P-au-P, 24 Nov. 06 [AlterPresse] --- Les assouplissements de la dette externe d’Haïti, annoncés cette semaine par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), sont conditionnés par la mise en œuvre d’un nouveau programme d’ajustement structurel.
C’est la conditionnalité faite au gouvernement haïtien par les deux institutions de financement international qui exigent préalablement « un large train de réformes » de la république d’Haïti « pour pouvoir être admise à bénéficier d’un allégement irrévocable de sa dette au point d’achèvement ».
« Haïti a lancé et doit mettre en œuvre un programme économique soutenu par la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) du FMI, formuler et mettre en œuvre une stratégie de réduction de la pauvreté pendant au moins un an, et mettre en place d’importantes réformes structurelles et sociales, notamment dans les domaines de la gouvernance économique et de la gestion de la dette », indiquent le FMI et la Banque mondiale dans un communiqué.
Selon Takatoshi Kato, Directeur général adjoint du FMI, les élections présidentielle et législatives, déroulées au début de l’année 2006, ont permis à Haïti d’améliorer sensiblement ses résultats macroéconomiques et d’entamer des réformes structurelles essentielles.
« Les récentes élections, qui se sont déroulées de manière satisfaisante, et les progrès déjà accomplis offrent une occasion d’inverser la tendance des dernières décennies et de poursuivre durablement une croissance favorable aux pauvres », a déclaré le haut fonctionnaire du FMI.
Kato a estimé que la dette extérieure demeurera une lourde charge, même après l’allégement au titre de l’Initiative PPTE, et, pour la maintenir à un niveau soutenable à moyen terme, Haïti devra poursuivre des politiques économiques résolues, assurer une gestion prudente de la dette et continuer à recevoir une aide extérieure très concessionnel.
« L’objectif des allégements de dette est de libérer des ressources pour réduire la pauvreté. Les autorités haïtiennes ont récemment mis en place des réformes importantes en matière de gouvernance économique », a pour sa part indiqué Caroline Anstey, directrice des opérations de la Banque mondiale.
Anstey exhorte les autorités haïtiennes à continuer sur cette lancée et à tirer parti des progrès accomplis pour faire en sorte que les ressources soient utilisées de manière efficace et transparente, de façon à améliorer l’accès des pauvres aux services d’éducation, de santé et de base.
« Les modalités de l’appui, que les donateurs seront en mesure de fournir à Haïti dans ces domaines, seront les thèmes centraux de la Conférence des bailleurs de fonds d’Haïti, qui doit se tenir à Madrid le 30 novembre [2006] », a-t-elle avancé.
La dette externe d’Haïti est estimée à 1.3 milliards de dollars américains en termes nominaux, soit l’équivalent de 932.9 millions de dollars en valeur actuelle nette.
L’allégement de la dette annoncée par FMI et Banque mondiale représentera environ 140.3 millions de dollars en Valeur actuelle nette, soit l’équivalent d’une réduction de 15.1 % de la dette nationale après le recours aux mécanismes traditionnels d’allègement de la dette.
Malgré la conditionnalité exigée, l’Organisation des Nations Unies (ONU) accueille favorablement la décision d’alléger de façon intérimaire la dette externe d’Haïti à travers l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE).
Sophie Boutaud de la Combe , porte-parole de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), se réjouit de cette décision qu’elle qualifie de point positif, tout en précisant que cela renouvelle l’engagement de la communauté internationale à venir en aide à Haïti.
« Cet allégement intérimaire de la dette, qu’ont fait certains créanciers d’Haïti, est un point très positif », affirme la fonctionnaire de l’ONU à l’occasion de la conférence de presse hebdomadaire de la MINUSTAH le 23 novembre 2006.
La veille, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont annoncé, dans un communiqué conjoint, que « Haïti a atteint le point de décision dans le cadre de l’Initiative renforcée d’allégement de la dette en faveur des PPTE ».
Admissible à bénéficier d’un allégement de sa dette, Haïti est le 30e pays à atteindre le point de décision dans le cadre de cette Initiative.
Toutefois, pour bénéficier de cet allégement intérimaire de la dette envers certains créanciers, le gouvernement haïtien « devra mettre en œuvre un large train de réformes ».
Dans l’intervalle, des organisations altermondialistes optent pour l’annulation totale de la dette externe d’Haïti. Le 26 octobre 2006, une importante mobilisation a eu lieu à Port-au-Prince à l’initiative de ces secteurs, dont la Plate-Forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) et Jubilée Sud Amérique (JSA)
Par cette initiative, Beverly Keene de JSA voulait « attirer l’attention du public sur la mobilisation déclenchée contre la politique néolibérale du Fonds Monétaire International (FMI) qui exige une baisse des fonds alloués à l’éducation et la privatisation de l’enseignement supérieur. »
« Nous sommes disposés à appuyer le peuple haïtien dans la lutte pour l’annulation de sa dette externe, une dette qui n’est pas profitable au développement du pays. Nous sommes aussi prêts à appuyer le gouvernement haïtien, s’il ne reconnaît pas cette dette », indiquait la coordinatrice de Jubilée Sud Amérique.
Le 19 septembre 2006, la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) ont avisé de l’effacement probable d’une partie de la dette externe d’Haïti, en acceptant d’inclure la république caribéenne dans son programme intitulé « Highly Indebted Poor Countries » (HIPC), littéralement en français, Pays Pauvres Très endettés (PPTE). [do rc apr 24/11/2006 11 :00]