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Haïti : Transport en commun, un casse-tête

Chaque jour, des passagères et passagers haïtiens risquent leur vie dans des véhicules de fortune. A Port-au-Prince, comme en province, ils sont nombreux à s’embarquer comme des harengs dans des véhicules de fortune à la recherche du pain de l’instruction, de quoi manger, etc. Une enquête de l’Institut haïtien de statistiques et d’informatique (IHSI) fournit des données actualisées sur cette réalité.

Par Djems Olivier

P-au-P, 21 Déc. 06 [AlterPresse] --- La production de transports routiers et maritimes en Haïti, constituée principalement d’unités informelles, est estimée au cours des deux dernières années à plus de 17 milliards de gourdes (37 gourdes = 1 dollar américain) avec une valeur ajoutée de l’ordre de 12.7 milliards de gourdes, révèle une enquête réalisée par l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI).

Par cette enquête, dont les résultats ont été publiés ce 21 décembre 2006 à Port-au-Prince, les autorités haïtiennes entendent mettre à la disposition des décideurs politiques et économiques des informations pouvant les guider dans la définition d’une politique de transports ou dans leurs décisions d’investir, selon Evens Joseph, Directeur général de l’IHSI.

L’enquête menée entre 2004 et 2005 vise également à « déterminer le poids réel du secteur des transports dans l’économie nationale et à contribuer à l’établissement d’une nouvelle base de la comptabilité nationale », précise le principal responsable de l’IHSI en présence d’un journaliste d’AlterPresse.

Il s’agit de la première enquête de cette envergure réalisée dans le pays dans le secteur des transports en commun. Elle a été notamment financée par la Banque interaméricaine de développement (BID).

Marco Nicola, représentant ad intérim de la BID, croit que la bonne organisation des transports en commun en Haïti demeure un élément indispensable pour la planification stratégique, la croissance économique et le développement durable.

« L’enquête sur les transports, dont vous disposez aujourd’hui, constitue un instrument de planification stratégique d’importance essentielle », déclare le délégué de la Banque interaméricaine de développement (BID).

Selon les résultats de l’étude, le transport collectif routier de passagers en Haïti représente plus de 80% de la production totale des unités informelles du système de transport public. Cette production, dont la zone métropolitaine de Port-au-Prince absorbe plus de 86%, est évaluée à 14.6 milliards de gourdes et une valeur ajoutée de 10.6 milliards.

« Port-au-Prince a grandi trop vite et, de toute évidence, sans un plan directeur. L’explosion démographique a saturé le système de voirie, le système d’adduction d’eau potable, le système de distribution électrique », constate Ronald Baudin, Directeur général du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF).

Parlant au nom de Daniel Dorsainvil, titulaire de ce Ministère, Baudin affirme qu’il existe des signes indéniables que la capitale haïtienne est en train de suffoquer.

« Nous sommes exposés, chaque jour, au spectacle affligeant de la cohorte de Port-au-Princiennes et Port-au-Princiens entassés pendant les longues heures de pointe à l’intérieur de véhicules de fortune exposés à la pollution et aux risques de la route », s’indigne le numéro 2 du MEF.

Ronald Baudin fait l’éloge des récentes mesures arrêtées par les autorités compétentes réglementant le secteur du transport dans le pays.

« Toute politique de transport devra prendre en compte les besoins de déplacement » liés aux normes d’occupation de l’espace et à la politique d’aménagement de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, a fait savoir le directeur général du Ministère des finances.

Baudin indique que les taxes d’immatriculation, d’inspection et celles sur les hydrocarbures sont des outils indirects, dont disposent les pouvoirs publics, pour effectuer la régulation de ce secteur à côté des instruments directs, notamment le code routier.

« Une action directe sur les infrastructures sera le moyen privilégié pour influencer le marché du transport », ajoute le haut fonctionnaire de l’Etat.

Selon Ronald Baudin, l’enquête de l’IHSI fournit en particulier des éclairages inédits sur les facteurs de risque et de rentabilité qui conditionnent le comportement des investisseurs qui font l’acquisition des équipements. Elle informe également sur la situation des chauffeurs qui vont s’atteler aux charges courantes, telles que l’achat de carburant en échange des rentrées qu’ils chercheront à maximiser en choisissant les meilleurs circuits.

« Le niveau de confort ou plutôt d’inconfort des passagers, la durée moyenne des trajets et le tarif des courses sont enfin des paramètres importants qui aident à cerner la demande », a précisé le Directeur général.

Les recherches de l’IHSI montrent qu’il existe des véhicules en Haïti qui roulent depuis plusieurs décennies.

« Le parc automobile du transport public est de fabrication relativement ancienne. Plus de 75% sont des modèles des années 1970 et 1980 ».

Par contre, les véhicules de fabrication récente représentent seulement 3.7% du parc automobile. Des pourcentages qui inquiètent le directeur général du Ministère de l’économie et des finances.

Cette enquête menée au niveau national n’a pas mis l’emphase sur le secteur du transport aérien.

Par ailleurs, le directeur général de l’IHSI souligne que le contexte sociopolitique, qui prévalait dans le pays en 2004/2005, rendait difficile la réalisation d’une telle enquête. [do apr 21/12/2006 13 :40]