provoqués par la lutte pour le pouvoir et pour l’argent. Une lutte dans laquelle sont impliqués des acteurs nationaux et internationaux et dont les enjeux historiques, stratégiques et géopolitiques vont au-delà d’Haïti !

Les Haïtiens ont-ils encore le destin d’Haïti entre leurs mains ? L’année 2007 pourrait mettre à l’épreuve la capacité du peuple haïtien d’être à nouveau architecte de sa propre histoire. [wel gp apr 08/01/2007 12:15]