P-au-P, 20 Nov. 06 [AlterPresse] --- Sous la houlette de la plate-forme haïtienne « Milokan », une cérémonie de prière réunissant une cinquantaine de vodouisants s’est tenue, le 16 novembre 2006, au Bureau national d’Ethnologie (BNE), a constaté un Journaliste d’AlterPresse.
Tout de blanc vêtus, ces adeptes du vodou étaient rassemblés sur la grande cour du BNE. Des objets symbolisant le vodou (vaudou, les deux se valent), comme tambour, bougies allumées, entres autres, ont été remarqués.
Cette activité, organisée deux jours avant le 203e anniversaire de la Bataille de Vertières ayant conduit à la proclamation de l’indépendance d’Haïti, le 1 er janvier 1804, viser à honorer la mémoire des héros de la guerre de l’indépendance. Les responsables de cette plate-forme, composée d’une vingtaine d’organisations et de sociétés vaudoues, veulent également contribuer à l’établissement d’un climat de paix dans le pays.
« Cette initiative consiste à faire l’éloge de nos ancêtres, à honorer leur mémoire. C’est une cérémonie de prière pour leur dire merci, pour cette nation qu’ils nous ont léguée, et pour leur demander de nous venir en aide en vue d’arriver à une situation de paix dans notre pays », affirme Widner Dumay, porte-parole de la plate-forme.
La « cérémonie mystique » du 16 novembre 2006 est la première d’une série d’actions que compte organiser la plate-forme dans le pays. Une campagne anti-sida sera lancée, le 1 er décembre 2006, à l’occasion de la journée mondiale du Sida.
« Le secteur vodou veut s’engager davantage dans la lutte pour le changement dans le pays. Car, il est venu le temps de donner une nouvelle orientation à ce pays qui a trop souffert », lance le porte-parole de la Plate-forme « Milokan », faisant allusion à la Bataille de Vertières (Cap-Haïtien, 18 novembre 1803), au cours de laquelle les esclaves révoltés de Saint-Domingue mirent en déroute l’armée napoléonienne.
« Vertières était d’une grande importance dans la lutte pour la libération d’Haïti. Nos ancêtres ont payé de leur sang pour nous donner cette liberté », souligne Widner Dumay.
Avant d’accéder à l’indépendance, de 1503 à 1803, ce territoire qui est devenu Haïti 200 ans plus tard a connu 300 ans d’esclavage, 300 ans de misère, rappelle le porte-parole de la plate-forme « Milokan »,
« Aujourd’hui, c’est notre responsabilité, après 203 années d’indépendance, de continuer la lutte pour un changement total dans le pays », dit-il.
Dumay pense qu’ « il est nécessaire d’interpeller les loas (les dieux dans la religion vodou), là ou ils sont dans le monde des esprits, pour qu’ils nous envoient de la paix, parce que nous en avons besoin pour le bien-être de notre société. »
Euvonie Georges Auguste, coordinatrice de la plate-forme, invite les Haïtiens ayant une mauvaise perception du vodou à se ressaisir. A son avis, ce sont tous des vodouisants qui s’ignorent.
« Les vodouisants sont dans tous les secteurs ; nous sommes tous des vodouisants », estime-t-elle.
A l’instar d’autres chercheurs, comme le professeur Grégoire Dienguelé Matsua, Euvonie Georges Auguste croit que le vodou est toute une vision du monde.
« Dans le vodou, il n’y a pas que le côté religieux. Toute notre vie, comme Haïtiens, c’est le vodou : notre façon de vivre, notre perception du monde », fait remarquer la coordinatrice de la plate-forme Milokan qui relève un certain déséquilibre au sein de la société haïtienne.
La façon, dont certaines gens perçoivent le vodou, entraîne un certain déséquilibre social. « Pas de justice sociale, pas d’équilibre dans notre société, nous sommes exposés à la violence », condamne Euvonie Georges Auguste.
En Haïti, pendant plusieurs années (notamment durant les années 1930, avec une campgne de rejet dite « kanpay rejte »), le vodou était parmi les secteurs les plus persécutés.
« Le secteur vodou a déjà connu 13 déchoucages (actes de violence consistant à détruire les rites et symboles des temples du vodou plus connus sous le nom de péristyles). A chaque bataille, nous avons perdu un héros. Nous ne voulons pas un quatorzième ; s’il doit y avoir d’autres, c’est nous qui le ferons », signale le porte-parole de la plate-forme « Milokan ».
« Nous avons perdu Boukman [NDLR : après la cérémonie du Bois Caîïman, Cap-Haïtien, en 1791] et le 20 janvier 1758, nous avons perdu François Makandal qui fut carbonisé. En 1806 [le 17 octobre], ils ont tué Dessalines pour nous donner une société divisée », ajoute-t-il.
Diffuser les grandes valeurs du vaudou est le souhait de nombre de chercheurs qui proposent leurs points de vue concernant la pratique de ce qu’ils considèrent comme un courant de pensée. [do rc apr 20/11/2006 13:30]