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Haiti : Pour une culture humanisante contre l’aliénation

Par Camille Loty Malebranche

Soumis à AlterPresse le 5 décembre 2006

La nature est un « mitsein » (être avec) imposé à chacun de ses éléments y compris l’homme. La gérance humaine de la nature est limitée (le vieux mot de Bacon en dit long « on ne domine la nature qu’en lui obéissant »). La culture, quant à elle, est mitsein construit par les groupes humains, lieu paroxystique de partage, d’échange et de rencontre. Culture, rencontre contingente, aléatoire mais aussitôt structurée, réglementée des hommes, rencontre des hommes avec la nature et entre eux, projection et saisie à la fois imaginaire et rationnelle du réel, projection qui détermine la nature sociale des peuples.

Mais avant d’aller plus loin dans notre démarche analytique, nous désignons par le néologisme « assingissement » le fait de folklorisation culturelle encouragée par l’occident dans « les pays exotiques », vocable sociocentriste et ethnocentriste plein de mépris. Vocable où une poignée de pays se désignent comme essentiels et pointent d’autres comme figurants et comme curiosités afin de nourrir les thèses des ethnographes et ethnologues des pays du centre, tout en offrant l’assouvissement au tourisme sexuel à l’instar de la satisfaction des besoins en matières premières des industries occidentales. Vocable nourri par volonté discriminatoire - comme jadis Colomb changeant en indiens le nom des indigènes du « Nouveau Monde » - de la suprématie blanche ou de la ploutocratie des pays nantis qui ont fait le colonialo-esclavagisme puis infligé l’impérialisme aux habitants de ces autres sociétés non blanches ou non nantis, dits du sud ou de la périphérie qui ont une existence géographique mais perçus inessentiels à l’histoire vu qu’ils n’ont pas été intégré dans la révolution industrielle et qui n’existent que pour servir de marchepied voire de spectacle à la suprématie blanche et au capitalisme le plus sauvage). Car c’est de cela qu’il s’agit : de la domination féroce de l’homme par l’homme ; de la réification diabolique de l’homme par l’homme !

Les pays du Nord, pour la plupart, une poignée d’anciens colons blancs européens et nord-américains, sont les seules sociétés de l’essentiel autoproclamés, les vrais tenants auxquels se réfère la phraséologie journalistique de leurs grands réseaux bêtement relayés par des folliculaires du sud, lorsque cette phraséologie évoque « le monde » ou la « communauté internationale ». Ce qui tend à « transformer les autres pays et sociétés en singes imitant le monde sans vraiment l’être », leur méconnaissant l’autonomie dans leur préhension et leur appréhension du monde. Le Nord, inféodant fortement les organismes internationaux est dans l’adage journalistique admis : « le monde » qui se prononce sur les problèmes planétaires, alors que la grande majorité des États en développement ou en ruine est leur ombre.

Écoutons à l’œuvre le jargon politico-diplomatique et journalistique actuel : quand la Corée du Nord fait un essai nucléaire, on nous dit qu’elle défie le monde ou la communauté internationale ; quand l’Iran veut enrichir de l’uranium, on nous crie encore qu’il méprise le monde ou la communauté internationale ; quand les palestiniens ont voté le Hamas, cette même presse du Nord mondialisée parce que relayée partout sur la planète nous intoxique par les mêmes rengaines et nous dit qu’ils ont choqué communauté internationale et défié le monde !

En Haïti, cette même communauté internationale dicte même comment respirer aux Haïtiens qu’ils endettent par le même coup sans laisser le moindre espace d’utilisation positive de leur soi disant aide qui retourne exclusivement en salaire à leurs envoyés sur le terrain et en financement des services et du matériel venus du même Nord mortifère dans l’agencement de ces dites aides… Sachant que l’appauvrissement permanent du dominé est l’arme du dominateur opulent, ils s’arrangent pour enfoncer sans cesse les pays de « la périphérie » dans l’ornière d’une politique de défaitisme programmé avec la complicité d’organismes internationaux, de certains O.N.G. et d’une frange stipendiée, vendue et lugubre de ce qu’on appelle dans le même jargon politico-diplomatique contemporain et qui, dans sa vraie face est absolument salvatrice pour les États du Nord comme du sud : la société civile.

