Español English French Kwéyol

Les recherches sur le Sida largement influencées par la pensée occidentale, selon une spécialiste haïtienne

Kenscoff, 1 dec. 06 [AlterPresse] --- Les recherches scientifiques visant à donner des explications satisfaisantes sur l’épidémie du Sida sont largement influencées par la pensée occidentale au détriment des pays du sud, où cette maladie est la plus répandue, estime Rose-Anne Auguste, spécialiste en Santé publique.

Infirmière de formation, Rose-Anne Auguste passe en revue quatre approches scientifiques qui tentent d’expliquer cette pandémie. Il s’agit de l’approche de Santé publique qui fait valoir que « le Sida est causé par le VIH », l’approche dissidente qui prend le contre-pied de cette dernière en voyant le Sida comme une condition pathologique plutôt qu’une maladie ; un syndrome qui inclut plus de 30 maladies différentes.

Elle fait également référence à l’approche d’inégalité sociale sur laquelle a toujours insisté le docteur Paul Farmer et l’approche critique de l’anthropologie médicale qui estime que « les déterminants historiques, politiques, sociaux et économiques sont plus importants que la culture et le comportement dans l’explication du VIH/SIDA et de son expansion. »

« La pauvreté, la guerre, le racisme, la discrimination de genre, les programmes d’ajustement structurel, le déplacement de populations et la migration sont reconnus comme des facteurs de risques au Sida », explique la spécialiste en Santé publique.

Rose-Anne Auguste intervenait, le 30 novembre 2006, à une table ronde organisée par l’organisation ActionAid sur les stratégies caribéennes d’habilitation des personnes vivant avec le virus du Sida.

Son intervention était centrée sur les « Controverse dans les approches scientifiques de la gestion du Sida : Impact des idéologies dominantes sur l’explication de l’épidémie » en Haïti et à Cuba.

En présence de l’épidémiologiste cubaine, Maria Elena Alonzo Gomez qui articulait autour du même thème, Rose-Anne Auguste a expliqué à l’assistance les progrès déjà réalisés par le régime de Fidel Castro en matière de lutte contre l’épidémie du Sida, et ceci en dépit d’un blocus économique existant depuis la révolution castriste.

Selon elle, au niveau primaire, l’État cubain a pu mettre à la disposition de sa population 17,217 bureaux à travers tout le pays, 444 polycliniques très bien équipées. Au niveau secondaire, 267 hôpitaux provinciaux ou municipaux et 14 sanatoriums à travers le pays sont mis en place.

En ce qui concerne Haïti, Rose-Anne Auguste affirme que c’est en 1986 que le Ministère de la Santé Publique a commencé à s’intéresser à la question. La panéliste indique que « le contrôle de l’épidémie échappe à l’État haïtien depuis le début » et l’Université n’a pas joué son rôle d’avant-garde dans la recherche de solutions à cette maladie qui a une portée sociale.

« L’Université d’État d’Haïti est le grand absent dans le débat autour de la problématique du Sida », signale la conférencière qui estime que la Faculté des Sciences Humaines devrait être la première à réfléchir sur la question.

Pour combler ce vide constaté dans la lutte contre cette maladie, Rose-Anne Auguste croit que les autorités haïtiennes devraient repenser les politiques de santé dans le pays, réorienter la coopération en santé avec les partenaires internationaux, réorganiser le système de soins, évaluer les approches de recherche en santé et réorienter la politique de formation des cadres.

« L’État haïtien n’a pas une politique de formation de ses cadres. Ces derniers sont façonnés par des universités étrangères – et compte tenu de l’absence de l’Université d’État d’Haïti comme actrice pour faire des recherches sociales et médicales sur la question – qui ont le leadership sur la gestion de recherches scientifiques sur le Sida dans notre pays », lâche Rose-Anne Auguste.

La conférencière plaide également en faveur de la démystification la médecine en Haïti et de la cohabitation de la médecine traditionnelle avec la médecine scientifique. Elle préconise la mobilisation organisationnelle consolidée des PVVIH, l’appui de la mission médicale cubaine dans une cohabitation avec le différents experts/ intervenants dans la gestion du SIDA ainsi que les représentations des PVVIH et des groupes féministes pour construire un meilleur cadre interprétatif de l’épidémie.

Selon Rose-Anne Auguste, les stratégies à utiliser pour atteindre ces objectifs devraient passer notamment par l’intensification des débats sur les anomalies de la gestion du SIDA à travers un calendrier de rencontre entre les différents acteurs du pays, l’organisation de forum biannuel entre chercheurs cubains, dominicains, haïtiens sur la problématique de la gestion du Sida incluant une forte participation des PVVIH.

Elle propose également l’organisation de rencontres biannuelles entre PVVIH cubains, dominicains haïtien et d’autres pays si possible, ainsi que l’organisation de forum annuel de médecins feuilles de la Caraïbe. [do apr 01/12/2006 12:00]