P-au-P, 17 Nov. 06 [AlterPresse] --- La première Journée nationale contre la pratique de la domesticité infantile a été célébrée ce 17 novembre en Haiti, à l’initiative d’un réseau d’organisations haïtiennes de promotion des droits de l’enfant.
La Fondation Limyè Lavi (FLL) et le réseau Aba Sistèm Restavèk (ASR) ont accompagné une marche de plusieurs dizaines d’enfants dans les rues de Port-au-Prince.
Préalablement, ces enfants, ainsi que des personnalités de divers secteurs, ont pris part à une cérémonie religieuse à la cathédrale Sainte Trinité, au centre de la capitale.
La veille, lors d’une conférence à la capitale, Guerda Constant, membre du réseau, a qualifié d’audacieuse et courageuse cette décision de décréter le 17 novembre Journée nationale contre le système « restavek » (domesticité) considéré comme une sorte d’ « esclavage moderne ».
Guerda Constant a passé en revue les différentes actions déjà posées par un grand nombre d’organisations en vue de trouver une solution durable au problème de la domesticité infantile.
Constant croit qu’ « il est grand temps d’évaluer les différentes actions posées et d’inventorier les ressources disponibles » en vue de développer d’autres pistes de solution.
D’une voix unanime, les participants à cette table ronde ont plaidé en faveur de l’éradication de la domesticité infantile en Haïti.
« Cette journée de lutte contre le système ‘restavek’ nous la voulons nationale même s’il n’y a pas un décret officiel du gouvernement », dit Cécile François de la Fondation Rencontre.
Selon la promotrice des droits des enfants, la domesticité infantile est un acte illégal. « Il n’y aucune loi qui la supporte et la constitution ne fait pas place à la domesticité infantile », soutient-elle.
A travers l’inauguration de la première Journée nationale contre la domesticité infantile ou système « restavek », 17 novembre 2006, les initiateurs disent vouloir « sensibiliser, motiver et mobiliser la société haïtienne tout entière en vue de la porter à prendre position et à œuvrer pour l’éradication de la domesticité infantile et du système ‘restavek’ dans notre pays. »
« Nous voulons dessiller les yeux et conscientiser la population tout entière sur un système dégradant, humiliant, déshumanisant qui ronge notre société et qui perdure en ce troisième millénaire, plus de deux cents ans après la proclamation de notre indépendance », ajoute Cécile François.
Me. Emmanuel Lacroix, juge d’instruction au tribunal pour enfants de Port-au-Prince, a souligné les faiblesses de la loi haïtienne en ce qui concerne la domesticité.
Il a toutefois fait remarquer que la loi à elle seule ne suffit pas pour éradiquer le système « restavek » en Haïti. Selon le magistrat qui est aussi membre de la Coalition haïtienne pour la défense des droits de l’Enfant (COHADE), cela nécessite des actions sociales.
« Il faut un train de mesures visant l’amélioration des conditions de vie des familles haïtiennes », estime Emmanuel Lacroix qui intervenait à cette table ronde lançant la journée contre la pratique de la domesticité infantile en Haïti.
Le juge en charge des enfants plaide en faveur de l’accessibilité de l’éducation primaire gratuite, de l’investissement dans la formation des maîtres, de la création d’emploi dans les villes comme dans les campagnes, tout en exhortant le Ministère des affaires sociales à étendre ses actions un peu partout dans le pays.
Antonal Mortimé du réseau ASR abonde presque dans le même sens. Selon Mortimé, l’absence de services socio-économiques, les conditions d’extrême pauvreté dans lesquelles vivent certaines familles haïtiennes avec moins d’un dollar américain par jour expliquent bien le phénomène de domesticité infantile en Haïti.
« Il est urgent de se révolter contre la domesticité de nos enfants et l’État a un rôle important à jouer dans l’éradication de ce système qui est une menace pour notre société », indique Antonal Mortimé.
Il met en relief la nécessité d’un code de protection des familles devant contribuer à l’élimination du système « restavek » dans le pays.
En Haïti, les « restavek » sont estimés à 300.000 dont 75% de filles. 70% de ces enfants ont moins de 15 ans. Selon une enquête de l’Unicef publiée en 1998, la majorité de ces enfants est victime de mauvais traitements et d’humiliations. L’accès à une éducation de qualité est quasi-inexistant. [do apr 17/11/2006 12:00]