Mais la « communauté internationale », « le monde » veille à ne pas laisser la vraie société pleinement opérante et efficace dans les « pays de la périphérie ». Communauté internationale, communauté de prédateurs au nom de la ploutocratie capitaliste masquée en démocratie pour pérenniser la paupérisation programmée depuis l’ère des colonialismes révolus. Ici, je me rappelle les propos de Bill Clinton lors du retour d’Aristide pour soi disant restaurer la démocratie en Haïti : « Nous n’allons pas aider à rebâtir un pays totalement écrasé… » Parole flegmatique et sinistre qui confirme le projet blanc dans les pays non blancs, pour la plupart dits de la périphérie. On n’aide pas à la reconstruction mais à l’enlisement par le maintien crapuleux de la pauvreté qu’on a tissée par les colonialismes comme par la France éhontée qui garde encore l’argent de la subvention de ses colons esclavagistes criminels contre l’humanité, imposée à Haïti pour lui porter le dernier coup de sa destruction économique lors de son démarrage comme nouvel état-nation sur la planète.

Pour faire digression, disons au moins ici que cela est terrible et désastreux quand on sait l’importance de l’accumulation primitive du capital pour tout état qui se construit. Soi dit en passant que le nouveau président élu d’Haïti jusque là ne donne aucun signal de négociation d’une formule de retour de cet argent injustement pris au pays par l’ancienne métropole qui fait tout pour confondre cette subvention aux colons déchus avec des réclamations autrement compliquées de réparation des torts de l’esclavagisme colonial. On sait bien que ce n’est nullement le même cas de figure ni la même occurrence juridico-légale. Sinon les juifs n’auraient pas pu recouvrer des comptes allemands dans les banques suisses, leur argent volé par les nazis ! Une fois la trace d’un vol d’État est reconnue, cet État doit rembourser l’argent volé. Hélas notre presse du sud est submergée par la pollution les bruits du Nord dont elle est souvent l’écho et oublie parfois malgré sa bonne fois, de poser les vrais problèmes !…

Le ver dans le fruit

Retournons à notre préoccupation première dans cet article. Pourquoi les pays d’Afrique noire ou d’ascendance négro-africaine de partout dans leur majorité, ne réussissent-ils pas à sortir du guêpier en partie blanc de la paupérisation ? D’abord, on le sait, le continent africain est un des plus riches au monde par les ressources naturelles du sol et du sous-sol. Cela est incontestable. Mais la malédiction nègre est dans le tribalisme jamais transcendé pour construire un consensus social à l’échelle des états redéfinis par l’hégémonie blanche au temps de la colonisation précisément pour piéger l’Afrique et la placer en condition permanente d’instabilité ou tout au moins de fragilité ethnique et socio-politique après les « décolonisations » ou plutôt pour être clair, après les départs physiques des colons. Ici la guerre ; là, le banditisme social, l’hécatombe, le génocide, les immenses bidonvilles de non droit…

Chez nous, afro-caribéens, malgré la longue durée de la baratte coloniale et le métissage, l’instinct mortel du tribalisme revient récurrent et effroyable hanter l’organisation sociale et politique. Mulatrisme et noirisme en sont des formes inavouées. Mais pire, le clientélisme électoraliste, le manichéisme politique et l’esprit violent et meurtrier de clan ou de camp sociopolitique récemment exacerbé par une idéologie partisane de déchirure sociale et de déchéance après la chute de l’affreuse dictature en 1986, contribuent à orchestrer la funèbre marche au supplice qu’on constate aujourd’hui. Notre lumpen-bourgeoisie, nos présidents-rois, nos premiers ministres archiducs jouant grossièrement au mépris de tout ce qui n’est pas de leur camp à moins que ce soit par froid calcul pour protéger leur propre pouvoir, sont loin d’être ces êtres dignes de rassembler les meilleurs pour le meilleur. Mais que leur importe ! La politique du vide et du pire paie à leur clan, leur soi disant base ! Ainsi, la mentalité tribaliste - qui fut si brillamment et justement combattue à l’antécédent même de notre fondation étatico-nationale, je cite les chefs de groupes éliminés pour créer Haïti (rappelons-nous Christophe éliminant Sans-Souci refusant d’abandonner sa crasse mentalité tribaliste de chef de groupe) - est devenue l’effigie morbide et sordide d’une société simiesque en déroute.

