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Taxes et restrictions pour les véhicules se rendant en République Dominicaine

P-au-P., 18 juin. 03 [AlterPresse] --- Les autorités de la République
Dominicaine viennent d’imposer de nouvelles taxes pour les véhicules en
provenance d’Haïti, qui traversent la frontière en direction du territoire
voisin, a appris AlterPresse.

En plus des 100 pesos réclamés par le secrétariat dominicain de
l’Agriculture, tout véhicule qui laisse le territoire de la République
d’Haïti est désormais assujetti à une taxe dite « frais d’assurance » payés
à une entreprise dénommée SEGUROS PEPIN, laquelle dispose d’un bureau à la
frontière. Sans le paiement de cette taxe (125 pesos dominicains + 35
dollars américains pour une camionnette double cabine, mais le montant de
taxe varie d’un véhicule à l’autre), les autorités frontalières ne donneront
pas de laissez-passer aux véhicules sortant d’Haïti.

De même, tout véhicule en provenance d’Haïti qui passerait plus de 15 jours
sur le territoire dominicain sera pénalisé d’une taxe supplémentaire. Au cas
où un véhicule en provenance du territoire haïtien reste un mois en
territoire voisin, les autorités dominicaines exigeront tout bonnement le
paiement de frais d’importation pour le véhicule en question, selon les
informations parvenues à AlterPresse.

Il a fallu récemment l’intervention de responsables de l’ambassade d’Haïti
accrédités à Santo Domingo, pour aboutir à la libération d’un étudiant
haïtien gardé à vue dans la capitale voisine, sous l’accusation d’avoir
contrevenu aux lois dominicaines relatives au délai de circulation d’un
véhicule étranger en territoire voisin.

Des dizaines de ressortissants ont émis, ces dernières semaines, des
plaintes auprès de l’ambassade d’Haïti à Santo Domingo, pour condamner cette
nouvelle forme d’abus de la part des autorités dominicaines qui usent,
quotidiennement et à tout bout de champ, de stratagèmes pour rançonner les
voyageurs en provenance d’Haïti et profiter de leur naïveté et de leur
méconnaissance d’informations en ce qui concerne les modalités de voyage.

Les agents du Centre Dominicain de Promotion des Exportations (CEDOPEX)
exigent de tout voyageur revenant en Haïti avec des marchandises de verser
une taxe supplémentaire à celle de 12 % (appelée ITBIS) déjà prélevée sur
tout achat effectué en territoire dominicain. De nombreux petits commerçants
haïtiens protestent régulièrement contre les abus dont ils sont victimes de
la part d’autorités dominicaines durant les jours de marché, notamment à 
Dajabon, frontière commune avec Ouanaminthe dans le nord-est d’Haïti.

Depuis plus d’une année, contrairement à auparavant, les voyageurs qui se
rendent dans des véhicules privés en République Dominicaine font face
quotidiennement à des actes de harcèlement perpétrés à leur encontre par des
démarcheurs de l’entreprise d’assurance PEPIN. Ces derniers leur indiquaient
sans cesse qu’ils devaient assurer leurs véhicules pour prévenir toute
éventualité.

En divers points de la frontière entre les deux pays, les agents
d’immigration dominicaine réclament régulièrement des voyageurs qui
traversent la frontière, pour la première fois, une taxe « sans couverture
légale » qu’ils appellent « droit de passage pour premier visa ». Les
voyageurs dont le visa dominicain a déjà expiré au moment de retourner en
Haïti doivent aussi payer une « taxe » dont le montant est fixé à la
discrétion de l’agent d’immigration de service, suivant le nombre de jours
écoulés après la date d’expiration du visa dominicain.

A rappeler que de nombreux petits commerçants haïtiens ont été victimes
d’une opération d’extorsion de la part d’autorités dominicaines. Après avoir
voyagé plusieurs fois (jusqu’à neuf fois, selon des cas enregistrés et
dénoncés en 2002 par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés - GARR)
avec un visa dominicain « en principe valide pour une année », ces petits
commerçants se sont vus refuser l’accès en territoire dominicain, sous
prétexte que leurs visas aient été falsifiés.

