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Les pratiques de torture persistent en Haiti, selon la POHDH

Prise de position de la Plate-forme des Organisations Haïtiennes Droits
Humains (POHDH), à l’occasion du 26 juin, Journée Internationale des
Nations-Unies de soutien aux victimes de la torture

25 juin 2003

La lutte contre la torture est une constante des
pratiques en faveur des droits de l’Homme. Il n’est
pas une atteinte aux libertés qui ne s’accompagne de
violences, qui ne s’effectue sans recours aux
contraintes physiques ou sans avoir brandi la
possibilité de leur utilisation. Bien plus qu’une
simple violation, la torture représente la forme par
excellence de la violation des droits humains, en
particulier des droits civils et politiques.

Elle est l’apanage de tout régime d’exception, de tout
régime en crise de légitimation. En Haïti, les trente
ans des Duvalier, les années de « transition », la
période du coup d’état, fourmillent d’exemples de
pratique de torture.

L’on croyait avoir passé ce cap. Pourtant, certains
événements parmi les plus récents prouvent qu’on en
est encore loin.

La Plate-forme des Organisations Haïtiennes Droits
Humains (POHDH) saisit l’occasion offerte par ce 26
juin 2003, journée internationale des Nations-Unies de
soutien aux victimes de la torture pour attirer
l’attention du public sur certains faits.

La POHDH croit opportun de rappeler que Haïti est un
des 62 sur les 193 pays membres de l’ONU qui n’ont pas
ratifié la convention contre la torture et autres
peines inhumaines ou dégradantes. Qu’est ce qui
explique ce refus ? Quelle est la relation entre ce
refus et les équipes de tolérance zéro dans les
commissariats ? Ce refus, en privant la Justice
haïtienne de cette base légale, ne conforte-t-il pas
les juges dans leur indécision quand il s’agit de
réparer les victimes de tortures ?

La POHDH croit opportun également de souligner, qu’à 
coté de ceux perpétrés dans les Commissariats et les
centres de détention, les actes de tortures sont en
nette recrudescence dans les milieux ruraux. Les
membres de CASEC ayant même leurs propres lieux de
détention tendent à s’attribuer les anciennes
fonctions de police ou de maréchaussées des chefs de
section. Le plus navrant est que cette situation soit
tolérée par la population haïtienne. Bon nombre de
gens ignorent que même les contrevenants à la loi
n’ont pas le droit d’être torturés. Donc, mis à part
les dénonciations des pratiques de tortures des
autorités, des actions s’imposent afin de contrecarrer
les tares culturelles et idéologiques qui pourraient
justifier aux yeux de la population des actes de
torture.

Enfin nous profitons de ce 26 juin pour publier, parmi
les nombreux cas de tortures et de violations des
droits humains couvrant le début de cette année 2003,
quelques-uns qui illustrent la situation générale sous
l’angle des mauvais traitements assimilés à des actes
de torture :

·Amislet, ainsi connu, a été accusé de vol, les « 
policiers » du CASEC de Chansolme ont procédé à son
arrestation et l’ont torturé le 5 février 2003.

·Jackson Pierre a été arrêté par la police du
Cap-Haïtien, il a été torturé à la garde à vue au
point que circulait la rumeur de sa mort le 21 février
2003. Il n’a été conduit à l’hopital que lors de son
admission à l’APENA alors que son cas était réputé
grave depuis la garde à vue.

·Jean Eddy Duplecy a été torturé par les policiers du
Commissariat de Borgne le 27 novembre 2002. Il
revendiquait le paiement intégral d’un service rendu à 
un chauffeur de Camion. Face au refus de celui, il a
proféré des menaces à son endroit. Le chauffeur a fait
appel à des policiers qui ont battu sévèrement Jean
Eddy.

·« Pa nan grenn », ainsi connu, a été victime de
bastonnade par un groupe d’hommes obéissant aux ordres
du maire Djimps Joseph de Hinche, le 9 mars 2003. Il a
été battu parce qu’il revenait d’une rencontre avec le
groupe des 184 organisations de la société civile.

·Acène Jean-Baptiste a été battu par un groupe
d’hommes dirigés par les maires Lionel Olibris et
Djimps Joseph de Hinche, le 20 mars 2003. Il a été
intercepté et frappé en revenant d’un congrès organisé
par le Mouvement des Paysans de Papaye (MPP).

·Oribe Michel a été arrêté et détenu chez le CASEC de
Pilate-Mago par un groupe d’individus sous accusation
de vol. N’ayant pas d’argent pour payer sa
libération, il a été torturé par les agents ou « 
policiers » du CASEC. On l’a retrouvé mort le
lendemain 23 février 2003.

·Wilson Jean-Louis a été torturé à Kanjeo par les
policiers de l’Arcahaie. Il a reçu des coups aux
testicules et pénis, ce qui lui a enlevé toute chance
d’avoir un enfant. A l’hôpital, en dépit de son état
de santé, il portait encore les menottes aux bras et
aux pieds. L’arrestation a eu lieu sous l’instigation
de son riche cousin qui l’accusait de vol de haut
parleurs.

·Le vendredi Saint 18 avril 2003, un groupe
d’individus ont pénétré chez un hougan qu’ils ont
accusé de meurtre, ils l’ont conduit à l’entrée du
Bourg de Cayes Jacmel, près du commissariat et sous
les yeux complices de la police, ils l’ont torturé
puis lapidé.

Face à cette situation qui rappelle en plusieurs
points les dures périodes de dictatures connues par
Haïti, la Plate-forme des Organisations Haïtiennes
Droits Humains (POHDH) exhorte les autorités à prendre
des mesures concrètes pour enrayer ce mal, notamment :

1.En signant et en ratifiant la Convention des
Nations-Unies contre la Torture et autres peines
inhumaines ou dégradantes ;

2.En visitant régulièrement les centres de détentions
et lieux de gardes à vue ;

3.En poursuivant par le biais des parquets les auteurs
co-auteurs et complices des actes de tortures et de
mauvais traitements ;

4.En ouvrant une enquête sur les cas dénoncés par les
organisations de défense des droits de l’homme ;

5.En procédant à la réhabilitation et en réparant les
personnes victimes des actes de tortures ou autres
formes de violence assimilées à des actes de tortures
ainsi que leurs familles ;

6.En assurant un appui psychologique aux victimes de
violence, traumatisées par la violation ;

7.En appliquant rigoureusement les articles 250
à 252, 292 et 293 du code pénal, et les
articles 2, 3 et 5 du code de déontologie
policière ainsi que l’article 25 de la
Constitution de 1987.

Joseph Maxime RONY

Coordonnateur Général