Pour la transcendance victorieuse par la culture

Pour l’homme, la culture est manifestation transcendée de la nature par la conscience transcendante, l’homme étant le seul être à se projeter et à projeter l’univers devenu monde par les signes émanés de lui qu’il interprète de même que les symboles qu’il y applique dans la pensée et l’action, ces sèves du rapport à soi, au semblable, au temps, à l’espace, à l’autre en général, rapport plural qui engendre l’imaginaire et le réel. Rapport à l’être et à ses situations, rapport aux contingences et nécessités, rapport donc de l’homme à l’univers dans toutes les dualités perceptives : immanence – transcendance ; foi – absurde ; Dieu – néant, ces attributs humains de la société et de l’histoire qui signalent notre dimension d’esprit au-delà de ce qu’on désigne comme animal humain.

Toutefois, pour le social, disons-le, la culture : c’est le soi social étant l’essence différentiante des sociétés. C’est-à-dire l’identité même de chaque société. Autant une société ne peut être un simple regroupement d’individus sur un territoire, autant donc toute société émane de la somme des valeurs manifestées par des signes, des symboles référant les uns et les autres au vouloir-vivre social et à la « téléologie collective » (but immédiat et surtout lointain projeté par la communauté sociale). N’oublions pas que le signe émane d’un être présent qu’il présente alors que le symbole est projeté sur un être absent qu’il représente. Le signe évoque voire révèle la nature d’un être tandis que le symbole prétend simplement le représenter. La société - naissant des mythes fondateurs qui la structurent dans l’imaginaire des individus, des classes et déterminent son type de gérance humaine et institutionnelle voire le rapport interindividuel et entre lesdites classes - est donc une matérialisation dans les faits de la somme des signes et des symboles de son origine et de son évolution.

Haïti, terre de métissage divers et de dualismes extrêmes est un pays à identité forte. Sa face ethnographique et la truculence des héritages de son origine font que le vocable de culture y tient lieu d’un concept complexe qu’on ne peut aborder par les lorgnettes réductrices ou émotives coutumières. En tant que carrefour de rencontres des civilisations amérindienne (taïno), européenne, africaine, brassées de force dans la baratte tropicale par ces actes d’assassinat des identités que furent les colonialismes, la hantise des douleurs historiques font de l’haïtien un être multiple et souvent une conscience de déchirement dans le rapport à soi et au monde. La violence et l’effraction coloniale du métissage ont au départ fait de ce qui constitue en soi une richesse, un abîme de conflits intérieurs inassumés. D’où une folklorisation de l’être collectif haïtien par la tendance des culturalistes de tout ressort (théoriciens et promoteurs souvent excentriques de la culture).

Figés dans le passé comme des morts, ils ne font rien qui puisse poser la culture comme projection, comme propulsion futurologique de la nation. Déracinés, en effet, des mythes fondateurs authentiques : la valorisation du noir en Amérique, le refus de la colonisation sous toutes ses formes, la contribution à la libération de l’homme universel, nos pseudo théoriciens ont subi un repli sur soi, multipliant une démagogie indécente dans leur nombrilisme surenchérissant « de la geste de 1804 », geste combien galvaudée d’ailleurs par ces maîtres de la surenchère. Ces nationalistes culturalistes sont précisément de ceux qui ont anéanti et continuent d’anéantir le possible haïtien.

À entendre parler nos culturalistes, l’univers haïtien n’aurait que deux dimensions : le vaudou et le créole en dehors de quoi c’est le néant. Pourtant ces culturalistes dans leur sécheresse ne proposent rien contre l’aliénation culturelle galopante, c’est-à-dire cette absence de sélectivité dans l’adoption des mœurs occidentales hypermédiatisées. Car à côté de la face rigide de la culture, celle qui revêt une ipséité originaire, un ancrage ethnique comme le vaudou que je désigne, hormis son ethnicité, avec les autres religions protestante et catholique en tant que paramètre important de la culture nationale, il y a les formes flexibles, versatiles de ladite culture que j’appelle sociale et qui se manifestent par les pratiques de la vie quotidienne. Des exemples : la manière de manger qui voit certains citadins manger des céréales en boîte pour déjeuner, la manière d’approcher l’autre sexe, la manière même de faire l’amour, les loisirs, l’influence extrême de la télévision d’abord et moindrement du multimédia…

