Par Wooldy Edson Louidor, Envoyé spécial
Cochabamba (Bolivie), 9 déc. 06 [AlterPresse] --- Des délégués de mouvements sociaux sud-américains au Sommet Social pour l’intégration des peuples, tenu à Cochabamba (Bolivie) du 6 au 9 décembre, considèrent cette rencontre comme une « grande opportunité pour l’Amérique latine de tourner les yeux vers Haïti ».
Des militants se sont ainsi exprimés durant un atelier intitulé « Haití : Qué hacen las tropas militares sud-americanas allí ? » (en français, Haïti : que font les troupes militaires sud-américaines là-bas ?). Près d’une cinquantaine de Brésiliens, Argentins, Chiliens, Péruviens, Vénézueliens, Boliviens, mais aussi des Basques, des Portoricains et des Dominicains, entre autres nationalités, ont pris part aux échanges.
Les travaux ont été conduits par Juan Roque, un délégué argentin du réseau de mouvements sociaux Jubileo Sur Américas (JSA), et les deux délégués haïtiens, Camille Charlmers et Ginette Joseph.
Le contexte haïtien a été dressé, avec notamment des informations sur la présence de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH) et ses conséquences les quartiers populaires de la Capitale haïtienne, Port-au-Prince.
Les conférenciers ont été interrogés sur la situation actuelle du parti Lavalas (de l’ex-président Jean-bertrand Aristide), sur les évènements du 29 février 2004 lors de la chute du gouvernement lavalas et l’implication des « puissances impérialistes », sur les relations entre Haïti et la République Dominicaine et l’image projetée par les médias de l’action de la MINUSTAH en Haïti.
Juan Roque a présenté le positionnement de JSA suivant lequel les troupes armées de la MINUSTAH son considérées comme une force militaire « qui a échoué dans ses principaux objectifs, qui est sans destin, incapable d’offrir de la sécurité aux citoyens haïtiens et de créer un climat sûr et stable en Haïti ». Il a aussi signalé une investigation en cours de JSA sur les impacts des troupes militaires de la MINUSTAH en Haïti.
Le JSA a déjà organisé deux missions en Haiti en coordination avec d’autres mouvements du continent américain et de l’Afrique. Au cours de ces deux missions, JSA a rencontré des autorités haïtiennes, des intégrants de la MINUSTAH, des citoyens de la société civile, en vue de compiler des témoignages et d’autres données pertinentes, a ajouté Roque.
Sur la base des données tirées de ces investigations, Juan Roque a expliqué que JSA s’est adressé aux gouvernements sud-américains (qui ont des troupes militaires en Haïti) et a enclenché une lutte pour le retrait immédiat des troupes militaires de la MINUSTAH et l’annulation de la dette externe d’Haïti.
Pour leur part, des dirigeants brésiliens de Movimiento de los Sin Tierra (Mouvement des Sans Terre) ont exprimé la désapprobation par les mouvements populaires au Brésil de la décision du gouvernement de Lula d’envoyer des militaires brésiliens en Haïti. « Nous sommes surpris du fait qu’un gouvernement populaire ait pu assumer une attitude si impérialiste à l’égard d’Haïti », a dit un militant brésilien.
Une délégation de 20 brésiliens se rendra en Haïti en mars 2007 pour apporter de l’aide humanitaire au peuple haïtien. Cette délégation sera composée de dirigeants de Movimientos de los Sin Tierra experts en agriculture, des ingénieurs, des techniciens de la santé et d’autres professionnels.
Parallèlement, une déléguée brésilienne a parlé d’une tournée que l’organisation sociale à laquelle elle appartient est en train de réaliser dans tous les départements du Brésil. L’objectif de cette tournée est, a-t-elle précisé, d’informer le peuple brésilien et de créer des débats publics dans les écoles et les universités autour de la présence et des actions des troupes militaires brésiliennes en Haïti.
Cette campagne d’information vise, a-t-elle renchéri, à contrecarrer l’opinion véhiculée par le gouvernement de Lula et des Forces Armées Brésiliennes selon laquelle la présence des contingents militaires brésiliens en Haïti constitue un grand succès pour le Brésil. Le président Lula et les différents généraux de la MINUSTAH n’ont jamais cessé de présenter aux médias brésiliens ce « succès » comme l’exemple du leadership du Brésil en Amérique du Sud, dans le continent américain et dans le monde, a-t-elle déploré.
Un délégué chilien a mentionné l’urgente nécessité d’informer le peuple chilien au sujet de ce que les troupes de son pays sont en train de faire réellement en Haïti. Selon lui, l’action des soldats chiliens en Haiti ne colle pas avec l’image du soldat « donnant des chocolats à des petits Haïtiens », qui est projetée à travers les médias.
Une déléguée bolivienne a insisté sur le rôle critique que les « moyens de communication alternatifs » et les organismes de droits humains sont appelés à jouer dans la diffusion des informations sur la réalité des pays voisins.
Des déléguées vénézuéliennes ont affirmé être prêtes à collaborer avec Haïti, aussitôt que le nouvel ambassadeur de leur pays en Haïti prendra ses fonctions. Elles ont promis d’articuler des actions de solidarité avec Haïti, concrètement dans la lutte des mouvements populaires haïtiens contre « l’intervention militaire onusienne téléguidée par l’impérialisme américain ». [wel gp apr 09/12/2006 08:00]