P-au-P, 4 janv. 07 [AlterPresse] --- Le président d’Haïti René Garcia Préval exhorte l’ensemble des secteurs organisés du pays à resserrer les rangs contre les fauteurs de troubles en vue d’une construction véritable de la démocratie dans la république caribéenne.
« Les forces partisanes du brigandage (de la violence) se positionnent contre la liberté et le projet démocratique de la nation, contre la liberté et l’égalité, contre l’épanouissement des droits à l’éducation, à l’emploi, aux investissements de paysans et de petits commerçants. De telles forces se positionnent pour le vol des terres de l’Etat, de la signature de contrats au détriment du pays, de la poursuite de la contrebande et du trafic de la drogue », constate Préval dans un message de vœux à l’occasion du 1er janvier 2007 parvenu à l’agence en ligne AlterPresse.
Ce message, paradoxalement interrompu le 1er janvier 2007 sur la place d’armes des Gonaïves [NDLR : à 171 kilomètres au nord de Port-au-Prince] où les officiels de l’Etat et des représentants du Corps diplomatique étaient rassemblés pour commémorer le 203 e anniversaire de la déclaration d’indépendance nationale, a été repris le 2 janvier par le chef de l’Etat au Palais national de la capitale.
Aucune explication n’a été donnée sur l’interruption du discours officiel, apparemment due à des problèmes techniques dans une génératrice, alors que la ville des Gonaïves était alimentée en électricité publique au moment de l’intervention présidentielle.
Tournant historique pour le peuple haïtien
La nouvelle année représente une occasion historique pour le peuple haïtien de créer, dans la paix, un « véritable pouvoir populaire » au bénéfice de tous et de chacun, estime Préval se référant à la participation de la population aux élections présidentielles, législatives, municipales et locales de 2006, et les prochaines consultations indirectes dont les élus auront la mission de discuter du plan de développement national.
A noter que les résultats définitifs des municipales et locales du 3 décembre 2006, non encore publiés face à la vague de contestations produites par différents cartels devant les bureaux de contentieux du Conseil électoral provisoire (CEP), ne devraient être connus qu’à la fin de janvier 2007.
Tentant de justifier le peu de résultats et l’apparence de paralysie observés depuis l’installation de son gouvernement le 9 juin 2006, Préval déclare qu’il faut du temps à de nouveaux joueurs (les membres de l’équipe gouvernementale) pour aboutir à une cohésion de l’équipe appelée Haïti, composée de citoyens de l’intérieur et de l’extérieur.
« Le dialogue, qui a permis la formation du gouvernement en juin 2006, devrait constituer un ferment pour le renforcement de l’unité au sein de la classe politique et parmi les responsables politiques de l’Exécutif et du Législatif », souligne Préval, plaidant pour une « union non partisane contre la misère, l’ignorance et la violence », à l’instar de l’union ayant abouti à l’indépendanace nationale le 1er janvier 1804.
Pour lui, les énormes défis qui se posent sur le chemin de la construction du pays vont au-delà d’un mandat présidentiel de 5 ans. C’est pourquoi il forme le vœu de l’élaboration, en 2007, d’un plan de développement étalé sur 25 ans entre toutes les forces nationales politiques (des Conseils d’Administration de sections communales jusqu’au conseil interdépartemental, en passant par les municipalités), économiques (Patronat, syndicats, paysans) et sociales (étudiants, professeurs, organisations de femmes, organismes de défense de droits humains).
Surmonter les défis suppose un véritable engagement en faveur de la démocratie et de la paix, en rejetant l’arbitraire, la criminalité, le banditisme, la déprédation, le vol, indique Préval.
D’aucuns interprètent les propos de Préval comme une position de l’actuel Exécutif essayant de se démarquer des partisans de l’ancien régime lavalas et de leur chef, l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, lequel a prédit, à la fin de 2006, une année 2007 « spéciale » pour les écolières et écoliers.
Le 22 décembre 2006, au cours d’une cérémonie de distribution de jouets à des enfants, René Garcia Préval a promis d’éradiquer le fléau du kidnapping pendant l’année 2007.
Unité et rassemblement des forces contre le kidnapping
C’est vers l’unité que doivent tendre tous les secteurs, suggère le président d’Haïti qui félicite indirectement la Justice et la Police nationale d’Haïti (PNH), du fait qu’aucune action violente n’a été enregistrée dans le cadre du différend qui continue de les opposer : la police accuse la justice de nager dans la corruption ; une partie du système judiciaire a observé plusieurs jours de grève en décembre 2006 pour exiger des preuves des assertions du directeur général de la PNH, Mario Andrésol, ou des excuses publiques de la part de ce dernier.
A rappeler que le principal responsable de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), Michael Licius, a dû démissionner de sa fonction de DCPJ pendant l’année 2006, dans le cadre de démêlés judiciaires avec le juge Napela Saintil qui l’avait inculpé en relation avec « un dossier de kidnapping ». Le juge Saintil s’était, par la suite, dessaisi de l’affaire aujourd’hui confiée à un autre juge d’instruction.
Sur ce point, le président ad interim de la Cour de Cassation, Me Georges Moïse, qui participait aux festivités commémoratives du 1e janvier, invite les deux institutions à se ressaisir et à rechercher l’harmonie.
C’est pour la première fois, dans le protocole cérémonial de la commémoration de l’indépendance nationale, que la Cour de Cassation a été conviée à se prononcer publiquement sur la situation nationale.
Signalant que le président de la république et le Premier Ministre Jacques Edouard Alexis sont originaires du département de l’Artibonite, Me. Moïse (issu lui aussi de la même région) demande à la population de faire foi à la volonté des dirigeants d’œuvrer en faveur du changement de leurs conditions d’existence.
Pour sa part, le président du Sénat, Joseph Lambert, a plutôt concentré son intervention sur un appel solennel, quasiment une déclaration de guerre de l’Etat, pour un rassemblement national contre les ravisseurs d’otage (les kidnappeurs) qu’il convient, soutient-il, de pousser dans leur dernier retranchement « en les arrêtant, les emprisonnant, les jugeant et les condamnant ».
Tous ces discours précèdent un message sur l’état de la nation, à délivrer par le président René Garcia Préval devant l’Assemblée nationale le lundi 8 janvier prochain. Parallèlement, le Premier Ministre Alexis devra présenter le 8 janvier, devant sénateurs et députés réunis en assemblée nationale [pour la 3 e session de la 48 e législature], un bilan de l’action gouvernementale depuis l’entrée en fonction du cabinet ministériel le 9 juin 2006. Ces deux messages ne feront l’objet d’aucun débat, conformément aux prescriptions de la Constitution nationale.
Entre-temps, la plupart des secteurs vitaux du pays assimilent la rentrée académique scolaire du 8 janvier 2007 à un véritable test pour l’actuel Exécutif, principalement le chef du gouvernement ayant affirmé, en 2006, sa détermination à « négocier avec les bandits » qui continuent de semer le deuil parmi la population, notamment en perpétrant divers actes de criminalité y compris l’enlèvement d’écolières et d’écoliers, ayant précipité en décembre 2006 la fermeture des classes. [rc apr 04/01/2007 12 :00]