Cette espèce d’adaptation des niaiseries des « soap opera » (top modèles, les feux de l’amour) qui réinventent les rêves de la fille et la galanterie du jeune homme haïtiens, la mode vestimentaire sans oublier la consommation compulsive des biens et gadgets onéreux, cette dernière étant l’une des pires tares de la société haïtienne vu la fuite des devises qu’elle entraîne. Là, dans cette face flexible de la culture, l’aliénation sévit comme le meurtre du mental sain auquel elle substitue des pulsions irrationnelles, des réflexes malsains, des rêves expropriés où, par un étrange goût de l’étranger à soi, la société haïtienne se nie et dénie ses valeurs. Voilà pourquoi, je préfère parler d’entraliénation c’est-à-dire d’un pacte obscur entre le victimaire froid effaceur et la victime consentante s’identifiant à l’objet même de son effacement ! Ce miroir aux alouettes de l’haïtien asservi dans son mental et qui croit se libérer par le folklore et le culte tout en gardant les thèses même de la sociodicée occidentale (c’est-à-dire la justification des horreurs sociales telles l’individualisme, le racisme ici commué en colorisme, l’économisme tout en blâmant les victimes). Un ordre infect et pathogène à briser.

La crise spéculaire (c’est-à-dire, une crise venant de ce miroir faux de valeurs fausses nous renvoyant l’envers de nous-mêmes), s’effacera si les élites s’attachent à brandir une autre vision du mérite social et de la construction collective. Car jusque-là, se pâmant dans la mollesse de leur appartenance à cette néoculture médiatique une bonne frange de nos élites se mesure et se distancie des majorités qui, elles, se lamentent d’ailleurs de ce manque, cette non appartenance qu’elles ne subissent que par faute d’argent. Une bonne part de la bourgeoisie haïtienne ne voit dans le pays qu’un instrument d’enrichissement. Instrumentalisation honteuse et fatale de tout un pays ! (Remarquez que le terme d’ailleurs est mal défini en Haïti où il y a beaucoup de riches mais peu de comportements bourgeois, car il faut le dire aussi, l’investisseur industriel quelque soit ses origines ou sa couleur, est quand même et de loin plus digne et plus vrai bourgeois que tous ces vils millionnaires des régimes politiques récents qui se gargarisent de nationalisme de colorisme en général noiriste sans jamais rien investir ni risqué au pays). Les manières philistines, gonflées, simiesques de la majorité de nos riches qui ne proposent rien que leur appartenance au mode de vie occidental, constituent une malédiction pour le petit pays qu’elles étouffent.

Quant aux politiciens corrompus, qui, substantialisent l’argent détourné et volé de l’État haïtien sans même l’investir alors qu’ils auraient dû être jugés et condamnés à le restituer tout en allant en prison, comme ces ex ministres haïtiens vivant à l’étranger avec la complaisance de leur pays d’accueil, et qui - sans travailler - mènent une vie de riches depuis vingt ans, après avoir dépensé au temps de leur règne toutes les devises du pays par des importations de luxe et des comptes ouverts en banques étrangères. Eux qui voudraient être pris pour des êtres dignes voire des hommes d’honneur, qu’ils sachent que la bête sociale même, telle la fourmi collabore à la vie collective, alors que, eux, ils ont détruit le pays qui les a honorés et fait riches. Un peu comme cet ancien ministre haïtien d’un dictateur rétrograde, exilé qui se dit idiotement bourgeois avec une impudence éhontée malgré les corruptions évidentes de la plupart des ministres de ce gouvernement passé auquel il appartenait ! Voilà pourquoi nous soutenons que la justice doit exister contre les destructeurs arrogants d’Haïti.

