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Haïti – Noël 2006 : L’heure n’est pas à la fête

Depuis quelque temps, les activités religieuses et mondaines qui, traditionnellement, ponctuaient la fête de Noël en Haïti, diminuent considérablement. Raisons : une insécurité grandissante, la fuite des cerveaux et des capitaux, les conditions de vie précaires des familles haïtiennes. Bon an mal an, d’aucuns disent : Joyeux Noël quand même !

P-au-P, 23 Déc. 06 [AlterPresse] --- L’idée de fête est quasiment effacée dans la tête des familles haïtiennes qui font face à toutes sortes de difficultés dans un pays considéré autrefois comme la Perle des Antilles, un pays où il faisait bon vivre, constate l’agence en ligne AlterPresse en cette fin d’année 2006 et à l’aube de 2007.

La crise aiguë de l’insécurité, donnant naissance au phénomène du kidnapping, bouleverse les familles qui, déjà, sont en butte à de sérieuses contraintes socioéconomiques. Dans certaines zones de la capitale haïtienne, même les églises sont peu fréquentées.

Au centre commercial de Port-au-Prince, ils ne sont pas nombreux les gens qui s’y rendent, soit pour faire leurs emplettes, soit pour écouler leurs marchandises à l’occasion de la nativité 2006, observe AlterPresse.

Venise est une jeune femme qui savait vendre des articles de décoration lors de la fête de Noël. Dans une grande cuvette, portée sur sa tête comme un pot au lait, on ne trouve aujourd’hui que des articles de toilettes. La raison est simple : l’esprit n’est pas à la fête.

« Par le fait même qu’on commence à kidnapper et assassiner nos enfants, je ne vois pas pourquoi on est obligé de fêter. Tonton Noël ne mettra pas la pointe des pieds dans ce pays », s’indigne cette femme maîtresse de maison.

La fête de Noël, pour les chrétiens, commémore la naissance de Jésus de Nazareth qui, selon la tradition, serait né à Bethléem le 25 décembre de l’an 1.

Cependant, cette fête a toute une autre considération avec la mondialisation des échanges
culturels et la laïcisation de certaines sociétés.

Ce qui fait que les festivités liées à la Noël prennent progressivement un caractère profane et familial, et sont de plus en plus déconnectées de l’interprétation religieuse.

Ce rituel se retrouve également à l’échelle d’une population locale avec la décoration des rues et vitrines de magasin des villes et villages dès le début du mois de décembre (parfois même avant) de chaque année.

Pour les enfants, la venue du père Noël, sur les marchés ou dans les écoles pour apporter des jouets par milliers, reste toujours un idéal vers lequel il faut tendre.

En Haïti, la population semble ne pas espérer grand-chose de Tonton Noël puisque, durant tout le mois de décembre 2006, les enfants étaient et sont les principales cibles des preneurs d’otage qui ont forcé les établissements scolaires à fermer leurs portes.

C’est dans ce contexte controversé que le président René Préval a procédé, ce 22 décembre 2006, à la distribution de jouets aux tout-petits, lors d’une activité organisée au Palais national.

Parallèlement, une baisse considérable est constatée dans l’achat massif de cadeaux pour la fête de Noël qui résultait, dans le temps, en un pic dans la consommation, notamment sur les secteurs du jouet, du loisir et de la restauration.

En 2006, les sapins de Noël, l’un des symboles de cette fête, ne sont pas nombreux dans les vitrines des maisons de commerce ou de cadeaux. Certains magasins, au centre commercial de la capitale, ouvrent leurs portes jusqu’à la mi-journée pour éviter les exactions de bandits armés.

« Le rationnement du courant électrique ne nous permet pas d’installer même des sapins de Noël ; les kidnappeurs sont dans la ville. Je souhaite, malgré tout, que le père Noël nous apporte de la sécurité », déclare à AlterPresse un entrepreneur qui a requis l’anonymat.

Les boîtes de nuit, de leur côté, s’activent en dépit de la recrudescence des actes de kidnapping.

Pour le week-end de Noël, différents groupes musicaux de tendance « compas direct » sont à l’affiche.

Bon gré mal gré, Haïtiennes et Haïtiens, petits et grands, souhaitent que le père Noël apporte du changement, de la paix et de la stabilité pour Haïti.

« Joyeux Noël quand même », c’est ce qu’on peut lire dans les différents messages envoyés sur Internet. [do rc apr 23/12/2006 0:00]