Kenscoff (Haiti), 30 Nov. 06 [AlterPresse] --- Des délégués de plusieurs organisations haïtiennes et étrangères engagées dans la lutte contre la pandémie du Sida participent à une table ronde sur les stratégies caribéennes d’habilitation des personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH), constate l’agence en ligne AlterPresse.
Convoquée par l’organisation non gouvernementale ActionAid, cette table ronde ouverte à Belot, (petite localité de Kenscoff située à l’est de la capitale) le 29 novembre 2006, est perçue comme un espace d’échanges et de débat entre spécialistes de la santé, PVVIH et organisations travaillant avec les personnes infectées.
Les premiers panélistes de la journée, dont le docteur Émile Hérald Charles de la Fondation Sogebank, ont abordé le thème « Tendances et Impacts de la pandémie du VIH dans la Caraïbe. »
Le docteur Charles met l’accent sur la manière dont les fonds disponibles pour les personnes infectées sont canalisés. Selon lui, certaines organisations, parfois sans structure, s’enrichissent au détriment des PVVIH.
Il attire l’attention sur le phénomène de la stigmatisation qui isole de plus en plus les PVVIH, tout en précisant que les anti-rétroviraux (ARV) ne sont pas accessibles à toutes les personnes vivant avec le virus du Sida.
« La stigmatisation doit cesser même à l’intérieur des hôpitaux. Des médicaments pourrissent dans les pharmacies de certains hôpitaux à cause de la stigmatisation », dénonce le docteur Émile Charles.
Un deuxième panel, constitué des docteurs Yves Lambert de l’Association pour la Promotion de la Santé Intégrale de la Famille (APROSIFA) et Michel J. Westerbs de « Zanmi Lasante » (Amis de la Santé), a traité le thème « Pauvreté et VIH en Haïti. »
« Le Sida est avant toute chose un problème social, un problème économique. Il est difficile de résoudre ce problème si on le prend uniquement sur le plan médical », affirme le docteur Lambert.
Selon le spécialiste de la santé, le Sida existe partout et occupe la première place parmi les 30 maladies infectieuses découvertes au cours de ces dernières décennies. Le docteur Lambert relève qu’à l’heure actuelle, plus de 40 millions de personnes vivent avec le virus du Sida à travers le monde.
« Le Sida n’est pas seulement une crise humanitaire, mais aussi a des impacts sur le plan social et sur le plan économique. C’est une maladie qui intéresse toutes les spécialités médicales », précise l’Infectiologue qui apporte son concours aux PVVIH depuis une quinzaine d’années environ.
Données à l’appui, le docteur Yves Lambert indique que 95% de ces 40 millions de PVVIH se retrouvent dans les pays sous-développés. Après l’Afrique Subsaharienne, soutient-il, la Caraïbe où se trouve Haïti, est la plus touchée par cette pandémie.
Le docteur Lambert reconnaît toutefois que des efforts ont été consentis pour diminuer le taux de prévalence. Toutefois, « les résultats ne sont pas satisfaisants, car les outils de communication utilisés ne sont pas adaptés à la réalité », ajoute le spécialiste de l’Infectiologie.
Yves Lambert admet que le faible niveau de formation de la population et la situation d’extrême pauvreté, dans laquelle vivent certaines familles, ouvrent la voie à la propagation du virus du Sida.
« Nombreuses sont les femmes qui sont obligées d’attraper le Sida pour résoudre les problèmes de la faim », se désole le panéliste.
Malgré tout, le docteur Lambert croit qu’il est quelque peu difficile d’exhorter tout le monde à faire le test de dépistage à cause du manque de moyens aptes à aider les personnes séropositives à mieux affronter cette maladie.
« Si nous voulons être beaucoup plus efficaces, nous devrions engager un dialogue franc entre les pays riches et les pays pauvres » en vue de voler au secours des PVVIH, pense le docteur Yves Lambert.
« La maladie du Sida est l’une des dernières occasions qui nous sont offertes pour apprendre à aimer les autres », ajoute le spécialiste.
L’intervention du docteur Michel Westerbs comportait des informations également sur les actions menées par « Zanmi Lasante » dans le Plateau Central (Nord-Est). Avec ce programme, le responsable de ce centre hospitalier basé à Cange (petite localité de Boucan Carré) informe que 48,000 personnes sont dépistées chaque année.
D’autres actions visant à satisfaire les besoins communautaires de la population sont également réalisées, selon le docteur Michel Westerbs. Ces actions concernent l’éducation des enfants et adultes, l’accès à l’eau potable, la mise en place d’un programme nutritionnel avec l’appui du Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unies ainsi que des initiatives visant une meilleure exploitation de l’agriculture.
Le délégué de « Zanmi Lasante » croit que le défi à relever aujourd’hui reste la question de la pauvreté et le phénomène de l’insécurité qui affectent tous les secteurs du pays. « Récemment, cinq personnes de Zanmi Lasante ont été kidnappées », signale le docteur Westerbs.
La journée du 29 novembre 2006 a été clôturée par deux autres interventions sur la « Violence faite aux femmes en Haïti » et sur la « Stigmatisation et Discrimination contre les PVVIH. » A ces panels, des délégués de la République Dominicaine, dont Ramón Acevedo du Conseil présidentiel du Sida, ont également partagé leur expérience en matière de lutte contre la pandémie du Sida. [do 30/11/2006 09 :00]