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Haïti-Sida : Entre stigmatisation et discrimination, les PVVIH s’organisent

Dans les grandes villes, comme dans les campagnes haïtiennes, l’accès au travail semble de plus en plus limité pour les personnes vivant avec le virus du Sida, les PVVIH. Dans ce pays, où le taux de chômage bat tous les records, même ceux ou celles qui jouissent d’une bonne santé connaissent toutes les peines du monde lorsqu’il faut trouver un emploi.

P-au-P., 27 nov. 06 [AlterPresse] --- A Petit-Goâve, des personnes, vivant courageusement avec le virus du Sida, décident de monter une association pour entreprendre des activités génératrices de revenus. Avec le soutien de l’Organisation panaméricaine de la santé/Organisation mondiale de la santé (OPS/OMS), ces personnes ont finalement bénéficié d’un programme de micro-crédit dénommé « epay kenbe Lavi » financé par la Banque interaméricaine de développement (BID).

« Nous avons été stigmatisés par ceux-là même qui devraient nous protéger, nous encadrer, dit Nadine, coordinatrice de l’ACVIH, une organisation fondée en janvier 2005 composée majoritairement de personnes séropositives. L’association a été conçue pour assister financièrement les personnes infectées, c’est la caisse d’assistance économique et sociale de cette catégorie d’Haïtiens exclue par une grande partie de la population. »

Nadine voit cette initiative comme une réponse aux comportements discriminatoires de certaines gens qui considèrent les PVVIH comme une menace pour la société. « A Petit-Goâve, beaucoup de malades du Sida ont du mal à trouver du boulot ; dès qu’ils apprennent que quelqu’un est séropositif, ils veulent par tous les moyens l’exclure du reste de la société », affirme-t-elle.

« Si vous étiez embauché quelque part, on vous met à la porte sans autre forme de procès. Notre association joue un rôle positif dans la vie des PVVIH », poursuit la responsable de cette organisation.

Nadine déclare avoir enregistré au n iveau de son organisation trois cas de personnes vivant avec le virus remerciées par leurs patrons. « Au moins trois membres de l’association ont été révoqués ; mais avec cette opération de micro-crédit, nous nous organisons », soutient-elle.

A Jacmel, où la situation n’est pas différente, les PVVIH ne sont pas abandonnées à elles-mêmes. Le Mouvement haïtien pour le développement rural (MHDR) et ses partenaires, de concert avec le département sanitaire du Sud-est, fournissent des encadrements technique, sanitaire, alimentaire et psychosocial aux malades du Sida.

Avec le support financier de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), un projet pilote « à impact rapide » a été exécuté par le MHDR. Un centre de formation et de production au profit des PVVIH est opérationnel depuis plusieurs mois. Ce centre est logé dans une maison fraîchement construite dans un quartier éloigné du centre-ville de Jacmel.

Dans une grande salle à l’intérieur de cette maison, des œuvres picturales réalisées par les PVVIH sont exposées. « Les images que dessinent les sidéens dans ces tableaux traduisent ce qu’ils ressentent à travers la société. Certains membres de la communauté de Jacmel souhaiteraient leur élimination », souligne Strauss Védrine, coordinateur du MHDR et responsable du bureau de l’Institut Panos dans le Sud-est.

Aux côtés de ces fresques, des produits artisanaux : chaussures, t-shirts ainsi que des objets d’art ménagers sont aussi confectionnés par ces PVVIH. « La plupart de ces produits sont exportés à l’étranger sous le label ‘MHDR-Jacmel’ », explique le coordinateur du MHDR.

Strauss Védrine indique qu’un programme de micro-crédit a été mis en place pour assister les orphelins du Sida. « Avec ce programme, nous facilitons le paiement des scolarités de nombreux enfants en difficulté, particulièrement les orphelins du Sida », affirme-t-il.

Sur le plan nutritionnel, le MHDR donne à manger à 235 PVVIH grâce au concours du Catholic relief service (CRS) et du Programme alimentaire mondial (PAM). Strauss Védrine ajoute que les sidéens pris en charge par son centre bénéficient également des services d’un psychologue, d’un travailleur social et d’un sociologue pour mieux faire face à cette pandémie.

Le projet d’appui aux personnes infectées est un projet pilote. Strauss Védrine souhaite que son résultat ouvre la voie à des ramifications dans les autres régions du pays.

Saurel Beaujour vit avec le virus depuis plusieurs années. Aujourd’hui, il est le Secrétaire général de l’Association de solidarité nationale aux personnes vivant avec le Sida (ASON). Beaujour dit déceler des avancées significatives dans la lutte contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes séropositives en Haïti. « Notre société commence à accepter, quoique sournoisement, les personnes infectées. C’est une avancée significative », se félicite le responsable de l’ASON.

Beaujour ne croit pas à des solutions miracles quant à l’éradication de la discrimination et de la stigmatisation vis-à-vis des PVVIH. « Nous ne pouvons éradiquer ces maux du jour au lendemain ; nous pensons que cela relève de la responsabilité de tout un chacun », estime-t-il.

Saurel Beaujour invite les autres PVVIH à s’armer de courage face à ce fléau. « Légion sont les personnes infectées qui pensent qu’il n’y a plus de vie pour elles sur cette terre, pourtant elles pourraient être utiles à la société ; elles pourraient participer au développement de leur pays », soutient le Secrétaire général de l’ASON.

La stigmatisation et la discrimination rendent difficile, voire impossible, l’accès aux instruments de prévention, aux soins de santé de premier recours, aux soins et traitements spécialisés pour le VIH, de même qu’aux services sociaux. Ces phénomènes privent les gens de leurs droits et de leur dignité, en plus de les isoler ou de les opprimer.

Fort de cette situation qui affecte gravement les PVVIH, Saurel Beaujour croit que les Parlementaires de la 48e Législature ont leur mot à dire dans ce dossier. « Au niveau des deux chambres, on n’a pas mentionné l’existence d’une commission parlementaire sur le VIH/Sida, signale le responsable de l’ASON. C’est une faiblesse de la part de nos Parlementaires, pourtant nombre d’entre eux sont des médecins. » [do gp apr 27/11/2006 14:00]