Non seulement les autorités dominicaines avaient apposé sur les passeports,
propriété de l’Etat haïtien, la mention « falsificada », mais aussi et
surtout elles avaient saisi les passeports de ces petits commerçants. Cette
décision avait porté des organismes de défense de droits humains en Haïti à 
se demander est-ce qu’il n’existait pas un réseau de « racketteurs » au
consulat dominicain à Pétionville, à l’est de la capitale haïtienne.

Depuis ces dénonciations, des changements ont été notés au sein du consulat
dominicain à Pétionville, en ce qui a trait au traitement accordé aux
demandeurs de visas dominicains. En revanche, des abus et actes de
harcèlement continuent d’avoir cours en divers points de la frontière et du
territoire dominicain contre des ressortissants haïtiens de la part
d’autorités dominicaines.

Interrogés par AlterPresse, des observateurs nationaux estiment que les
modes d’exploitation des ressortissants haïtiens par les autorités
dominicaines découlent de l’absence d’un Etat responsable dans le pays. Ils
en veulent pour preuve, non seulement la perpétuation des abus, mais aussi
la perpétration d’actes de violence, d’assassinats et d’autres actes de
violation de droits humains sur des ressortissants haïtiens.

Tout en mettant en garde contre d’éventuels actes de représailles de
nationaux contre la population dominicaine, avec laquelle des rapports de
bon voisinage sont entretenus de part et d’autre en divers points de la
frontière et à l’intérieur de la République Dominicaine, ces observateurs
rappellent que la mobilisation des organisations en Haïti a permis, en
maintes occasions, de freiner les ardeurs agressives et d’exploitation de
certaines autorités dominicaines.

Cette mobilisation, assortie parfois de mouvement de grève et de boycottage
des produits dominicains, et qui a bénéficié en certains cas de la
solidarité d’organisations dominicaines, a poussé beaucoup d’intermédiaires
dominicains à mettre une sourdine à leurs élans d’extorquer les petits
commerçants haïtiens qui exportent des cargaisons d’avocats de manière
informelle en territoire voisin. Elle a aussi entraîné un retrait de
certaines mesures de taxation prise par les autorités dominicaines à 
l’encontre des voyageurs en provenance d’Haïti.

Jusqu’à date, les autorités haïtiennes semblent observer une indifférence
marquante vis-à -vis de la complexité des relations entre les deux pays.
Seulement, elles avaient annoncé en 2002 avoir baissé les droits de
passeports pour les ressortissants haïtiens qui font la demande auprès des
consulats haïtiens établis sur le territoire dominicain. Elles avaient aussi
entamé une procédure de livraison d’actes de naissance à des ressortissants
qui seraient nés en territoire national haïtien et résidant sur le
territoire dominicain.

D’une part, un nombre inestimé de ressortissants nationaux, dont un fort
pourcentage d’étudiants, n’ont pas encore pu rentrer en possession de leurs
passeports, pour lesquels leur demande de renouvellement remonte à plusieurs
mois voire une année, selon un témoignage recueilli par AlterPresse en mars
2003.

D’autre part, la décision de remettre des actes de naissance à des
ressortissants « supposés » haïtiens est venue compliquer davantage les
revendications d’organisations de solidarité dominicaine qui plaident pour
l’application du jus soli, le droit du sol, en faveur d’êtres humains,
descendants d’Haïtiens (encore apatrides aujourd’hui), nés sur le territoire
dominicain et devant jouir de la nationalité dominicaine, comme le stipule
la Constitution du pays voisin. Par ailleurs, cette décision n’a pas été
accompagnée de dispositions structurelles adéquates, comme dans le processus
de vérification ou de confirmation de noms, et aussi dans le rythme
différent de production de cartes d’identité et de livraison d’actes de
naissance, ont rapporté à AlterPresse des voyageurs.

Faut-il rappeler que la vice présidente de la République Dominicaine,
Milagros Ortiz Bosch, avait admis publiquement en 2002 avoir vu le jour au
Cap-Haïtien, à 248 kilomètres au nord de Port-au-Prince. [rc apr 18/06/2003 19:30]