P-au-P., 24 juin. 03 [AlterPresse] --- La démission récente du Directeur Général de la police, Jean Robert Faveur, continue, après 48 heures d’occuper le premier plan de l’actualité en Haïti. Des réactions affluent de divers secteurs.
D’une attitude apparemment réservée dans les premiers moments, le pouvoir s’est plutôt, durant les dernières heures, montré préoccupé et a évoqué la thèse d’un complot.
Dans une rencontre avec la presse, organisée ce 24 juin par la Secrétairerie d’Etat à la Communication, le Ministre des Affaires Etrangères Joseph Philippe Antonio a accusé « des secteurs internationaux et même des diplomates » d’avoir facilité le départ de Jean Robert Faveur.
De son coté, le ministre de la justice, Calixte Delatour, a, lors de cette même rencontre, qualifié la démission de Jean Robert Faveur d’ « abandon de poste ». Il a ignoré la lettre de démission qui ne serait pas passée par « les formes et les voies régulières ». Le ministère de la justice a pris en charge la direction de la police, a encore fait savoir Calixte Delatour.
Des secteurs du parti au pouvoir n’ont pas cessé, durant ces deux derniers jours, de critiquer l’acte posé par Jean Robert Faveur. Cependant, le Sénateur Prince Pierre Sonson, un des membres influents de Fanmi Lavalas, a pris la défense de l’ex-Directeur de la police.
Dans une interview a la station privée Radio Metropole, le sénateur Prince Pierre Sonson a écarté toute participation de Faveur à une dynamique de complot. Pour lui, il y a eu une méfiance vis-a-vis de l’ancien titulaire de la police, du fait qu’il a été nommé en consultation avec la communauté internationale.
Selon Prince Pierre Sonson, la démission de Faveur est également le résultat d’ "un problème au sein de lavalas (Â…) qui veut exclure les valeurs, les compétences » et même « les humilier ». Il a dit qu’il était disposé à témoigner des difficultés que rencontraient Jean Robert Faveur et que le contenu de sa lettre était « vérifiable ».
Dans sa lettre, dont copie a été obtenue par AlterPresse, Jean Robert Faveur a dénoncé le contrôle de la gestion de la police par le Président Jean Bertrand Aristide et annoncé sa démission à l’issue de « deux semaines de souffrance », et son départ pour l’exil au lieu de se « laisser corrompre » et « asservir ».
Dans un communiqué transmis ce 24 juin a la presse, l’ambassade américaine a qualifié de "graves" les accusations d’ "ingérence politique" dans la gestion de la police, contenues dans la lettre de Faveur. Si de telles accusations s’avèrent réelles, « cela est totalement inacceptable » a déclaré l’ambassade.
Les Etats-Unis estiment qu’il est « essentiel d’avoir une direction de police professionnelle, libre de toute ingérence pour avancer vers une résolution démocratique de l’impasse politique en Haiti ».
L’ambassade a fait savoir que cette démission n’aura pas d’effet sur l’aide américaine à Haïti, qui passe par les ONGs. En outre, elle a indiqué ne pas savoir ou se trouve Jean Robert Faveur. Des rumeurs persistantes laissent croire que Jean Robert Faveur se serait réfugié aux Etats-Unis.
Le Secrétaire d’Etat à la Communication, Mario Dupuy, a déclaré dans les medias le 23 juin, que le véhicule de service de Jean Robert Faveur a été retrouvé près de la frontière sud-est avec la République Dominicaine. Une enquête a été ouverte, a-t-il affirmé.
La démission de l’ex-Directeur de la police est la conséquence directe de l’attitude du pouvoir vis-à -vis des institutions du pays, selon des organismes de défense de droits humains.
Dans un entretien avec AlterPresse, le Directeur de la coalition nationale pour la défense des Droits des Haïtiens (NCHR) a expliqué cette démission par « le refus du pouvoir de consolider les institutions démocratiques ».
Pierre Espérance a pris le contre-pied de déclarations de plusieurs membres du parti au pouvoir qui ont accusé Jean Robert Faveur de trafic de drogue. "Toutes nos enquêtes sur la carrière de M. Faveur montrent qu’il n’a jamais été impliqué dans le trafic de drogue ou la corruption", a déclaré Pierre Espérance.
La Plate-Forme des Organismes Haïtiens de Défense des Droits Humains (POHDH) a, pour sa part, fait remarquer que la démission de M. Faveur était prévisible. Contacté par AlterPresse, le Secrétariat de la POHDH a annoncé une position concertée ferme."Un pouvoir qui ne respecte pas les institutions est enclin à violer les droits humains", a affirme un responsable.
On ne sait pas, pour le moment la situation exacte qui règne à la police après la démission de Jean Robert Faveur. Une source policière a indiqué à AlterPresse que le fonctionnement général de la police n’était pas perturbé. Une policière a cependant confié à l’agence qu’elle se sentait affectée par l’image d’instabilité que projette la police.
Par ailleurs, un reporter d’AlterPresse qui voulait photographier la façade de la Direction Générale de la police a été brusquement interrompu par un policier, lui disant qu’il n’était « pas autorisé ». [apr gp ijb rv 24/06/2003 22:30]