Seule une culture défolklorisée, rationnelle, étendue dans le sens de l’amélioration des mentalités et comportements peut sauver Haïti de ce gouffre pathologique et antisocial où ces élites insanes l’entraînent. Ni élitisme ni populisme ne peuvent respectivement dans leur intumescence ou grivoiserie délivrer la société de ses chaînes. La culture a pour vocation d’être non élitiste mais élitaire en tant qu’elle doit améliorer l’homme et l’émanciper pour la société en vue de le rendre plus positif dans le mitsein social et l’éthique nécessaire qu’implique tout mitsein. L’assingissement évoqué dans les propos liminaires de cet article, tel qu’il se fait de nos temps dans un monde haïtien si vide d’estime du soi ethnique et national et qui ne sait guère intégré les perles de l’occident sans patauger dans les vilenies de l’occidentalisme, ne cessera que par des élites désaliénées et engagées. Il faut que les intellectuels authentiques, les haïtiens libérés, les vraies élites aient le soutien du ministère de la culture - resté jusque là ministère de l’inutilité et de la sinécure à l’image de l’État haïtien lui-même qui s’est toujours fait la triste vocation d’État-Moloch avec ses tares centenaires effaçant le fonctionnement structurel - soit réadapté aux vrais problèmes de l’aliénation sociale haïtienne.
Les mythes fondateurs en tant qu’imaginaire qui ouvre l’histoire en créant la société dès lors supérieure à la simple fatalité d’une communauté géographique d’existence, doivent être réajustés. Certes, on ne réinvente pas l’essence ethnique (à moins de pratiquer une politique de métissage intense sur plusieurs décennies ou siècles par l’immigration et la favorisation des mariages interethniques) mais on peut commencer par améliorer l’identité de la société par la transformation de l’État. Toutes les grandes réformes ou révolutions l’ont fait à travers l’histoire. Des élites choisissent les métamorphoses positives ou négatives désirées de leur société. Cette flexibilité se constate facilement dans le cas d’un pays comme la Russie passant en moins d’un siècle du tsarisme (monarchie) des Romanov au bolchevisme unioniste de Lénine puis au capitalisme républicain des Gorbatchev et Eltsine. Là, nous avons la preuve que l’identité, terme clé de la culture et qui, pourtant, réfère à la nature sociale ; identité qui est unicité parmi tous les ressemblants posés par elle comme altérité vis-à-vis du reste du monde, doit être une responsabilité de l’État au lieu d’être abandonnée à des turlupins de culturalistes en mal de discours.

La presse haïtienne - surtout les chaînes de télévision - a une lourde tâche. Au lieu de présentations grivoises et populacières de grossièretés chansonnières avec leurs obscénités ou des impropriétés par manière de récréation permanente, la presse, et en particulier, la télévision haïtienne doit contribuer à la recréation du mental collectif loin de ces phares des ténèbres que constituent la dégradation culturelle pour la jeunesse victime des grivoiseries et pollutions médiatiques à la Britney Spears tenant du modèle de certaines chaînes de télévision des sociétés de basse consommation du Nord. Les médias pourraient privilégier des productions comportant des messages de désaliénation sur fond de comique et encourager le vrai art chansonnier, musical ou autre. Tout est à faire dans ce domaine. L’évasion doit rejoindre l’amélioration sur nos chaînes. En croyant s’évader nos téléspectateurs s’élèveront et seront remodelés mentalement pour la libération par l’exemple proposé dans les programmes éducatifs sans en avoir l’air ! Car il est honteux de s’abandonner, voire de se pâmer dans la facilité et la récréation débile lorsque la recréation du mental par la culture réformée demeure la seule voie du changement positif.

Puisse une revalorisation de nos mythes fondateurs ajustés à nos nouveaux besoins nous permettre un nouveau projet collectif et national, une autre projection positive de notre société, notre ethnie !

Que ce que j’appelle la désignification , cette forme de crise d’être où tout est altéré, crise tellement pire que la crise d’identité, soit exorcisée pour le devenir digne et désaliéné de notre société. Alors et alors seulement la société rompra le statut folkloriste de singes en cage acrobates et épidermistes c’est-à-dire complexés par l’étranger, l’origine ethnique, la couleur claire de la peau et l’argent - singes qui s’ébattent et se tyrannisent mutuellement pour les rieurs froids du Nord s’esclaffant à nos dépens ! Car le Nord a une approche behavioriste dans la programmation de nos bêtises ou tout au moins de leur maintien, de leur encouragement, leur exacerbation voire leur incitation.

Ni l’art ni le culte ne sauvent un pays sans une politique globale qui, entre autres, doit être culturelle pour leur assigner, au-delà du folklore ou de l’élitisme confinant, un rôle d’élite c’est à dire d’amélioration des mentalités au niveau du réflexif qui influencera jusqu’aux réflexes du comportement social ! Car si l’homme individuel s’accomplit par la métaphysique et en Dieu, l’homme collectif (le citoyen ou la société) ne se réalise que par la politique et en l’homme engagé à faire ou à refaire l’histoire.

Que par une réforme plurielle et élitaire de la culture vienne la nouvelle humanité haïtienne !

Montréal, le 21 novembre 2006